La première association maçonnique dont l’existence soit constatée à Troyes est la « Loge de l’Union et de la Sincérité », constituée le 21 mars 1751 et disparue en 1820 (voir chapitre « Franc Maçonnerie »).
A côté d’elle pendant quelques années fonctionna la « Loge de la Régularité », créée en 1786 par les Gardes du Corps en garnison dans notre ville.
Cette dernière loge, malgré son origine, n’était pas absolument réservée à l’élément militaire, elle recevait aussi des civils et même des ecclésiastiques. En 1787, un abbé Natey en était Frère Hospitalier, un abbé Lefèvre en était Frère Orateur.
Le supérieur du couvent des Cordeliers, Roland Antoine Germain, y fut admis le 4 mars, en même temps qu’un frère profès (religieux qui a prononcé des vœux) du même couvent, Claude Henry promu de suite au poste de Frère Servant de la Loge, c’est-à-dire d’employé salarié.
La Loge de la Régularité se réunissait dans un local qu’elle tenait à loyer des Pères Cordeliers, et où elle avait été installée le 28 mai 1787. Cette installation est relatée dans l’entrefilet suivant du « Journal de Troyes » (voir chapitre « Troyes et Aube précurseurs ») du 6 juin, précédant le texte d’une chanson parue en public à cette occasion : « VARIETE : une Société militaire de Bienfaisance vient de s’établir ici avec éclat, le 28 mai. M. le duc de Crussol a bien voulu s’y rendre pour l’installer. Les malheureux y ont trouvé un léger allègement à leurs peines, dans une distribution de pain assez considérable et dans d’autres secours qu’elle fournit journellement à l’indigent ». L’occupation, par une loge maçonnique, d’un coin du couvent des Cordeliers ne fut pas vue d’un bon oeil par tout le monde, bien qu’à cette époque, la Franc Maçonnerie n’ait pas encore, comme elle l’a fait depuis, ses tendances philosophiques, elle inquiétait déjà, les catholiques perspicaces.
L’évêque de Troyes, Claude-Mathias-Joseph de Barral (1761-1790), après avoir autorisé la location, revint sur sa parole, à la suite d’une requête du clergé de la ville, effrayé du voisinage et des relations existantes, entre la Loge et le couvent. Nous ignorons ce qu’il advint de ce changement d’avis, les papiers de la Loge arrivés à la Bibliothèque de Troyes n’y font pas allusion, non plus que de la protestation qui l’avait motivé. Par contre, il y a une parodie inédite, vraisemblablement écrite par un Maçon pour se venger de l’opposition mise par l’évêque à l’établissement projeté. Cette œuvre montre quel était le but avoué de la Loge, elle indique les griefs dont elle était chargée et raille doucement ses adversaires de leur offensante pusillanimité.
Voici quelques lignes de ce document de 105 vers ! :
« Requête du Clergé de Troyes à son Evêque.
… Repoussez de vos mains pieuses
Ces vénérables francs-maçons
Dont les vertus insidieuses
Ouvrent le champ à nos soupçons.
Ne souffrons pas que cet asile (couvent des Cordeliers)
Où la plus simple piété,
La science, la charité,
Le jeûne, la sobriété,
Lé décence et la pureté
De tout temps firent domicile,
Un seul instant soit habité
Par un ordre estimable, utile
Sous le nom de société….
Le moindre des goujats assure
Qu’un franc-maçon est un sorcier
(S’il fait du bien, la chose est sûre),
Notre rituel les conjure,
Nous devons nous en méfier :
La voix du peuple est la mesure
Qui doit les faire apprécier
Chacun d’eux, comme on conjoncture,
Sur un balai de noisetier,
Changeant de sexe, de figure,
Vole au sabbat s’associer.
Or, en semblable conjoncture,
D’autres que nous, d’âme plus dure,
Autorisés par l’Ecriture,
Rangeraient cette race impure
Sous les fagots d’Urbain Grandier (Curé de Loudun, brûlé vif en 1634 comme sorcier)
Mais faisons grâce, la clémence
N’est pas le faible des dévots,
On peut l’employer par prudence
Pour éviter de plus grands maux.
Usez donc de cette morale,
Monseigneur, et que ces saints lieux
Par un si dangereux scandale
N’offensent nos cœurs ni nos yeux.
Chaude de zèle et de prévoyance,
On sait que votre Révérence
Se laisse aisément prévenir,
Que vous commencez par punir
Avant de connaître l’offense,
Quitte à remonter la balance
Lorsque vos yeux veulent s’ouvrir….
Vous souffrites une écurie
Dans cet enclos religieux.
De tout temps c’est une œuvre pie,
Agréable à la terre, aux cieux,
Mais une Loge… Oh l’infamie !
Détruisez les profanateurs,
Et qu’ils boivent jusqu’à la lie
Le calice de nos fureurs.
Convaincus, comme nous le sommes,
Que vos couvents peuvent d’ailleurs
Loger des chevaux, non des hommes ! (allusion aux chevaux des mêmes Gardes du Corps, qui furent logés au couvent des Cordeliers et à celui des Jacobins) ».
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