S’il est un sujet dont je puis bien parler, c’est celui de la Mission Locale de Troyes, que j’ai créée avec notre Ministre-Maire Robert Galley, et en ai été pendant 6 ans, le vice-président délégué. Ces années de Maire-Adjoint sont certainement celles qui m’ont le plus marqué, qui ont été les plus passionnantes. Malheureusement, faute de place, je ne pourrai en faire qu’un tout petit résumé.
C’est d’abord en 1982, la création de la P.A.I.O. (Permanence d'Accueil, d'Information et d'Orientation) de Troyes, qui se transforme en « Mission Locale de Troyes » en 1984, avec un statut associatif géré par la Loi de 1901, ayant pour vocation la prise en compte de l’ensemble des problèmes des jeunes de 16 à 25 ans, primo-demandeurs d’emploi, sans qualification.
Pour moi, la Mission locale, c’était d’abord et avant tout un accueil, un état d’esprit, au service des jeunes. Nous étions directement concernés par le problème du chômage, principalement des jeunes qui recherchaient leur premier emploi, problème dont nous étions quotidiennement les témoins. Je ne pouvais rester insensible à ce phénomène, et admettre qu’à 20 ans, on soit déjà devenu chômeur de longue durée. Ayant été 8 ans visiteur de prison pour les mineurs, je connaissais très bien ce problème.
Pendant 6 ans, j’ai travaillé avec des fonctionnaires dévoués : Michel Drouilly, Annie Deboom, Nathalie Roy, Dominique Cheneau, Jean-Paul Maier (arrivé en 1992, après 20 ans d’Afrique, à la demande de Robert Galley, alors président des Volontaires du progrès), qui devient le directeur de la mission locale, et occupe ce poste durant 20 ans jusqu’à sa retraite en 2010… mais surtout avec Marie-Paule Boutten, qui en a été une animatrice hors pair pendant tant d'années.
Pour moi, les personnels de la M.L. n’étaient pas des fonctionnaires, comme les autres, c’était des missionnaires, faisant un travail passionnant étant presque 24 h sur 24 disponibles, à l’écoute de tous.
De la cour de l’Hôtel de Ville, l’association s’installa dans la cour du Mortier d’Or début 1985.
Schématiquement, l’activité se répartissait dans 3 secteurs : accueil, information et orientation des jeunes, problèmes de vie quotidienne et formation et accès à l’emploi.
Participaient à notre fonctionnement : l’Etat, la Ville de Troyes, le Département, la C.A.T., l’A.N.P.E., la D.D.T.E., la D.D.A.S.S., le C.I.O., l’Inspection Académique, les Chambres Consulaires et Patronales, les Syndicats de salariés d’entreprises, les organismes de formation, la Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence.
Plus de 4.000 jeunes étaient accueillis chaque année.
Deux fois par semaine, Madame le docteur Carton, si compétente et si dévouée avec les jeunes, leur consacrait deux après-midi par semaine dans les locaux du Mortier d’Or.
En 1984, après l’incendie de « La boussole », créée par l’abbé Honnet, nous avons eu un gros apport de jeunes à la Missions Locale, où ils sont arrivés avec leur animatrice si compétente et dévouée, Dominique Cheneau.
Le 7 septembre 1985, j’ai sensibilisé pendant 2 heures les Maires du département de l’Aube, au problème des jeunes, lors de l’assemblée générale de leur association.
Le 18 mars 1991, inaugurant les nouveaux locaux de la Mission Locale, rue du Pont Royal, mon ami Jean-Pierre Soisson, Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, soulignait : « votre association est une des plus vieilles de France qui a mis sur terrain les idées de Bertrand Schwartz et qui aujourd’hui, sert de référence aux autres ».
Voici quelques opérations originales réussies : dès septembre 1984, trois « Chantier école » de 12 jeunes au Pavillon Saint-Charles, appartenant à la Ville de Troyes dans le parc naturel de la Forêt d’Orient. Sous l’égide d’un organisme de formation, remise en état de ce bâtiment devant servir d’accueil aux jeunes désirant étudier l’environnement du lac, tant animal que végétal.
Février 1985, « Réalité Niger 85 » : d’un côté, le Niger avec l’implacable sécheresse qui y sévit, de l’autre, 14 jeunes
Troyens sans emploi… et l’idée de soutenir le défi relevé par l’Etat nigérien contre la sécheresse : créer des puits, en consolider, semer toutes sortes de graines potagères. Il
leur fallait « venir en appui » à des hommes encore plus défavorisés qu’eux et donner par la même
occasion un sens à leur vie. Pour mener à bien cette mission, les jeunes avaient été préalablement sensibilisés au milieu géographique et
humain qui allait les accueillir, au cours d’un stage de 2 mois, avec informations sur la religion, les coutumes, les habitudes alimentaires, étude de pratiques culturales, méthode de forage des puits… Ils avaient subi une préparation physique, psychologique et technique très dure : sur les 110 volontaires, seuls 14 ont été
retenus ! Le Rotary-Club de Troyes a soutenu cette opération, en offrant un 4 x 4 !
