Après les souterrains à Troyes (voir ce chapitre), parlons de quelques uns dans l’Aube.
Les archéologues les plus avisés conviennent que leurs connaissances sont fort imparfaites en ce qui concerne les souterrains dont on découvre les tronçons de temps à autre dans nos campagnes. Ils les qualifient, sans trop de précisions, de « souterrains-refuges ». Pourtant, leurs destinations ont été diverses suivant les époques.
Il ne s’écoule guère d’années sans que, après de grandes pluies d’orage, on ne voit apparaître dans quelque champ une profonde excavation qui s’ouvre sous le poids des hommes, des chevaux ou des tracteurs.
Ce sont les anciens souterrains qui réapparaissent pour le plus grand étonnement des villageois qui pensent faire des découvertes mirifiques.
Ces souterrains n’apparaissent dans notre département que dans des conditions bien déterminées. Les régions argileuses comme le canton de Chaource ou le canton de Lusigny en sont à peu près dépourvues.
La zone viticole ne les connait pas non plus. Par contre, l’ouest et le nord du département de l’Aube, en sont abondamment gratifiés.
Le souterrain refuge était l’endroit où le faible se cachait pour échapper aux dangers déchaînés par les hordes ennemies. A l’arrivée inopinée des brigands, des guerriers, des envahisseurs dans nos campagnes, la population valide se liguait pour les repousser. Mais, pendant ce temps, les femmes, les vieillards, les enfants couraient se cacher dans les entrailles du sol et si les envahisseurs occupés au pillage ne les découvraient pas, ils avaient ainsi la vie sauve.
Ces souterrains pouvaient être aussi des cachettes pour les objets que les villageois voulaient soustraire à la rapacité de l’ennemi.
En 1870, est signalée à la Société Académique, la découverte, lors des travaux de la dérivation des eaux de Cérilly par la ville de Paris, d’un souterrain à Rigny-le-Ferron, qui est taillé dans la craie et comporte des niches. C’était une nef de 8 m de longueur et 1,80 m de hauteur, avec 3 niches de chaque côté en face les unes des autres, celles de droite taillées en voûte dans la craie et celles de gauche aussi voûtées en petits moellons de craie de 20 cm. Sur les piliers qui séparent ces niches, sont gravées 2 croix pattées (vient du fait que les bras de la croix font penser à des pattes), puis 2 petites niches creusées dans ces piliers où on pourrait y déposer un christ ou une croix. Il aurait servi de refuge pour les premiers chrétiens lors des persécutions romaines. A quelques pas de là, on a trouvé en creusant la tranchée un nombre considérable de corps morts, couchés pêle-mêle dans la marne (intermédiaire entre calcaire et argile).
En 1930, un souterrain a été ouvert sur le bord de la rue de la Grande Planche, à Saint-André-les-Vergers, aux Bas-Clos, taillé dans la craie. C’est un couloir principal de 17 m de long sur 1,40 de large et 1,80 de hauteur avec 3 logettes à l’ouest et 2 à l’est, plus un carrefour avec 3 logettes, ayant toutes environ 1 m 50 de large sur 2 m de profondeur. Parois taillées dans le tuf crayeux. Il y avait quelques ossements d’animaux domestiques et sauvages et des fragments de poteries de diverses époques.
Le souterrain de Buchères : dans les campagnes, les murs de soutènement ou les voûtes en briques n’interviennent à peu près jamais. La roche naturelle fait tous les frais de ces abris.
En 1931, une découverte a été faite plus au sud de Troyes. M. René Dossot de Maisons-Blanches, labourait près de Courgerennes dans un champ appartenant à M. Aristide Bablin, instituteur à Courtenot, situé entre l’église de Buchères et le château de Courgerennes de M. Jules Babeau.
Le lieudit est marqué « Villetard » sur le cadastre.
