La Journée de Saint-lambert du 17 septembre 1590, est « la plus considérable de l’année dans la Champagne méridionale ».
La France, en 1588, est divisée en 3 partis. Le roi, avec les politiques, les Guise, avec les ligueurs, et Henri de Navarre, avec les réformés. Les Guise paraissent les plus forts. Le 16 septembre, le roi Henri III écrit « à ses chers et bien aimés le maire et les échevins de Troyes », pour qu’ils conservent la ville en son pouvoir. Le 17, le duc de Guise recommande à ne pas se laisser surprendre. Le 19, le roi envoie M. de Dinteville en Champagne, avec les instructions nécessaires pour empêcher le duc de Guise d’agir dans la province.
Le 2 août 1589, Henri III est assassiné au château de Blois, par Jacques Clément, poussé à ce crime par le jacobin Bourgoin, chassé de Troyes en 1586, et tous deux, instruments de la Ligue.
Le 17 septembre 1590, sur les 3 heures du matin, le comte de Grandpré paraît avec 3 ou 4.000 hommes, sous les murs de Troyes, sans que les ligueurs se soient doutés un moment de sa marche. Guidé par des émigrés troyens, le capitaine Pyrolle et sa compagnie abordent la ville en traversant le fossé placé au pied de l’ancienne tour Charlemagne, qui reçut depuis le nom de tour Saint-Lambert. Cette troupe avec à sa tête Eustache de Mesgrigny, se glisse le long des murailles, et aborde une brèche, réparée avec des planches. « Elle échelle le rempart » près du Joli-Saut, pénètre en ville et se divise en 2 groupes. L’un se tient près de la porte de Preize, et l’autre, court à la porte de Saint-Jacques et s’en empare. La garde vient de la quitter. Ces portes sont bientôt ouvertes, et entrent infanterie et cavalerie. Cette troupe se divise : les uns prennent possession du quartier situé derrière la Cathédrale, de la place Saint-Pierre et de celle du Palais. Les autres tentent de traverser les ponts du ru Cordé, pour arriver au Quartier Haut.
A cette limite, s’arrête le succès de l’entreprise, les royalistes croient la ville gagnée. On sonne le tocsin. Les habitants courent aux armes, prennent position derrière le ru Cordé, et la bataille commence. Aux étuves aux hommes, un armurier, d’un coup d’arquebuse, descend « le porte-guidon » du comte de Grandpré, fils du gouverneur de Sedan. Au même lieu, est tuée une dizaine d’assaillants. Ce coup commence à jeter quelques désordres parmi les envahisseurs qui se découragent et finissent par lâcher pied. Les Troyens, dont le nombre augmente de minute en minute, se mettent à leur poursuite.
L’entrée en ville a eu lieu à l’heure de matines. Yves le Tartier, doyen de Saint-Etienne, premier échevin et chef du conseil de M. de Chevreuse, se rend à l’église. Il retourne chez lui, revêt sa cuirasse, s’arme et se dirige, en criant aux armes, vers l’évêché pour avertir le duc, lorsqu’il est atteint d’un coup de feu, dont il meurt peu après. Le capitaine de la garnison de Sainte-Menehould se dirige vers l’évêché pour s’emparer du duc de Chevreuse. Celui-ci est caché dans l’une des tours de la Cathédrale. Un enfant détourne l’attention, en disant qu’il est au jardin de l’évêché. Il n’est pas trouvé et échappe aux soldats du roi.
Ceux-ci, après avoir en vain fouillé l’évêché et les rues avoisinantes, se mettent à explorer le bourg Saint-Denis, ce qui les perd. Ce bourg est alors célèbre, car c’est là que se fabriquent les fameuses andouillettes qui font la renommée de Troyes. A la vue des trésors étalés à leurs yeux, les soldats oublient vite et le duc de Chevreuse et leurs compagnons d’armes : ils ne songent plus qu’à faire une intime connaissance avec ces produits de l’industrie troyenne. Des coups de feu les rappellent à la réalité. L’avant-garde se replie en désordre sur la place Saint-Pierre. En vain, ils essaient de le rallier et de se mettre en bataille. Il est trop tard. Après de nombreuses arquebusades, tirées dans diverses parties du Quartier-Bas, l’armée royaliste se débande et reprend en désordre la direction de la porte de Saint-Jacques, laissant 7 à 800 des leurs sur le champ de bataille. Le groupe des envahisseurs, demeuré près de la porte de Preize, prend aussi la fuite, par la porte de Saint-Jacques.
Ainsi se termine la défaite des troupes « henritiquement » catholiques.
Parmi les habitants qui prennent une large part à la lutte dans l’intérêt de l’Union, on cite le maire et les échevins, qui contribuent à la retraite forcée des troupes royalistes. Il y a de part et d’autre, des morts, mais peu ou point de prisonniers. Les ligueurs se portent aux prisons, et égorgent 37 détenus royalistes. Plusieurs seigneurs prisonniers « de distinction », dans une maison particulière, sont massacrés de la manière la plus cruelle. Leurs cadavres sont traînés dans les rues, « les entrailles et le cœur en sont arrachés ». Plusieurs maisons appartenant à des royaux, sont pillées de fond en comble. Dans cette journée, 13 femmes sont tuées « en plus de celles du matin ». Les blessés du parti sont soignés aux frais de l’Union et les veuves et enfants en reçoivent des secours. Le Conseil fait célébrer un service en l’honneur du doyen de Saint-Etienne, Le Tartier, tombé si bravement sur le champ de bataille, et institue un service commémoratif de cette journée.
En avril 1592, Pyrole, dit Pyrolet, le chef d’escalade de la Journée de Saint-Lambert, est fait prisonnier. Amené à Troyes, il est mis aux fers. L’Union lui fait son procès. Les zélés pressent la justice pour obtenir jugement. Dans une assemblée du 23 mai, la fureur est telle, que le peuple en grand nombre se porte chez le duc de Chevreuse, demandant le jugement de Pyrole, c’est-à-dire sa mort, « avec paroles hautaines et indécentes ». Cette foule veut « comme forcer à ce faire, usant de paroles fort peu convenables à leur profession, et tendant plutôt à sédition qu’à autre chose ». Le Conseil s’excuse de ce fait près du prince. Il s’engage à empêcher de pareilles assemblées, et « les principaux conducteurs du peuple furent mandés en la Chambre pour les réprimer de cette sévérité ».
Peu de jours après, Pyrole est mis à mort, ou mieux, massacré !
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