Caracciole, à qui Louis de Lorraine remet son évêché de Troyes, est le fils de Jean Caraccioli, napolitain, prince de Melphe, maréchal de France, gouverneur du Piémont, et d’Eléonore de San-Severino, fille du prince de Salerne. A 18 ans, le jeune Caracciole suit la Cour où « il paraît avec distinction ». Il en goûte les délices, en suit le luxe et la splendeur par la richesse de ses habits et par l’éclat d’un brillant équipage. Mais, ses moyens n’étant pas suffisants pour satisfaire ses désirs, « ses affaires se dérangèrent tellement qu’il est obligé de quitter son train de vie et de se retirer de la Cour, pour mener une vie plus simple et plus conforme à la religion. Il choisit pour sa retraite, la Sainte-Beaume de Marseille. Mais, soit inconstance, soit impossibilité d’y faire son projet, il revient bientôt à Paris se faire chartreux. Avant la fin de son noviciat, « sa première ferveur s’étant éclipsée », il quitte l’habit et se fait chanoine régulier dans l’abbaye de Saint-Victor. Le cardinal de Bourbon ne pouvant obtenir ses bulles pour cette abbaye, Caracciole use de finesse. Il déclare aux religieux qu’il se chargerait d’obtenir du roi la permission d’élire un abbé, à condition toutefois que, s’il réussissait, on lui conférerait le prieuré d’Athis. Il fait alors des démarches, mais, en rusé négociateur, il obtient pour lui-même cette abbaye avec l’économat. Il reçoit ses bulles quelque temps après, et en prend possession le 22 février 1544, et en est le dernier abbé régulier. Se voyant maître de cette dignité, il veut gouverner le spirituel et le temporel à sa fantaisie, sans consulter les anciens religieux. Ceux-ci, mécontents, en appellent comme d’abus, et le conseil du roi commet le cardinal de Tournon pour déléguer des juges en cette affaire. En conséquence, il est ordonné un partage des biens entre l’abbé et les religieux, et pour lui donner plus de force, il est enregistré au conseil et au parlement, et agréé par une bulle du Pape Paul III. Cependant, Caracciole, qui a du talent pour la chaire, avance dans ses sermons quelques propositions luthériennes. Il en est repris, et il est menacé d’interdit. Il répond avec fierté qu’il aurait une autre chaire, qu’on ne pourrait lui interdire, et, dès ce moment, afin d’être plus libre, il quitte son abbaye, et vise à un évêché. Ce qu’il fait en effet, par la permutation avec Louis de Lorraine. Il est sacré à Saint-Victor le 15 novembre 1550. Il porte alors une longue barbe, et suivant l’usage de l’église de Troyes, le nouvel évêque doit se présenter rasé au chapitre. Il en est averti, et il trouve mauvais que l’on veuille l’assujettir à cette coutume. Il emploie toutes sortes de moyens pour être dispensé de s’y soumettre. Enfin, il a recours à l’autorité du roi Henri II, qui veut bien écrire, à ce sujet, au chapitre de Troyes. Le monarque déclare dans une lettre, qu’ayant dessein d’employer Caracciole à quelque ambassade éloignée, pour affaire importante, il est nécessaire qu’il conserve sa barbe, ne pouvant y aller sans cela. Cette lettre est datée de Fontainebleau le 27 novembre 1551. Le chapitre se rend alors, et veut bien suspendre son usage pour cette fois, à cause des ordres du roi. Tous les obstacles étant levés, le nouvel évêque vient à Troyes, et fait son entrée solennelle, le 13 décembre. Tout le clergé se rend à l’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains, où le prélat est arrivé la veille, accompagné d’un nombreux cortège, dont l’évêque d’Auxerre, de plusieurs grands seigneurs et des officiers municipaux, tous à cheval. Au moment de la solennité, il part en procession de l’abbaye, porté sur une chaise, suivant la coutume, jusqu’à la cathédrale, par les 4 barons de la Crosse. Arrivé dans le chœur, il célèbre la messe et confère les ordres à un grand nombre d’ecclésiastiques. Aux fêtes de Noël, il commence à prêcher dans son église, et il y a tant de monde à ce premier sermon, qu’il est très difficile de l’entendre. Il est nommé à l’abbaye de Ham (diocèse de Noyon). Le 31 janvier 1552, il assiste dans Troyes, à une procession générale pour la paix qui vient d’être faite avec l’Angleterre, et il est fait de grandes aumônes pour les 3.000 pauvres. « Les commencements de l’épiscopat de Caracciole sont assez louables et édifiants. Mais déjà hérétique dans le cœur, il insinue, dans ses sermons, des opinions nouvelles, qui scandalisent ses auditeurs ». Le peuple se soulève, et les magistrats font au prélat de vives remontrances. Accoutumé aux feintes et aux artifices, il promet de se rétracter et affecte du zèle pour la religion catholique, mais il n’est pas sincère : loin d’empêcher le calvinisme de pénétrer dans Troyes, il le favorise, s’en rend l’apôtre et le défenseur. L’exemple du pasteur crée la contagion et inspire