Associations, Sociétés



Maison des Jeunes et de la culture


 

J’ai toujours repoussé le moment de faire un chapitre sur la Maison des Jeunes et de la Culture, car s’il m’a fallu avoir foi en la créant, ayant toujours été jusqu’au bout de mes convictions, en 10 ans de présidence, que de joies, d’espérances, de déceptions… Je me suis battu pour sa survie (voyez dans les images, les titres des journaux : « Au Conseil Municipal, l’UDR tire à boulets rouges sur la Maison des jeunes »…), et aujourd’hui, (2013) 45 ans après mon départ, je reçois encore beaucoup de témoignages « d’ex » jeunes qui m’en sont toujours reconnaissants. Mais que d’heures passées pour en faire le petit résumé ci-dessous, alors qu’il m’aurait fallu un cahier complet !! Elu le 15 mars 1959 au Conseil Municipal de Troyes, je lance en 1960, une grande consultation auprès des jeunes (usines, centres d’apprentissage, lycées, classes de fin d’étude…). Troyes était la ville de France où le taux de délinquance juvénile était le plus élevé (je sais ce qu’il en était, étant alors visiteur de prison pour les mineurs).

 

En janvier 1961, 12.000 questionnaires distribués, 5.000 réponses me reviennent !, avec en premier lieu : « il n’y a pas de Maison des jeunes à Troyes ». En effet, la Maison du Boulanger ne sera créée qu’en 1971. Je connaissais de réputation les M.J.C., nées à Lyon en 1945, pour favoriser le développement de centres de loisirs et de culture ouverts à tous les jeunes. Il y avait déjà à cette date, 200 M.J.C. J’en ai visité 2 ou 3 (Dijon, Chaumont…), et, convaincu, j’ai proposé au Maire Henri Terré d’en créer une à Troyes. Si la jeunesse, est l’élément actif, l’élément dynamique, l’élément fondamental, il n’en reste pas moins que tous les habitants de la commune ont leur place dans les M.J.C. C’est pourquoi, ayant eu « carte blanche », j’ai réuni des responsables de mouvements de jeunesse, de syndicalistes, de représentants de toutes confessions, de partis politiques, philosophiques… pour montrer la neutralité de ces Maisons, afin qu’il y ait une tolérance, une compréhension, une collaboration de tous effective. La M.J.C. est indépendante, non seulement à l’égard des confessions et des partis, mais indépendante à l’égard de l’Etat, dont elle touche cependant des subventions, indépendante aussi à l’égard des collectivités locales, qui cependant lui accordent des subsides. La M.J.C. est gérée par tous, puisqu’au sein du Conseil d’administration, il y a la place de la Commune, celle de l’Etat (Directeur DDJS), de la C.A.F., celle des associations et des groupements locaux, et même celle des isolés. Au Conseil Municipal du 7 février, je fais un rapport, et après des rencontres avec les mouvements de jeunesse, l’Inspecteur DDJS, le délégué de la FFMJC, le 14 juin, c’est la création de la MJC de Troyes. En septembre, la Ville met à la disposition de la MJC, les locaux désaffectés de l’ancienne Ecole Normale avenue du 1er Mai. Rapidement des centaines de jeunes prennent possession de la MJC et, vite, à leur demande elle reste ouverte le dimanche.

 

En mars 1963, ouverture d’un restaurant ouvert midi et soir, à prix modiques (3 F à 3,25 F, 3,50 F pour les passagers), avec cafétéria, coin télé, bibliothèque… organisant des « Dîners Cabarets », des spectacles réalisés par de nombreuses troupes.

 

En mai 1963, le Conseil municipal adopte le projet d’une nouvelle construction avec le patronage de la Cie Saint-Gobain et de la FFMJC, création de l’architecte Claude Parent, cet « explorateur de l’oblique », dont ses confrères s’arrachent les dessins (il a conçu la célèbre maison Drusch à Versailles, la maison de l’Iran à Paris, la maison Bordeaux-Le Pecq, une église à Nevers, 2 centrales nucléaires…). Ce prototype devait être réalisé en 500 exemples, alors qu’il manquait 4.000 MJC en France. Lors de notre Assemblée générale de février 1964, M. Terré y assiste, et, devant une salle comble, il annonce qu’il a reçu l’approbation préfectorale il y a 48 heures. Mai 1964, 1er coup de pioche et 24 avril 1965 inauguration par Maurice Herzog ministre de la Jeunesse et des Sports et une foultitude d’autorités nationales, locales, départementales. C’est la 550° MJC. Pendant 2 jours, ouverture d’un bureau temporaire des P. et T., avec 5 souvenirs philatéliques et timbre 1er jour, à l’effigie de l’édifice.

