A 13 kms de Bar-sur-Aube, quelques terres incultes enveloppées d’un grand calme. La combe a pour nom le Val d’Absinthe, et a mauvaise renommée : ancien repaire de brigands… C’est là que le 25 juin 1115, un jeune père abbé, le futur Bernard de Clairvaux, désire fonder un foyer de prières, avec quelques moines venus de Citeaux. Au bout de quelques mois, Bernard change le nom en " claire vallée " – clair vau –
Le terrain réservé à l'implantation de l'abbaye est choisi avec précaution dans une clairière isolée : il faut de l'eau et du bois. Ce terrain offert par Jobert de la Ferté, cousin de Bernard, comprend ces éléments essentiels à l'organisation d'une abbaye cistercienne. En effet, les cisterciens se doivent de respecter la règle de Saint Benoît qui stipule la vie en autarcie et le respect du vœu de stabilité (enfermement).
En 1135, le comte Thibaud II, extrêmement lié à saint Bernard, agrandit le terrain de la donation primitive. Il fait de nombreuses donations pour l’abbaye, et aime cette maison, au point de songer à y terminer ses jours sous l’habit cistercien.
Les possessions (domaines, granges, celliers) atteignent de 1121 à 1250 le chiffre imposant de dix sept cent soixante et onze, la plupart dans les départements de l’Aube, de la Haute-Marne et de la Côte d’Or.
L’abbaye souffre beaucoup de la guerre de cent ans et des guerres de religion.
Les moines prennent des mesures de défense au XIV° s. en fortifiant à grands frais le mur d’enceinte grâce à des contreforts de nombreuses tours rondes percées de meurtrières et accompagnées d’échauguettes. Le Haut Clairvaux est alors isolé par un pont-levis.
On peut dire qu’il y a 3 périodes des bâtiments de Clairvaux : 1115-1135, 1135-1708, abbaye médiévale, 1708-1792, abbaye classique.
Le premier monastère, Clairvaux I, est constitué d'une petite chapelle carrée, avec un collatéral sur le pourtour et surmontée d'une toiture à clocheton. Elle est reliée à un petit bâtiment affecté au dortoir des moines et à leur réfectoire. Bientôt à l'étroit à l'intérieur de cet édifice provisoire, les moines entreprennent la construction d'une nouvelle abbaye. Saint Bernard confie à son prieur, Geoffroy de la Roche-Vanneau, la direction des travaux de Clairvaux II.
Grâce au soutien du comte Thibaud II, le nouveau monastère est achevé en une dizaine d'années (1135-1145). La structure de l'abbaye correspond à un plan type que l'on retrouve dans presque toutes les abbayes cisterciennes et qui est qualifié de " plan bernardin ". L'abbatiale, érigée dans le style roman, sert de modèle à de nombreux monastères de France ainsi qu'au Portugal et en Angleterre. Illustrant à la perfection la simplicité architecturale voulue par saint Bernard, l'église se compose d'une nef de dix travées interrompue par un transept ouvrant sur un chœur plat. De cette seconde abbaye, il ne reste plus qu'un seul bâtiment, celui des convers composé d'un cellier au rez-de-chaussée et d'un dortoir à l'étage.
Entre 1708 et 1790, sont effectuées des transformations sur les écuries, la porcherie et l’hôtellerie. Les moines du XVIII° s. démolissent pour édifier une troisième abbaye de goût classique. La cour d’honneur ainsi que le grand et le petit cloître existent toujours.
Après 1740, on détruit l’essentiel de Clairvaux, sauf l’abbatiale et le bâtiment des convers, pour reconstruire un château classique, avec une façade de 130 mètres, se développant autour d’un grand cloître de 50 mètres de côté, comprenant 20.000 mètres carrés de planchers répartis en larges appartements et disposant en particulier d’une salle à manger grandiose. Il y a également de nombreux bâtiments de service, lavoir, grange, hangar… C’est aussi la reconstruction du Petit Cloître affecté à l’infirmerie. Couvert à la Mansart il est constitué sur trois côtés de deux galeries superposées, les galeries sud étant entièrement vitrées pour permettre au soleil de pénétrer au centre du bâtiment.