de la hardiesse aux nouveaux sectaires qui rompent et brisent plusieurs images dans le cimetière de Notre-Dame ou de Saint-Jacques, et en d’autres lieux de Troyes. Pour réparer ces scandales, on fait une procession générale, où les reliques sont portées pour en confirmer le culte. Les magistrats, sur les ordres du roi, punissent les hérétiques. Par exemple, un cordelier, fils d’un charpentier troyen, qui a été à Genève, Lausanne… est arrêté, condamné à faire abjuration et à tenir prison perpétuelle chez les cordeliers d’Auxerre, où il a fait profession. Il a l’évêché pour prison, mais il sait gagner son gardien, et s’enfuit avec lui. Le cardinal Caraffe, beau-frère du prince de Melphe, venant de monter sur la chaire de Saint-Pierre sous le nom de Paul IV, notre évêque, qui est son neveu, se rend à Rome, pour lui faire la cour et en obtenir le chapeau de cardinal. Cela n’ayant pu avoir lieu, Caracciole revient à Troyes, en passant par Genève où il séjourne quelque temps, et fait la connaissance de Calvin et Bèze, théologien protestant, tous deux chefs du parti huguenot, et se confirme dans ses opinions erronées, et promet de se déclarer pour la nouvelle religion. Le nombre des calvinistes augmente de jour en jour, et leur retraite est dans la rue Moyenne, qui, pour cette raison, est alors appelée « la Petite Genève ». Les catholiques ne sont pas tranquilles, les hérétiques ne cherchent que les occasions de les insulter. Le jour de la sainte Mâtie, le peuple s’empresse de révérer ses reliques. Un homme s’approche de la châsse et profère des paroles injurieuses et blasphématoires. Le peuple indigné l’entraîne hors de l’église et l’assomme à coups de pied, de pierres, de petits bancs de merciers qui sont sur la place. L’année suivante, les hérétiques s’enhardissent de plus en plus et « font mille horreurs à l’image de la Vierge qui est au bout de la ruelle du Chaudron ». Lors d’une procession de la paroisse Saint-Jean, les Huguenots insultent les prêtres, la croix et la bannière. Un bonnetier y est tué d’un coup de pistolet, et les religionnaires font sonner le tocsin. Les Huguenots, favorisés par Caracciole, projettent de troubler et d’empêcher la procession du Saint Sacrement le jour de la Fête-Dieu. Les magistrats l’apprennent et prennent leurs précautions. Ils font garder la ville par 200 hommes, et, comme « il s’élève souvent des disputes entre les catholiques et les hérétiques, ils font défense, aux uns et aux autres, de s’appeler Papistes ou Huguenots, à peine d’être pendu, conformément à l’édit de Juillet ». Les Calvinistes prêchent publiquement et font des baptêmes et des mariages. Un moine, nommé Robin, sort du couvent de la trinité, prend une fille « qu’il a déjà connue, la conduit par les rues comme un triomphe, l’amène au prêche, où ils se marient comme Calvinistes ». Notre prélat se déclare alors ouvertement pour la religion réformée. Il se fait à nouveau ordonner dans une assemblée de Calvinistes. Afin de prévenir d’autres séditions, on fait garder la ville par 300 hommes. Ils font des recherches dans les maisons des hérétiques, à qui ils ôtent les armes, en emprisonnent plusieurs, et brûlent beaucoup de leurs livres. Le peuple était si fort animé contre eux, qu’une femme arrivée de Genève, n’ayant pas voulu fléchir le genou devant l’église de Notre-Dame, est assommée sur le champ et jetée dans la rivière sur le pont de la Salle. Les soldats de la garde, « emportés par une fougue impétueuse », exercent contre les Huguenots de la ville et de la campagne, les plus grandes violences. A la vue de tant de cruautés, ces religionnaires sortent éperdus de Troyes avec leurs femmes et leurs enfants, et emmènent avec eux une grande partie de leurs effets. Ils se retirent à Bar-sur-Seine, et là, pour se venger de ce qu’on leur a fait souffrir à Troyes, ils se saisissent du château et des munitions de guerre, pillent les églises et causent dans la ville et les environs les plus étranges ravages. En août 1562, les chanoines interviennent auprès du gouverneur, pour lui retracer la conduite de l’évêque « tant dans ses vie et mœurs que dans sa doctrine ». Caracciole se résous à abandonner son siège épiscopal. Le siège est déclaré vaquant. La cour désigne pour remplacer notre prélat, Claude de Beauffremont, qui reçoit les bulles de Paul VI, et est sacré à la cathédrale le 9 mai 1563. Caracciole se retire à Châteauneuf, l’une des terres que François 1er avait donnée à son père, et il prend femme.
Quelque temps avant sa mort, Caracciole reconnait son aveuglement, dit qu’il déteste l’hérésie, conseille la pureté de la foi catholique et rentre en grâce avec l’église romaine. Il décède à Châteauneuf en 1570, et y est enterré dans l’église paroissiale
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