 

Rapidement, 400 à 500 jeunes, s’approprient la M.J.C., presque journellement. Il y avait beaucoup d’activités, toujours très fréquentées, certaines avec des tournois : Club de poètes, Ciné-club, Labo photo, Echecs, Aéromodélisme, Judo, Baby-foot, Tennis de table, Danses folkloriques, Natation, Coupe-couture, Art floral, Dessin, Théâtre, Catch, Yoga, Volley-ball, Philatélie, Secourisme, Cours d’alphabétisation, Gymnastique volontaire, Cours de bridge, Emaux, Vitraux, Peinture, Poterie, Arts plastiques, Expression libre, Bibliothèque, Discothèque, Décoration, Danses modernes, Espéranto, Archéologie, Audio-visuel, sessions de 6 séances de préparation au mariage (95 jeunes participant à chaque session)… Les séances « la Parole est aux Jeunes », avaient toujours un public d’une centaine de jeunes et permettaient aux usagers d’aborder tous les sujets.

 

         Il y avait de nombreuses rencontres, inter-M.J.C., avec 60 normaliens et normaliennes, 10 étudiants américains de l’Indiana, 23 délégués ou responsables de Mouvements de Jeunesse de Darmstadt pendant 3 jours, 5 étudiants russes,  avec le Centre Culture Franco Indien, 65 responsables de la branche « route » de toute la France, avec des Groupes théâtraux…     

 

Il y avait régulièrement des expositions avec conférences, films, débats : sur le Japon, la quinzaine Américaine (avec plusieurs membres de l’Ambassade), la Semaine Canadienne (Montréal-Troyes, villes sœurs), avec l’Ambassadeur, le Japon, des reproductions de tableaux prêtés par le Ministre des Affaires Culturelles, l’Art africain, l’Espace et l’Astronautique ( Albert Ducrocq), l’Europe, l’Audio-visuel, la peinture, les poteries, les 3 syndicats (F.O., C.F.T.C. et C.G.T.), la commune, les journalistes, les législatives, la crise monétaire, avec Amable Massis Inspecteur Général de la Musique et des Spectacles Lyriques à la Direction Générale des Arts et des Lettres, conférence de M. Haby, directeur de cabinet de M. Missoffe, ministre  de la Jeunesse et des Sports, à l’Hôtel de Ville de Troyes, sur la « Politique de la Jeunesse »…   

 

Nous avions accueilli le groupe vocal (pour leurs répétitions) « Les Tricasses »  qui deviendront « Les Octaves ».

 

Je ne saurais oublier les week-end de ski, les voyages d’été, les rallyes…   

 

Au début, il y a bien eu quelques bandes de groupes de jeunes désoeuvrés, mais nous avons créé une équipe de foot et récupéré ainsi ces jeunes.

 

         Nous avions une revue mensuelle ou bimestrielle, « Le Mois Troyen » à partir du 1er mars 1963, faite par les jeunes, car il ne peut y avoir une « Politique de la jeunesse », si l’on n’y associe pas les jeunes. Elle faisait l’inventaire de leurs besoins dans tous les domaines (écoles, loisirs, préparation professionnelle, emploi, logement…), elle faisait connaître ces besoins aux autorités compétentes et faisait prendre les mesures nécessaires après avoir établi un choix et une priorité.

 

Du 28 au 30 mai 1966, nous avons organisé à Troyes, la XXI° Assemblée générale de la Fédération Française des M.J.C. : 800 délégués venus de toute la France se sont rencontrés autour de débats très animés, avec la présence de M. André Philip, ancien ministre et fondateur de la F.F.M.J.C., et l’Ambassadeur du ministre F. Missoffe, qui annonçait la rédaction d’un livre blanc, charte d’une politique de la jeunesse, qui est l’avenir de la Nation.

