De caractère et d’inspiration nettement religieuses, la fête patronale a pour but de commémorer le culte d’un saint, vénéré comme le patron protecteur du lieu. Le vocabulaire populaire exprime l’événement par ces mots sans équivoque : « faire la fête ». Distincte de n’importe fête religieuse, il n’est pas nécessaire de la caractériser autrement, car elle est primordiale dans le calendrier local, elle indique même le point culminant des réjouissances de l’année auxquelles parents et amis sont conviés.
A Morvilliers, la fête patronale est appelée « le beau dimanche », le cours de l’année n’en comporte pas de plus agréable ni de mieux célébré. Ailleurs, on la caractérise par sa situation chronologique ; ainsi à Aix-en-Othe elle arrive le 8 septembre, c’est pourquoi on dira « faire la septembre ».
Le nom de la fête est toutefois un peu moins distingué s’il laisse deviner les plaisirs gastronomiques. Par exemple, à Bayel on dit « la fête de la gueule », à Soulaines « le dimanche de la gueule ». Cette appellation peut d’ailleurs se justifier puisque selon un proverbe du terroir, « on prend les gens par la gueule… comme les brochets ».
Les pays les plus petits, les hameaux même, tiennent à avoir leur fête propre. Cela n’ira pas toujours sans difficulté si l’on songe qu’il y a dans l’Aube 445 communes et seulement 52 dimanches !
Jadis, la fête tombait le jour de son incidence liturgique : la Saint Laurent était le 10 août, la Saint Maurice le 22 septembre, la Saint Martin le 11 novembre… Cette règle déterminante permettra de répartir originairement les fêtes patronales de 445 pays aubois à travers les 12 mois de l’année.
Dans les changements de date devenus fréquents à partir du XIX° siècle, février et mars sont les mois particulièrement creux, on ne s’amuse pas, il n’y a en somme pas de fêtes. C’est qu’en effet, les contacts s’établissent de plus en plus entre pays voisins, le temps devient un facteur important, surtout si l’on se déplace à pied : il doit être de la partie, ce qui ne sera guère quand la fête locale tombe dans des mois tels que février ou mars.
Autrefois, avril et mai étaient des mois également peu propices pour le déroulement d’une fête locale : l’alimentation du bétail était un souci dominant, on ne faisait pas de betteraves, pas d’artificiels et beaucoup moins qu’aujourd’hui. On ne s’étonnera donc pas si les fêtes étaient clairsemées pendant ces 2 mois. Par contre, on savait se détendre, même en pleine moisson, août était le mois le plus chargé des fêtes patronales. Mai et septembre étaient des mois à peu près idéals : en mai, la fenaison n’est pas encore commencée, en septembre, la moisson est terminée et la saison se trouve ordinairement plus équilibrée. Cependant, septembre n’est pas propice aux pays vignobles : ainsi, en 1745, les habitants de Cherrey demandent à l’autorité religieuse (seule compétente en la matière) que la fête de leur patron, Saint Victor, qui tombait le 11 octobre, soit reportée au 22 novembre : « le 11 octobre, disent-ils, on est occupés aux vendanges ou aux vins qui demandent célérité ». Parfois, le décalage de la fête sera exactement d’un mois : ainsi, à Colombé-la-Fosse Saint Laurent (23 octobre), est renvoyé au 22 novembre à cause des pressurages. A Rouilly-Saint-Loup, la fête du 7 août est reportée depuis 1850, au 7 septembre, à cause de la moisson. Mais le plus souvent, aucune règle ne détermine le changement de date : ainsi, il est curieux de voir que la Saint Parres (19 janvier) est remise au 3° dimanche de mai à Fralignes, au lundi de Pâques à Saint-Parres-aux-Tertres, et au premier dimanche de septembre à Saint-Parres-les-Vaudes.
Puis, des raisons particulières entrent quelquefois en ligne de compte pour modifier la date de la fête. Ainsi, il est bien évident que des villages voisins ne doivent pas se contrarier, ce qui arriverait fatalement si leur fête survenait le même jour. La région de Bar-sur-Aube offre un exemple typique de ce genre : 9 pays à l’entour de Bar-sur-Aube sont placés sous le même patronage de Saint-Martin. S’ils célèbrent leur fête en même temps, indubitablement ils se feront un tort mutuel. C’est pourquoi, à Ailleville, la Saint Martin est transférée au dimanche de Quasimodo, à Engente, au dernier dimanche d’avril, à Arsonval et à Bayel, au 1er dimanche de septembre, à Jaucourt, au 3° dimanche de septembre, à Ville-sous-la-Ferté, il y a 3 fêtes, Couvignon a choisi judicieusement le jour de la translation des reliques de Saint Martin, le 4 juillet, que l’on appelle d’ailleurs, la Saint Martin d’été. Seuls de ces 9 pays, Arconville et Colombé-le-Sec ont gardé la date originelle. Parfois encore, des circonstances d’ordre tout-à-fait local viendront modifier la date de la fête : ainsi, le patron de Marolles-sous-Lignières est Saint Germain, mais la seule fête célébrée est celle de Saint Vorles, en souvenir d’un pèlerinage. De même, à Brienne-la-Vieille, la relique de Saint-Jean-Baptiste attirant des foules considérables, la Saint Jean est devenue la véritable fête, elle a supplanté le patron, Saint-Pierre-ès-liens. A Montiéramey, les reliques de saint Victor (11 octobre), mettent dans l’oubli également la fête patronale (15 août).
Quand on change la date de la fête, elle est plutôt renvoyée, car un proverbe dit que si l’on anticipe « on casse le nez au saint ». Pourtant, cela arrive : la Saint Loup (29 juillet) est anticipée le 10 mai, à Chappes, à Saint Germain et à Villemorien, la fête (31 juillet) est anticipée le dimanche après l’Ascension.
Le patronage de la Sainte vierge est incontestablement le plus répandu, on le trouve dans 77 pays de l’Aube, puis Saint Pierre dans 61 pays, Saint Martin dans 47. Nos saints diocésains ne groupent que 42 patronages, Saint Nicolas en a 13. En dehors de la Sainte Vierge, il n’y a que 17 patronages féminins dont la moitié d’ailleurs est à l’actif de Sainte Madeleine.
Le désir de faire la fête et de la bien faire est tel qu’une dernière ressource se présente pout concilier l’inconciliable (52 dimanches, 445 communes) : on établit parfois 2 fêtes à 2 époques différentes, l’une est la fête principale, l’autre la fête secondaire.
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