Il se trouve au Musée de la Bonneterie un important document, concernant l’étonnante exposition de 1860 qui regroupa plus de 2.000 exposants, et justifia pendant toute sa durée la publication d’un journal bihebdomadaire illustré de gravures dues au talent de Fichot et de Lancelot et dont les livraisons furent réunies en album.
Il faut comprendre qu’à cette époque, l’ère des grandes expositions universelles venaient seulement de s’ouvrir en Europe et que leur retentissement auprès du public était immense, aussi bien au niveau du spectacle et du divertissement qu’à celui du commerce, de l’industrie et des affaires.
Et ce fut une sorte de mini exposition universelle avec ses multiples sections réparties un peu partout dans la ville. L’événement fut assez exceptionnel pour qu’en 1960 son centenaire soit célébré dans nos journaux par André Seurre, signalant que cette exposition avait largement dépassé nos frontières, puisqu’un journal belge, la « Gazet van Antwerpen » la commémora par un article sur 3 colonnes, rappelant les termes dans lesquels, à l’époque, cette mirobolante exposition avait été annoncée :
« Aujourd’hui, y lisons-nous, il a été ouvert ici une grande exposition textile en présence de l’Empereur Napoléon III, pour montrer au monde la progression violente de l’industrie française et des réalisations techniques modernes. Autour de Troyes, pas une si grande ville, mais en fait le centre des vins de Champagne, il fut construit ces dernières années des fabrications textiles modernes, dont les productions étonnent maintenant chaque visiteur.
L’Exposition avait surtout pour but de répondre aux industries croissantes allemandes et saxonnes et ce fut un grand succès ».
Ce texte était illustré de gravures qui nous permettent, à 155 ans de distance, de voir le décor comme si nous y étions !
La partie la plus importante de l’Exposition était installée dans la Halle au Blé, vaste bâtiment construit en 1837, qui barrait le fond de la place de la Préfecture. Au milieu de la façade s’ouvrait la monumentale porte d’honneur, dans laquelle, sur la gravure de Fichot, nous voyons se bousculer une foule de gens jouant des coudes, sous l’œil du militaire qui est en faction, l’arme au pied. Entrés vous voilà dans l’immense vaisseau où déambulent d’élégants visiteurs et visiteuses dominés par des galeries ornées de drapeaux, de bannières et d’oriflammes. L’ensemble a vraiment beaucoup d’allure.
Les classes des vins et des textiles ne constituaient pas l’essentiel de l’Exposition. Le programme dépassait largement ces cadres, et l’on put admirer les sections de l’industrie (comprenant l’Aube et tous les départements de la région) installées dans un grand bâtiment annexe situé place du Préau, celle de l’Agriculture (aux Jacobins), celle de l’élevage qui se tint sur le mail du Beffroy et fut un véritable comice agricole, comprenant même un concours hippique, celles de vins de champagne et de Bourgogne, celle de l’horticulture, présentée dans une serre chaude proche de l’Hôtel-Dieu, et enfin celle des Beaux Arts au Musée Saint-Loup.
L’on put y voir tout, absolument tout, ce qui peut se fabriquer, se produire et se vendre, ou simplement être l’objet d’une recherche, d’une étude, et être susceptible d’intéresser le public. On y montra jusqu’à des insecticides, auprès desquels on put voir un sensationnel numéro de puces savantes.
On put y admirer des inventions tour-à-fait nouvelles, comme les métiers rectilignes Poivret, ou le brevet secret de la diminution automatique Simon, ou les frères Poron qui obtinrent une médaille d’or. Le monumental « circulaire » de Gilet obtint une médaille de vermeil. Le stand d’Emmanuel Buxtorf remporta aussi un beau succès.
Au Musée Saint-loup il y avait le Salon de peinture, aménagé au 1er étage du pavillon Simart, qui venait tout juste d’être aménagé. Un journaliste qui visita ce Salon, déclara : « l’aspect de la salle est saisissant et rappelle la grande galerie du Louvre ».
Etaient aussi installés les moulages des bas-reliefs de Simart pour le tombeau de Napoléon, de la statue de l’empereur, ou la célèbre reconstitution de l’Athéna de Phidias.
Dans la grande salle de la bibliothèque, on pouvait voir les dessins, les pastels, les aquarelles, les gravures.
Ouverte le 6 mai, l’Exposition ferma ses portes le 9 juillet, après avoir connu une telle affluence que la Compagnie des Chemins de fer de l’Est fut confrontée à un trafic exceptionnel et que les services des diligences durent être doublés, voire triplés, afin de satisfaire des voyageurs qui avaient souvent retenu leurs places plusieurs semaines à l’avance.
Une anecdote lue sur 2 pages humoristiques, raconte les tribulations d’un certain M. de Tropressé qui mit 3 jours et 3 nuits pour, venant de Paris, atteindre la gare de Troyes et, arrivé à destination, sa valise à la main, un pain sous le bras, que d’embûches l’attendaient ! Comment trouver son chemin à travers nos vieilles rues enchevêtrées et, de plus, encombrées de monceaux de gravats ? Finalement, le malheureux visiteur est complètement perdu et ne peut retrouver la bonne direction qu’en emboîtant le pas à un exposant retardataire qui brandit une énorme gerbe de bas dressés sur des formes rigides.
L’énorme affluence profita à tous les commerces et plus particulièrement aux hôtels qui durent s’assurer des logements extérieurs et même s’agrandir.
Toute la presse envoya sur place des reporters pour rendre dompte de l’Exposition et aussi des manifestations et des fêtes qui se déroulèrent à cette occasion : grand bal à l’hôtel de ville, feu d’artifice sur le pont de Jully, et même, le jour de l’inauguration, grand-messe à la cathédrale, célébrée par Mgr Cœur.
On vit à Troyes, des représentants des plus importants journaux de Paris et même de l’étranger et l’on a pu dire que cette exposition eut un retentissement dans toute l’Europe.
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