Nous avions le soutien de l’Association Française des Volontaires du Progrès pour suivre cette opération, exemple sans précédent de lutte contre la famine.
Du 28 octobre au 8 novembre 1985, stage d’expression artistique pour les jeunes avec un spectacle « Rock et Chansons » au Théâtre de Champagne. 120 jeunes y participent travaillant le chant, le gestuel, le mouvement, encadrés par Michèle Fortin et son groupe Crescendo du Québec, et Pierre-Marie Boccard président de l’ « Association Chorale Nationale Chanson Contemporaine ».
Du 10 au 23 décembre 1987, 20 jeunes « paumés », de 18 à 25 ans, après 250 heures de répétition, donnent « Les Chevaliers d’Espérance », spectacle d’une heure trente, 21 représentations à l’église Saint-Jean (11 tout public et 10 pour les scolaires), avec plus de 4.000 spectateurs. 14 d’entre eux réussissent à s’insérer dans le monde du travail. Ce spectacle avait bien motivé les jeunes : Brigitte, une jeune fille d’Arcis-sur-Aube, la seule d’ailleurs qui n’était pas de l’agglomération troyenne, n’a pas hésité, pendant 6 semaines, à se lever à 2 heures du matin, pour faire ses 3 heures de ménage quotidien, avant de faire du stop pour participer aux répétitions ou représentations, puis rentrer à Arcis, tard le, soir, par le même moyen !
Je vais maintenant vous relater quelques cas dont je me souviens, sur des centaines, pour vous montrer que nous avons pu avoir des motifs de satisfaction : sur les jeunes des chantiers école du Pavillon Saint-Charles, 10 ont été placés en entreprise ; un jeune délinquant que nous avions placé dans un stage payant en lui « avançant » 1.500 Frs, et qui avait fait en même temps un stage de formation payé, nous a remboursé et n’a plus fait de bêtises ; un jeune ex-drogué, qui est parti avec nos jeunes stagiaires au Niger, à l’issue du stage, s’est engagé aux Volontaires du Progrès où il a fait un excellent travail, 2 autres ont créé leur entreprise ; en 1992, une équipe de 12 jeunes est allée aider les sinistrés de Vaison-la-Romaine, en 1993, d’autres jeunes ont effectué une mission à caractère humanitaire au Cameroun, cela afin de faire savoir que la Mission Locale est aussi un lieu d’où peuvent partir des opérations de solidarité envers d’autres personnes, elles aussi défavorisées ; « Les Jardins de l’Agglo » à Lavau, en octobre 1994…
Nous avons aussi eu beaucoup de problèmes à gérer avec la police, principalement au moment des punks. J’ai déjà écrit 2 chapitres sur ce site : « Les Punks » et « Les rats ». Une bande de 6 à 10 avait jeté l’ancre sur le forum de l’hôtel de ville et à l’angle des rues Emile Zola et Général Saussier (devant Monoprix), avec leur accoutrement régulier : imposantes crinières d’Iroquois, tête de mort ou épingle suspendues à une oreille, le cou cerclé d’une chaîne cadenassée avec une lame de rasoir… aux surnoms de l’Agité, Peps, Yoyo, le Breton, Boulette, Clochard… Certains squattaient dans un « placard à balai », ayant pour tout confort un matelas écrasé… Ils disaient : « Pour la bouffe, on se réfugie à la cantine sociale, pour l’hygiène, on se débrouille avec la Mission Locale… vachement sympas, les éducateurs !...». Bien sûr, ils faisaient la manche, mais sans agresser personne, un avait même 2 CAP !
Mon épouse pourrait témoigner des coups de sonnette
le soir très tard pour que j’aille raisonner un jeune dangereux, enfermé avec un couteau, plaider au commissariat pour que l’on relâche un jeune …
Mes plus belles récompenses étaient le sourire confiant et le regard clair d’un jeune libre, heureux, ayant du travail ! !
Le 7 juillet 1993, Michel Giraud, ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, avait installé Robert Galley à la tête du Conseil national des Missions Locales.
Au 1er janvier 2016, la Mission Locale s'est constituée en G.I.P. : Groupement d'Intérêt Public.
Nous avons également créé en complément, une association intermédiaire 1901 : « Boutique Boulot », pour procurer du travail manuel à des jeunes sans formation, en partenariat au début avec la SEDIS. Elle s’installe 29 rue Turenne, avec un éducateur de Copainville. Ses missions : Santé, Famille, Logement, Budget, Savoir-être, Savoir-faire, Mobilité, Projet professionnel.
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