Toutes les informations ci-dessous sont tirées de documents authentiques conservés aux archives du Bon Pasteur et du registre de l’ancienne maison et de celui de la nouvelle, ainsi que la vie manuscrite de M. de la Chasse, premier directeur de la maison.
En 1692, 6 dames de Troyes « distinguées par leur piété, plus encore que par leur naissance, entreprirent une grande œuvre ». Touchées de l’état malheureux dans lequel végétaient les filles enfermées à l’hôpital Saint-Nicolas, qui avait été transformé en maison de correction, et d’ailleurs désirant réunir et « ramener à la vertu un grand nombre de jeunes personnes engagées dans le désordre », elles demandèrent à cet effet l’hôpital Saint Bernard (maison 33, rue de la Monnaie), que les administrateurs des hôpitaux cédèrent volontiers.
L’œuvre commença. Mais on comprit bientôt que la maison ne pouvait marcher si quelques personnes ne se dévouaient à cette œuvre d’une manière toute spéciale. Alors, une bonne veuve, Madame Arson avec sa fille, et 2 dames Legrin, rentrèrent à la maison, pour en prendre la conduite, et Denis François 1er Bouthillier de Chavigny, évêque de Troyes, confia la direction spirituelle de Saint Bernard, à un saint personnage, Nicolas de la Chasse, chanoine de la cathédrale. Toutefois, pendant plusieurs années, le bien se fit d’une manière presque insensible parce que la maison avait conservé à son ancien caractère, celui d’une maison de force. Pour remédier à cet inconvénient et introduire un autre esprit, l’Evêque de Troyes, sans déclarer sa pensée intime, proposa de faire venir une religieuse de la communauté du Bon Pasteur, créée pour venir en aide aux jeunes filles et femmes en difficulté, désireuses de se convertir et de changer de vie, qui venait d’être fondée au faubourg Saint-Germain, à Paris, par Madame de Combé (en quelques années, le Bon Pasteur de Paris prit une extension considérable et eu des maisons de dépendance dans les principales villes de France. Les archives de la maison de Paris sont perdues). Cet avis ayant été goûté par les personnes qui s’occupaient de l’œuvre, on pria Madame Lapostole, deuxième supérieure générale de Paris, de donner une de ses religieuses pour former et diriger la maison de Troyes, et une fille pénitente pour servir de modèle aux recluses. Le choix tomba sur la sœur Péclavé qui arriva à Troyes avec sa compagne au mois de janvier 1695. Quelques jours après son arrivée, la sœur Péclavé représenta avec toute l’énergie qu’inspire une charité ardente, qu’elle ne voulait avoir auprès d’elle, que des pénitentes volontaires et disposées à servir Dieu par amour comme des enfants, et non par crainte comme des esclaves. « Je ne suis pas une geôlière, dit-elle, mais une sœur du Bon Pasteur, il faut ouvrir les portes à toutes les personnes qui sont ici par force ». Alors, la division qui existait depuis longtemps entre dames, par rapport à la direction à imprimer à l’Oeuvre, augmenta. Elles se retirèrent peu à peu, et elles retirèrent en même temps, les secours qu’elles procuraient. Pendant 5 ans, il fallut à M. de la Chasse des efforts inouïs de charité et de dévouement, pour soutenir cette Œuvre menacée de périr à son berceau. Enfin, le 2 février 1700, Madame Arson, sa fille et les 2 dames Legrin, qui étaient encore supérieures en titre, abandonnèrent définitivement la maison, mais elle était fondée !
Le 11 mars 1700, la sœur Lavallée, venue du Bon Pasteur de Paris, prenait la direction de la maison de Troyes, dont elle fut la première supérieure en nom. M. de la Chasse, jusqu’à sa mort, qui arriva le 29 novembre 1734, se dévoua généreusement à consolider et à développer cette Œuvre qui devait être si utile à la ville et au diocèse de Troyes. « Il fit fleurir au Bon Pasteur, l’esprit religieux aussi bien que l’esprit de pénitence », et il sut préserver la maison des doctrines jansénistes qui, à cette époque « infectèrent de leur venin », la plupart des communautés religieuses de notre ville.
