En 1917, la victoire est en vue et le troyen A. Lagoguet lance au plan national deux vœux dans les colonnes de « La Ligue Française » :
« La victoire d’abord, par un effort vigoureux, grâce à la vaillance de nos armées et au concours de nos alliés, puis le châtiment d’un perfide agresseur.
Après la victoire, la protection efficace des classes laborieuses, la reconstitution rationnelle de la famille française et l’éducation virile des générations à venir pour la perpétuité et la gloire de la France.
Au milieu des épreuves poignantes de l’heure actuelle, il appartient à chacun de s’intéresser aux graves questions qui concernent l’avenir de la patrie et d’exprimer, à l’occasion, leurs idées personnelles sur les moyens les plus propres à assurer sa prospérité future. Or, une de ces questions, la plus urgente, dès que l’ennemi aura été contraint d’évacuer notre territoire qu’il souille et opprime depuis trop longtemps, sera la recherche et l’application des remèdes les plus sûrs contre la dépopulation. En effet, la France, même victorieuse, même agrandie et reportée à ses frontières naturelles par la restitution de l’Alsace et de la Lorraine, resterait dans un état d’infériorité déplorable vis-à-vis de l’Allemagne, si, dans ses recensements périodiques, ses naissances et les décès continuaient à se faire équilibre et, à plus forte raison, si les seconds venaient un jour à l’emporter sur les premières. Cependant, combien de personnes, de mères surtout, terrifiées par les vides qui se produisent en ce moment dans la plupart des foyers, et éplorés par suite de la perte d’un fils, d’un époux, d’un frère, n’entend-on pas journellement dire : C’est très bien assurément de favoriser les unions, et de vanter l’avantage et la beauté des familles nombreuses, en répétant le précepte : Croissez et multipliez. Sans doute, il est indispensable que la France, si elle veut vivre, puisse désormais mettre en ligne le plus grand nombre de défenseurs de son sol, en présence d’une nation ennemie, avide de conquêtes, dont la population a, depuis 20 ans, augmenté d’un tiers. Mais en face de cet idéal, voici l’amère réalité. Il y a d’abord l’objection, qu’il faut bien excuser tout en la condamnant : à quoi bon mettre au monde, puis élever, à force de soins et de tendresse, jusqu’à l’âge d’homme, des êtres qui nous sont plus chers que la vie même, pour les envoyer ensuite à la gueule du canon, et, en supposant qu’ils échappent à la mort, les voir revenir affaiblis, estropiés, mutilés, amoindris physiquement et devenus, le plus souvent, incapables de gagner leur vie, de s’établir et de fonder une famille ? Dans le plus grand nombre de cas, le bien-être, ou plutôt le mieux être, est loin de se produire en proportion des besoins. Or, comment pourvoir à l’entretien de nombreux enfants dans un ménage qui n’a souvent d’autres ressources que le produit du travail du chef de famille à l’atelier, à l’usine, aux champs, ou bien le modique salaire d’un petit emploi rétribué par la Commune ou par l’Etat ? Si la guerre est une chose atroce, le spectre de la misère est plus épouvantable encore. Or, il n’y a que 2 moyens d’y répondre efficacement, c’est d’arriver à supprimer l’une et à empêcher l’autre, si l’on ne veut pas que l’appauvrissement en hommes et en ressources de toute nature qui le menace, soit pour notre pays une nouvelle et plus sérieuse cause de dépeuplement. Il s’agit donc d’abord d’assurer la victoire par tous les moyens humainement possibles, car, sans elle, plus d’espoir, puisque la défaite aurait pour conséquence l’asservissement. Et après la victoire, si chacun fait son devoir, il faudra : au point de vue politique, mettre pour l’avenir, et définitivement, l’Allemagne dans l’impossibilité d’entreprendre une nouvelle agression et de réaliser les projets qu’elle n’a cessé de méditer contre nous depuis toujours, c’est-à-dire exiger la disparition d’une dynastie néfaste avec laquelle on ne saurait, sans être dupe, débattre et négocier des conditions de paix, puis le démembrement d’un empire dont les ambitions sont sans limite. Enfin une indemnité qui, sous forme de réparation des dommages causés, l’accule militairement et économiquement à la ruine. Autrement nulle garantie d’une paix durable, malgré l’espérance que l’on peut concevoir de l’établissement d’une « Société des Nations » et de sa pérennité.
Au point de vue social, préparer et faciliter en France le rapprochement des classes par des lois équitables et par une série de mesures capables de donner au travailleur plus de garanties que le chômage et les accidents de toute sorte. Il est question depuis longtemps, et les pouvoirs publics semblent se préoccuper des moyens d’assurer des primes d’encouragement à la natalité dans les familles nécessiteuses, en établissant, à partir du deuxième ou du troisième enfant, une échelle dans la répartition de ces primes, de manière à enlever aux parents privés de ressources la triste perspective d’une gêne toujours croissante en proportion de leurs nouvelles charges.
Il est d’autres moyens, non moins importants, à employer, en vue de réparer les désastres causés par cette affreuse guerre. J’entends les moyens moraux, par l’affermissement du principe d’autorité dans l’Etat et dans la famille : dans l’Etat, par de sages institutions que la France a le droit d’attendre de ses mandataires, institutions invariablement fondées sur la Justice et le Droit, et conformes aux principes de Liberté, d’Egalité et de Fraternité qu’il faudrait traduire en actes et faire pénétrer au fond des cœurs. Dans la famille, par l’ascendant moral et le pouvoir de l’exemple, par la réforme progressive de certaines habitudes et de certaines tendances qui font que, par suite d’une condescendance regrettable, il n’est pas rare de voir, dans certains milieux, les enfants commander et les parents obéir…
Il serait souhaitable que l’enfant de nos campagnes apprît, dès son jeune âge, à se contenter de sa condition, à se plaire au milieu des siens, à ne pas trop chercher à se déraciner dans le séjour, malsain pour lui, des villes, à ne pas courir à la recherche des emplois, lorsqu’il peut trouver dans la maison paternelle, par sa volonté et son travail, une position meilleure et plus sûre… Il faudrait aussi qu’il se persuade que le vrai bonheur en ce monde réside pour chacun dans l’accomplissement de sa tâche journalière et dans la dignité de sa vie…
Dirai-je enfin qu’il est nécessaire d’éveiller de bonne heure et de développer en lui le sentiment religieux qui, dans tous les temps et chez tous les peuples civilisés, n’a cessé d’être considéré comme le plus solide fondement de la morale et la meilleure sauvegarde contre toutes les défaillances…
Dans ce court exposé, j’ai voulu simplement énoncer quelques idées et rappeler quelques principes dont l’application aurait sans doute pour effet de rendre notre patrie plus forte par le nombre et la vigueur de ses enfants et de la préserver, pour l’avenir, des entreprises criminelles d’un peuple de barbares jaloux de ses richesses et de sa splendeur, que, dans notre générosité innée, nous avons, en temps de paix, et malgré la dure leçon reçue de lui en 1870, trop facilement laissé s’infiltrer dans l’intérieur de notre territoire, pénétrer et s’établir dans l’enceinte de nos villes, et daigné admettre jusque dans l’intimité de nos foyers domestiques ».
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