Un trou béant s’ouvrit tout-à-coup sous les pieds des chevaux qui s’enfoncèrent. Mais ils purent être tirés de leur fâcheuse position, sans trop de mal. Malgré le volume considérable des éboulis, il était facile de pénétrer dans le souterrain mis à jour, en raison de sa hauteur élevée.
A Buchères, on relevait une hauteur exceptionnelle de 2 m 30 et une largeur de 1,80 m, la longueur était de 11 m.
De chaque côté de l’excavation d’entrée, on remarque l’amorce de galeries perpendiculaires au souterrain. Elles dessinent une branche de croix de 5 m. « Cette excavation serait l’ouverture d’un vieux souterrain reliant l’ancien château féodal à diverses sorties ».
La direction de la galerie principale est orientée, comme devant relier Courgerennes à l’église de Buchères.
Ce château, construit en 1660, qui présente encore un corps de bâtiment de l’époque, le pigeonnier et la chapelle, était la propriété de la famille de Noël. Il est encore entouré de fossés et de douves alimentés par l’Hozain (rivière, affluent de la Seine, rive gauche).
Le percement d’un souterrain était un travail pénible et long, qui s’accomplissait dans le mystère avec le pic, une pelle et la corbeille et qui, dès lors ne pouvait atteindre des proportions considérables, car on ne pouvait y travailler qu’en nombre très réduit : 1 ou 2 personnes. On peut voir dans ce boyau une resserre ou une petite cave, capable de servir de cachette pour les temps difficiles.
Le souterrain de Prugny : le 19 avril 1931, la « Tribune de l’Aube » publiait dans sa chronique locale, l’information suivante : « Prugny : découverte de caves. Ces jours derniers, M. Dionnais était occupé à extirper (arracher complètement, avec difficulté, quelque chose) dans un clos. Un de ses chevaux s’enfonça dans un trou et en sortit aussitôt. M. Dionnais détourna plusieurs pierres et découvrit une cave. Rentrant chez lui, il se munit d’une lampe électrique et descendit dans cette cave qui est d’une assez grande longueur. Elle est suivie d’une deuxième plus petite et ensuite d’un long tunnel où il trouva d’anciennes poteries et plusieurs pains de terre glaise qui paraissaient très anciens. Une telle découverte demandait un déplacement. Nous n’y manquâmes pas. M. Dionnais-Beau, avec la meilleure bonne grâce, se prêta à toutes les indications.
Le souterrain s’ouvre lieudit les Accins, sur la Grande-Rue. Deux gros morceaux de craie qui en obstruaient l’entrée furent vite dégagés. La longueur de la galerie atteint une vingtaine de mètres. Partout, le sol est recouvert d’une couche de débris, d’éboulis, de crayat (scorie des bas-fourneaux gallo-romains ou celtes) qui ne laisse guère pour se mouvoir, qu’une hauteur d’un mètre. A droite en entrant, 2 petites niches ont été aménagées, elles mesurent 0,50 m de côté avec voûte cintrée. A gauche débouche une galerie qui permettait certainement une double issue, et assurait la ventilation. La voûte supporte une épaisseur de 2 m. de terre. Il y a des coulées d’argile dans la craie, de teinte ocre.
Les 2 vases, mesurant une hauteur de 0 m. 40 sont semblables à ceux qu’on emploie encore dans les fermes pour le laitage.
Le souterrain dessine un angle, et on trouve une amorce de galerie formant un tympan d’allure gothique. Enfin apparaît une nouvelle issue comblée par la terre végétale, physionomie habituelle aux souterrains de la région.
Le souterrain de Prugny s’ouvrait très probablement dans une maison, sous le four, par exemple, dans un endroit incommode, où l’ennemi ne pouvait facilement opérer ses investigations.
Prugny connait un autre souterrain sous le nom de « Souterrain de l’école », dont l’ouverture n’est plus un secret pour personne. On signale une étrange résonance dans la ruelle qui va au chemin de la Manigaude, ce qui laisse supposer que la galerie la traverse.
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