Après avoir habité l’hôpital Saint Bernard pendant 55 ans, les religieuses du Bon Pasteur furent transférées, le 6 janvier 1750, à la rue du Bourg Neuf (du Palais de Justice), dans la maison que venaient de quitter les Carmélites. La cour, qui essayait par tous les moyens, depuis plus de 16 ans, d’amener ces religieuses à adhérer à la bulle « Unigenitus », venait enfin, en désespoir de cause, de les expulser et de les disperser dans d’autres communautés. Les religieuses habitaient depuis 15 ans la rue du Bourg Neuf, lorsque la ville demanda leur établissement légal. Il fut autorisé, par lettres patentes de Louis XIV, datées de Versailles du mois de Juin 1765 :« Joseph Claude de Barral, évêque de Troyes, et nos chers et bienaimés les maire et échevins de la ville, nous ont fait représenter que les Sœurs dites du Bon-Pasteur qui, depuis plus de 70 ans, s’étaient toujours comportées avec la plus grande édification, s’occupent continuellement d’œuvres de charité et spécialement de retirer et de ramener à Dieu des filles repenties qui voulaient faire pénitence. Cette communauté, refermant plus de 50 de ces filles dirigées par les religieuses, le succès de cet établissement faisant désirer aux habitants de la ville de Troyes… ».
En 1766, les religieuses du Bon Pasteur quittent la rue du Bourg Neuf et sont transférées à la rue des bains, dans la maison occupée par des religieuses de la Congrégation qui donnaient l’enseignement gratuit aux jeunes filles de la ville. Attachées d’une manière forcenée au jansénisme, ces religieuses, après plusieurs mémoires justificatifs de leur désobéissance et après d’insolentes remontrances, venaient d’être supprimées par arrêt épiscopal de Claude-Mathias de Barral, le 5 juin 1766. Par le même arrêt, il leur avait donné une maison et une partie de leurs biens aux sœurs du Bon Pasteur, cela confirmé en août par lettres patentes de Louis XIV. Par décret, 2 sœurs devaient être chargées de tenir une école publique pour les jeunes filles. A peine installées dans leur nouvelle maison, les religieuses du Bon Pasteur furent tracassées par le curé de la paroisse qui adressa une requête au Parlement contre elles, parce qu’elles refusaient de se soumettre aux devoirs paroissiaux (présentation du pain bénit, assistance aux offices de la paroisse, confession annuelle au propre prêtre, communion pascale de la main du curé, derniers sacrements et sépulture par le curé). Le 9 Janvier 1768, sœur Marie-Jeanne de Sainte-Marthe, supérieure, et sa communauté adressèrent à leur tour au Parlement une requête solidement appuyée, à l’effet d’être dispensées de ces mêmes devoirs paroissiaux. Le 1er mars 1768, le Parlement envoya l’affaire à l’évêque de Troyes qui décida en faveur des religieuses.
Le Bon Pasteur fut fermé le 2 novembre 1792. Il y avait à cette époque 70 religieuses et pénitentes et 2 domestiques dans la maison. Dans l’espace de 99 ans, 60 religieuses firent profession dans cette communauté qui servit de refuge à 650 repenties.
Le 13 juin 1796, la municipalité de Troyes fait dresser un état des bâtiments nationaux. Les locaux du Bon Pasteur abriteront les déserteurs étrangers, et un local sera destiné à la gendarmerie.
Sœur Constance et sœur Augustine, de l’ancienne maison, ayant conservé leur vocation, sollicitent le rétablissement du Bon Pasteur. Le 11 juin 1818, Monseigneur de Boulogne, évêque de Troyes, leur donne la permission de se réunir dans la maison de M. Lalauze, curé de Sainte Madeleine, à l’entrée de la rue du Cloître Saint-Etienne, cette maison leur était léguée. Le 23 juin, les 2 religieuses entrent dans la nouvelle maison avec 2 jeunes personnes, sœur Constance Roizard 17 ans et sœur Constance Germaine 16 ans, rejointes quelques jours après par Mademoiselle Cécile Fournerot, nièce de M. l’abbé Fournerot. Louis XVIII, par lettres patentes du 2 septembre 1815, autorise la communauté du Bon Pasteur. Le 23 avril 1827, Charles X le confirme, et sanctionne les constitutions. De 1818 à 1868, 49 religieuses ont fait profession au Bon Pasteur et elles ont eu sous leur conduite, 200 jeunes filles, qu’elles ont nourries et entretenues gracieusement. La maison n’ayant aucun revenu, c’est à la pointe de leur aiguille que les religieuses ont soutenu leur vie et celle des enfants que les familles leur confiaient.
En 1818, l'ancien "Bon-Pasteur", dispersé par la tourmente révolutionnaire, se reconstitue, sous une forme nouvelle, à Troyes, rue du Cloître Saint-Etienne. Les sœurs du Bon-Pasteur d'Angers reviendront, il est vrai, à la prière de Mgr Cortet, évêque de Troyes, le 6 juillet 1879, et ouvriront un Refuge, rue des Terrasses. Mais elles devront se retirer au début de 1907, du fait des lois anticléricales.
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