A la mort de saint Bernard, le 20 août 1153, l’abbaye possède un domaine considérable : 1.832 hectares de bois et 355 hectares de terres cultivables. Au XVII° s., les propriétés foncières de Clairvaux représentent 12.000 hectares et les terres agricoles plus de 4.000 hectares. Clairvaux regroupe 800 moines et convers, sa puissance économique est considérable, plus de 300 monastères dépendent d’elle. Le célèbre abbé en a fait pendant un quart de siècle la capitale du monde occidental, arbitrant entre les rois et les seigneurs, fabriquant les évêques et les papes, régnant sur les dogmes et les politiques. Haut-lieu de l’histoire religieuse, Clairvaux restera une abbaye puissante jusqu’à la Révolution. 1789, elle devient bien national, mis à la disposition de la Nation. Elle est mise en vente en 1792, des industriels achètent le site pour y installer leurs ateliers de verrerie, et font banqueroute. En 1808, Napoléon modifie le régime pénal français et institue la peine de privation de liberté. Il rachète Clairvaux pour en faire la plus grande prison française du XIX° s. La grande salle à manger est transformée en chapelle, pouvant contenir 1.500 détenus debout. Le grand cloître abrite les dortoirs. Dès 1819, on compte 1.456 détenus. En 1834, le gouvernement ordonne des travaux pour que Clairvaux puisse accueillir 80 prisonniers politiques. En 1858, il y a 1650 hommes, 489 femmes et 555 enfants avec 67 gardiens, 16 sœurs, 1 directeur, 2 inspecteurs, 3 aumôniers, 2 médecins, du personnel administratif et 220 soldats. En 1871, plusieurs centaines de communards sont emprisonnés. On y trouve aussi Claude Gueux, Louise Michel, Blanqui, le prince Pierre Kropotkine nihiliste russe… en 1942, Pierre Daix et de nombreux résistants parisiens, dont Guy Môquet. 21 détenus communistes y sont fusillés. A la Libération, ce sont des miliciens, plusieurs ministres de Vichy, les amiraux responsables du sabordage de Toulon, Charles Maurras, des responsables algériens du FLN, 3 des 4 généraux putschistes d’Alger et quelques officiers, des condamnés pour des actions terroristes… Claude Buffet et Roger Bontems…
Dès 1115, une bibliothèque se crée à Clairvaux, les moines, ayant apporté avec eux des livres. Ils les commentent, les corrigent, et surtout les copient. Tout au long des siècles, les auteurs chrétiens sont représentés, et naturellement, les écrits de saint Bernard : lettres et sermons pieusement recueillis par ses disciples. Les nombreux commentaires de la Bible sont donnés en 1137, par Henri, fils de Louis VI le Gros, toute une série de si beaux volumes aux enluminures vives, aux reliures en veau estampées de motifs romans. Les dons continuent à affluer au cours des siècles, mais c’est surtout le travail des copistes qui enrichissent le fonds : 1800 volumes, tous manuscrits sauf 3 imprimés incunables. Au XVIII° s., on arrive à près de 50.000.
Du recrutement de Clairvaux, quelques noms suffisent à donner une idée pour la période du XII° au XIII° s. : Geogg roi de la Roche-Vanneau, devenu évêque de Langres en 1139, Alain, premier abbé de Larivour en 11401, Bernard Paganelli, le futur pape Eugène III (1145-53), Henri, frère du roi Louis VII , évêque de Beauvais et ensuite archevêque de Reims (1162-75), Gefrroi de Melun, évêque de Sora (Sardaigne), Henri cardinal-évêque d’Albano, légat de France, Eskilus, de la famille royale de Danemark, archevêque de Lund (Suède), Jean-aux-Blanches-Mains, archevêque de Lyon (1181-93), Garnier de Rochefort évêque de Langres, Conrad d’Urach, des ducs de Thuringe, cardinal-évêque de Porto en 1119, qui refuse la tiare après la mort d’Honorius III (1227), Raoul de la Eoche-Aymon, devenu évêque de Lyon…
D’autres, ont tenu à l’honneur de reposer à Clairvaux après leur mort : Philippe d’Alsace, comte de Flandre (+ 1191), Geoffroi III de Joinville, bisaïeul du chroniqueur (+ 1188), Erard II de Chacenay (+ 1236), de grandes dames : Agnès de Beaujeu (+ 1231) et Marguerite de Bourbon (+ 1258), deuxième et troisième femmes du comte Thibaud IV, le cœur d’Isabelle de France, fille de saint Louis, veuve du comte Thibaud V (+ 1271), saint Malachie, archevêque d’Armagh en Irlande, (+ 1148), Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons (1113-22), Robert de Torote évêque de Langres (1232-40), puis de Liège…
Clairvaux devient, grâce aux admirables travaux de restauration, un haut lieu du tourisme religieux. Aujourd’hui, de très hauts murs interminables, en rangées successives, interdisent toute vue sur ce qui subsiste des splendeurs d’autrefois. Le ministère de la Justice a libéré les bâtiments historiques qui recèlent des trésors d’architecture. Ils sont en cours de restauration, sous le contrôle du ministère de la Culture. L’association " Renaissance de l’Abbaye de Clairvaux " publie des études sur ce haut lieu et organise des visites publiques, grâce à Jean-François Leroux, interlocuteur privilégié sur place depuis plus de trente ans.
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