Depuis longtemps, les habitants de V… (ils ne veulent plus que l'on nomme leur village depuis 100 ans !) auraient bien voulu posséder, pour leur église, une belle statue de saint, un beau saint, frais et rose, comme en avaient les églises des pays voisins.
Peu importait le nom du saint, l’essentiel était que la statue fut neuve.
Les fonds collectés, on envoya en mission 2 membres du conseil de fabrique qui furent chargés d’aller choisir à la ville le saint qui ferait honneur à leur église.
A leur retour, ils rendirent des comptes et assurèrent qu’ils avaient rempli leur mandat avec une parfaite conscience.
Après plus d’une heure d’hésitation et de discussions, ils avaient choisi une grande statue de près d’un mètre quarante de hauteur qui devait satisfaire les plus difficiles. Elle devait être livrée et installée pour la fin du mois.
On convint donc de la date de la bénédiction de la nouvelle image du saint et Monseigneur accepta de venir présider la cérémonie.
C’est ainsi qu’il arriva, un beau samedi, au presbytère, où le reçurent Monsieur le Curé et sa gouvernante qui avait vêtu pour la circonstance, tablier et bonnet blancs.
On se mit à table et l’on parla de choses et d’autres : des difficultés du saint ministère, des confrères des paroisses voisines, du désir de Monseigneur de venir plus souvent visiter ses prêtres, et aussi de l’ordonnancement de la cérémonie du lendemain.
Ce dont ne souffla mot le curé, et qui pourtant trottait dans toutes les têtes depuis plusieurs jours, c’est que le fameux saint, objet de la fête, n’était pas encore arrivé.
Le fournisseur, malgré plusieurs rappels, ne l’avait pas encore conduit à V… On comptait cependant bien qu’il arriverait le lendemain matin, sans faute. Que faire sans lui ?
Hélas, il fallut déchanter. Il n’y avait point le lendemain, de statue à bénir.
Comment annoncer la chose à Monseigneur ?
Ne se fâcherait-il pas qu’on l’ait dérangé pour rien ?
Un paroissien eut une idée.
Un de ses enfants allait prendre place sur le piédestal.
On l’habillerait d’une aube blanche. On lui ferait toutes recommandations de rester bien droit et sans bouger. Il n’était pas si bête qu’il puisse tenir ainsi le temps de la cérémonie.
Qui fut dit fut fait, et notre jeune garçon sut bien jouer son rôle, si bien que beaucoup s’y trompèrent et crurent que la statue véritable était enfin arrivée.
Vint le sermon de l’évêque. Monseigneur parle longuement, s’étendit sur la vie exemplaire du saint, dit ses mérites et sut trouver des exemples propres à toucher ses auditeurs.
Ceux-ci ne se lassaient pas de l’écouter tellement il parlait bien, et Monsieur le Curé était fort heureux de l’admirable comportement de ses paroissiens.
Seul le « saint », ne semblait plus goûter parfaitement l’homélie de monseigneur.
S’il ne bougeait pas plus que la statue qu’il représentait, ses yeux parlaient pour lui.
On sentait qu’il était pris d’un besoin… pressant.
C’est le moment que choisit l’évêque pour parler des miracles qu’avait accomplis le saint.
Et l’on put entendre pour la première fois une statue parler.
Entre ses dents, d’une voix sourde, elle dit :
« Ya pas plus de miracle que d’miraclotte,
Si vous ne m’retirez pas d’là,
J’vais ch… dans ma culotte ».
Sur le bandeau du bas de chaque page, vous cliquez sur "Plan du site", qui est la table des matières, et vous choisissez le chapitre qui vous intéresse.
Cliquez sur "Nouveaux chapitres" vous accédez aux dernières pages mises en ligne.