Lors des déblais pratiqués pour la fondation des nouvelles prisons en 1832, les ouvriers, parvenus à l’emplacement du jardin donnant sur la rue « du Chant des Oiseaux » (aujourd’hui rue Hennequin), emplacement occupé jusqu’à la Révolution par l’église du couvent des Cordeliers, eurent à enlever une quantité énorme de squelettes humains, disposés par lits souvent superposés et d’une entière conservation.
Peu d’objets furent recueillis qui puissent intéresser la curiosité.
On y trouva seulement, en grand nombre, des petits pots de terre à anses, d’une fabrique grossière, ne différant que par la grandeur, dans une latitude de 3 (7,62 cm) à 5 pouces (12,7 cm) de diamètre, et par la couleur qui varie du jaune au rouge.
On a remarqué qu’ils étaient placés tantôt à la tête, tantôt aux pieds, tantôt à la hauteur moyenne des corps. Comme rien ne les couvrait, ils étaient, en général, remplis de terre au fond de laquelle il y avait dans quelques uns, des fragments de charbon.
Ils se lient à d’anciens usages aujourd’hui abandonnés, et ils ont été donnés au Musée de Troyes.
Quel est l’âge approximatif de ces petits vases ?
Jean Beleth, (théologien, liturgiste et sermonnaire français) qui vivait au XII° siècle, et dont on a un traité sur les cérémonies de l’église, atteste l’usage qui se pratiquait de son temps de mettre dans les tombeaux de l’eau bénite, du charbon et de l’encens : lorsque le corps a été mis dans la sépulture, l’eau bénite a pour effet d’empêcher les démons d’approcher, l’encens d’éloigner la mauvaise odeur, et le charbon d’indiquer que ce terrain ne doit plus servir à d’autres usages.
Monseigneur Durand, évêque de Mende, mort en 1286, confirme ce témoignage, dans des termes identiques.
C’était donc à recevoir ces objets que servaient les vases dont je viens de parler.
On apprend même des anciens auteurs qu’on avait soin, pendant la cérémonie et jusqu’à la fermeture de la tombe, d’allumer et de laisser brûler l’encens pour purifier l’air et préserver les assistants des miasmes putrides.
Très souvent de pareils vases ont été trouvés, soit dans les églises, soit dans des cimetières, mais jamais n’avait été trouvé cette destination.
Cette pratique remonte, comme on le voit, à la plus haute antiquité, avec les modifications que le temps et les rites chrétiens y ont introduites. Il est impossible de ne pas voir un air de famille entre ces vases thurifères, et ceux, en si grand nombre, que recèlent les anciens tombeaux, qui avaient été nommés improprement vases lacrymatoires, et qu’aujourd’hui on s’accorde à reconnaître unanimement comme n’ayant jamais servi qu’à contenir des essences et onguents liquides dont on arrosait le corps ou les os des morts.
A quelle époque remontent ces sépultures ?
On sait que l’église des Cordeliers a été bâtie en 1263, et les bâtiments conventuels beaucoup plus tard.
Dans ce siècle on n’admettait à la sépulture dans les églises que les corps des saints, des fondateurs et autres grands personnages.
Ce ne fut qu’aux XIV° et XV° siècles que l’on se relâcha progressivement de cette rigueur au point d’y enterrer grand nombre de personnes.
C’est donc dans ces 2 siècles que l’on peut raisonnablement fixer l’époque du placement des petits pots en question, car, au-delà de ces temps, l’usage s’en perdit rapidement.
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