« Procès-verbal du dimanche 16 septembre, l’an 4° de la liberté, le 1er de l’égalité, à la séance publique du Conseil général et permanent du département de l’Aube.
Les membres sortent, pour, au désir de la réquisition à eux faite le 14 du courant par le sieur Hion, commissaire du pouvoir exécutif provisoire, se transporter à l’église de Saint-Pierre et assister à l’assemblée générale des citoyens. Ils sont accompagnés d’un grand nombre de citoyens.
Le sieur Hion est monté en chaire indiquant que ses pouvoirs étaient illimités. Il a dit qu’il venait de licencier et désarmer le régiment suisse de Castella. Il a dit qu’il avait des reproches à faire et des éloges à donner, mais qu’il exigeait qu’on l’écoutât tranquillement, qu’on excitât aucun désordre, et qu’il ne voulait pas que sa présence fut le signal d’une émeute populaire…
Le sieur Hion a donné des conseils aux citoyens, à la municipalité et aux corps administratifs : chassez tous les ecclésiastiques insermentés sans aucune exception. Portez-vous dans toutes les maisons religieuses de femmes, faites habiller les religieuses en bourgeoises, et mettez-les dehors. Faites la visite de ces maisons, afin de connaître ce que leur local pourrait contenir d’approvisionnements en grains, farines, foins et autres fourrages. Faites vendre sans délai les meubles et effets appartenant aux émigrés. Contraignez dès à présent les parents des émigrés à fournir 2 soldats à leurs frais, de les armer, de les habiller et de les payer à raison de 25 sous par jour chacun… Le sieur Hion a fait l’éloge de la municipalité, celui de l’administration du district de Troyes, en observant que si cette dernière n’avait pas toujours rempli exactement ses devoirs, c’était sans doute parce qu’elle était subordonnée à une administration supérieure. Passant ensuite à l’administration du département, le sieur Hion a dit qu’il ne pouvait pas, à beaucoup près, donner les mêmes éloges ; que le directoire de cette administration avait adressé une pétition au parjure Louis XVI sur les événements du 20 juin, qu’avant d’envoyer cette pétition, il avait fait colporter dans différentes maisons de la ville pour la faire signer, que cette conduite annonçait un incivisme qui devait ôter aux administrateurs la confiance des citoyens.
Le sieur Hion a ensuite reproché au directoire d’avoir négligé l’entretien des routes, ajoutant que si les fonds nécessaires à cet effet manquaient, il fallait demander ces fonds aux ministres, et dénoncer ces ministres à l’Assemblée nationale et à l’Europe entière, s’ils n’en avaient pas accordé.
Alors, l’église a retenti des clameurs poussées par plusieurs citoyens contre le département ; ces clameurs ont été suivies d’injures, et l’émeute a été telle qu’à peine le sieur Hion a-t-il pu se faire entendre pour recommander qu’on ne portât à aucun excès contre les administrateurs, en invitant les citoyens à se réconcilier avec eux, et en ajoutant que peut-être leur conduite n’avait été dirigée que par l’erreur, qu’il serait fâché que sa présence occasionnât une insurrection…
Le sieur Hion s’est écrié qu’il entendait le vœu général, et qu’il promettait qu’à son retour à Paris, il demanderait à l’Assemblée nationale la destitution du département…
Des cris, des menaces se sont renouvelés et il a été répété à différentes reprises que ce n’était pas les places des administrateurs qu’on voulait, mais leurs têtes…
Le sieur Hion a ensuite recommandé , lorsqu’il serait question de nommer aux places, d’écarter tous ceux qui avaient signé des pétitions au roi, et de procéder dorénavant aux nominations, non par la voie du scrutin, mais bien à haute voix et par appel nominal, que c’était le moyen de déjouer les intrigues et de faire arriver aux places ceux qui en étaient dignes.
Le sieur Hion a demandé à l’assemblée de prêter le serment d’être fidèle à la nation, de maintenir la Liberté et l’Egalité, et de mourir en les défendant, serment qui a été prêté par tous les citoyens et par tous les administrateurs. Le sieur Hion a fini en disant que sa mission était remplie, et en recommandant la tranquillité. Mais les cris, les menaces et les injures contre les administrateurs du département ne se sont pas moins renouvelés, de sorte qu’il y avait lieu de craindre qu’ils ne sortissent pas de l’église, si les officiers municipaux ne les eussent ramenés à l’hôtel de ville où ils ont été suivis par un grand nombre des citoyens dont quelques uns ont proféré, chemin faisant, les mêmes menaces et les mêmes injures.
Arrivés enfin à l’hôtel de ville, les administrateurs, craignant de nouveaux outrages, ont pris le parti d’en sortir les uns après les autres, sans marques distinctives, après quoi ils se sont rendus au lieu de leurs séances où ils ont rédigé le présent procès-verbal ».
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