Franc-Maçonnerie



Crise de « l’Union Fraternelle »


F.M.G.O
F.M.G.O

 

Dans son bulletin paroissial du 22 août 1926, le chanoine Benoît, curé de Saint-Nizier, écrit au sujet de la loge de Troyes : « Elle traversa une crise en 1862.

 

A cette époque, Napoléon III imposa comme Grand Maître à l’Ordre, le maréchal Magnan. Cette intrusion du pouvoir civil dans l’organisation maçonnique déplut à un certain nombre de Frères troyens qui protestèrent. Le Grand Orient de Paris qui, plus habilement s’était soumis, mit la loge de Troyes « en sommeil » pendant quelques mois ».

 

         Louis Saussier, Président de la société maçonnique, candidat malheureux aux élections législatives de 1881 écrit à son ami Alfred Nancey, secrétaire de la Société Académique, le 20 mai : «… vous trouverez ci-joint, des pièces authentiques très importantes : les lettres du Conseil du Grand Maître invitant à la résistance, la lettre que j’ai écrite au nom de la loge en réponse et la réponse du Maréchal Magnan, frappant notre loge de sommeilJ’ai été l’interprète des sentiments de la société maçonnique « l’Union Fraternelle », j’ai donné une preuve de plus de mon indépendance de caractère vis-à-vis du régime bonapartiste… ». Il confesse ainsi son hostilité au régime bonapartiste.

 

         La crise ouverte chez les maçons du rite français à l’occasion de la réélection du Grand Maître, avait pris un tour aigu en mai et juin 1861. Devant l’impossibilité d’arriver à un accord, la solution de la crise avait été renvoyée à l’automne 1861.

 

L’autorité civile à Paris, le préfet de police, dans les départements les préfets, furent chargés d’amener les esprits maçonniques à composition.

 

Mais, c’est en vain que le défenseur de l’autorité gouvernementale essayait d’amadouer « l’Union Fraternelle ». Celle-ci, dans une adresse votée le 18 octobre 1861, revendiquait le droit pour les présidents de toutes les loges d’élire un nouveau Grand Maître et elle protestait même contre la dépêche télégraphique adressée par le préfet de police aux ateliers à ce sujet. Rien ne devait faire fléchir la détermination de Louis Saussier et des frères qui le suivaient dans la résistance. Aussitôt connue la nomination par un décret impérial du 11 janvier 1862 du maréchal Magnan, il écrivit le 13 janvier, une lettre au Conseil de l’Ordre par laquelle il engageait résolument bataille. Le nouveau Grand Maître répondit le 30 janvier. Le maréchal militaire et diplomate à la fois, essaya de ramener les rebelles à reconnaître son autorité, mais ce fut en vain : «… vous ne voyez dans cet acte, que la violation de la Constitution maçonnique, vous ne vous êtes pas rappelé que par cette prétendue violation, le Chef de l’Etat n’a fait que ressaisir un droit qu’il avait déjà exercé. Vous vous êtes bien gardé aussi de calculer les avantages immenses que la Maçonnerie recueillera d’être ainsi reconnue, et de voir l’Empereur Grand Protecteur de l’Ordre. Cette reconnaissance, désirée si ardemment par les Maçons, n’apporte d’autres changements parmi vous, que dans le mode de nomination du Grand Maître, car aucune atteinte n’est apportée à vos rites, à vos usages, ni à vos libertés… Nous ne pouvons, ni ne voulons, par notre silence, vous laisser croire que nous admettons les principes et les sentiments que vous exprimez. Votre parole, seule, vient troubler le concours d’acclamations et de félicitations que nous recevons chaque jour. Nous avons décidé et décidons que votre Loge sera frappée de sommeil si dans la quinzaine, elle n’a pas reconnu l’autorité du Grand Maître, sans restriction aucune. Vous apprécierez, nous le croyons, nos sages réflexions, après un prompt retour aux vrais sentiments maçonniques, votre Atelier viendra concourir à réaliser, en France, l’Unité maçonnique que nous poursuivons de tous nos efforts ».

 

Le groupe animé par Louis Saussier répondait dès le 1er février au maréchal, à la lettre qu’il avait écrite le 13 janvier au Conseil de l’ordre. Le 12 février, « l’Union fraternelle » se réunissait au temple de la Montée des Changes et maintint à une forte majorité son refus de reconnaître le maréchal Magnan comme Grand Maître.

 

Le 19 février, le Grand Maître adjoint Heullant écrivait à son tour aux frères de Troyes pour qu’ils se mettent en règle avec les statuts.

 

Le 13 mars, ils expédiaient les pièces d’archives de la loge au Grand Orient. 9 membres de l’atelier avaient refusé de s’associer au vote des 28 frères rebelles. Le 16 février, ils s’adressent au Grand Maître pour le reconnaître et ils demandent à être autorisés à reprendre leurs travaux. Le Grand Maître décide que la loge serait relevée de son sommeil et se composerait des membres de la minorité.

 

L’inflexible Louis Saussier reste intraitable et, comme les frères de la minorité voulaient s’installer dans leurs meubles, car il n’y a pas de loge active sans toit, ni murailles ni portes closes, une bataille s’engagea pour savoir qui resterait maître du local de la Montée des Changes où se réunissait jusque là l’atelier.

 

Le 27 mars, l’ancien vénérable de 1850, le frère Cardon, membre de la minorité, s’adresse au Grand Maître, afin de récupérer le local.

 

Le 22 avril, les frères de la minorité adressent à tous les maçons de Troyes une circulaire leur annonçant leur intention de reprendre les travaux interrompus. La majorité rebelle se rend à l’invitation avec Louis Saussier à sa tête, qui confirme la mise en sommeil de la loge et Cardon celle de la réveiller !

 

Saussier écrit au maire de Troyes le « frère » Argence, nouveau « vénérable ». Les frères de la majorité et Saussier se partagent et dispersent le mobilier, le matériel, les archives et brisent ce qui ne peut être emmené.

 

Les « frères réveillés » trouvent un local provisoire, Cour de la Rose et ce n’est qu’en 1865 que « l’Union Fraternelle » se réinstalle dans l’immeuble de la Montée des Changes.

 

Louis Saussier décède en 1885, ayant cessé, depuis la crise de « l’Union Fraternelle » de 1861-1862, d’être un maçon actif.          

 

 


 

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