 

Malgré cela, que d’orages politiques ai-je subi lors de séances du Conseil municipal (voir titres de journaux ci-contre), plusieurs conseillers (qui, souvent n’avaient jamais mis les pieds à la M.J.C.), « tapant » sur la Maison des Jeunes, qu’ils considéraient comme un réceptacle de voyous. Ensuite, il y a eu de gros problèmes financiers venant de ce que le Gouvernement ne prenait plus en charge la rémunération des Directeurs. J’ai demandé au Conseil de souscrire, comme la plupart des villes de France, un contrat avec le F.O.N.J.E.P., pour prendre en charge un animateur, sans cela, nous ne pourrions plus fonctionner. Je demandais à mes collègues de ne pas faire du négatif, mais de venir voir, d’apporter leurs conseils… Enfin, au moment du vote, après mes réponses, 2 conseillers seulement s’abstenaient, et les décisions étaient votées à l’unanimité !!

 

Une de mes principales fiertés fut lors des événements de Mai 68 : Troyes est restée calme. J’étais alors Président des Maisons des Jeunes et de la Culture et Maire-adjoint à la Jeunesse et aux Sports. Je me souviens que des réunions se sont tenues pendant 15 jours pratiquement non-stop à la M.J.C., avec la salle de spectacle toujours pleine " à craquer "!. J’avais associé à ces réunions-débats, aussi bien les jeunes étudiants que les jeunes travailleurs, les parents, les professeurs, les syndicalistes, les politiques de tous bords. Les jeunes voulaient que l’on prenne au sérieux leurs paroles, leurs problèmes, leurs activités. Ces colloques quasi permanents que je tenais à la M.J.C., furent empreints du plus grand sérieux. A cet époque, Troyes est restée calme, nous avons été une des rares villes de France dont les établissements scolaires n’ont pas été occupés et n’ont subi aucun dégât. Je dois dire un grand merci à ceux qui m’ont soutenu pendant ces journées, comme le docteur Jean Bouillat, Bernard Fourrier...Merci aussi aux autorités de l’époque : le Préfet de l’Aube, le Maire de Troyes, l’Inspecteur d’Académie, les Chefs d’Établissements Scolaires... qui m’ont fait confiance et ont été attentifs à mes requêtes.

 

Petite anecdote : après la construction  de la nouvelle M.J.C., les anciens locaux avaient été détruits, c’est-à-dire, plus de restaurant. Nous avions donc créé le Foyer de Jeunes Travailleurs du Pont de la Pielle, 150 chambres, 350 repas servis par jour, et, tout tournant bien, nous lui avons donné son autonomie. Cette nouvelle association eut aussi de grosses difficultés financières (principalement au sujet d’un prêt bancaire qu’elle ne pouvait obtenir), et un jour, je crois que c’est en juillet 1969, le Président et le Directeur du Foyer ont rencontré le Préfet et lui ont jeté par dépit sur son bureau, en partant, les clés du Foyer ! Le Préfet m’a fait venir et m’a confié les clés. Rapidement, tout est rentré dans l’ordre, mais avec des concessions de part et d’autre !

 

Il me faut dire un grand merci aux directeurs et directeurs adjoints, à Mlle Roblot secrétaire, à M. Morlot trésorier, à Jean Bouillat, Gilbert Laplace (hélas tous 4 décédés), à Bernard Fourrier Pdt CLOJEPA, et à tous les membres du bureau, de quelques bords soient-ils, qui m’ont toujours soutenu pendant mes 9 ans de mandat de Président, pour la réussite de cette M.J.C.

 

 

P.S. : en 1963, j’ai été choisi avec 5 autres français appartenant à d’autres M.J.C. françaises, pour un voyage d’étude d’un mois en U.R.S.S. C’était la première fois que l’on montrait tout ce qui était fait pour la jeunesse, principalement les mouvements de pionniers (ressemblant beaucoup au scoutisme). Nous avons été reçus comme des princes, car pour eux nous étions les premiers qui avions fait la Révolution. Nous avons visité ce qui était fait pour les jeunes dans plusieurs Républiques Socialistes Soviétiques, de Moscou jusque sur les bords de la mer noire. Que de souvenirs ! Mais cela, c’est une autre histoire, et n’intéresse ce chapitre que pour les enseignements  que j’en ai tirés pour Troyes !

 

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