Notre XCIV° évêque (1802-1807), est né le 13 janvier 1744 de Louis de la Tour du Pin, comte de Montauban, brigadier des armées du roi et 1er écuyer du duc d’Orléans et de Marie-Olympe de Vaulserre des Adrets.
Dès ses plus jeunes années, « ses qualités et ses vertus font entrevoir les plus belles espérances ». A 34 ans, il est nommé évêque de Nancy (1777), où il se révèle « un saint prélat ». Il entreprend à pied, la visite de son diocèse, où il fait beaucoup de réformes. Les pauvres, les abandonnés sont les premiers objets de sa sollicitude. L’estime et l’affection de ses diocésains récompensent ses vertus et ses bienfaits, et, dans une émeute, c’est lui qui calme l’effervescence populaire. Il succède en 1783 à Mgr d’Apehon, archevêque d’Auch, à son décès.
Il se consacre tout entier aux intérêts de son diocèse, agissant en toutes choses, en sage et actif administrateur. « Par ses mœurs douces, sa piété profonde et la bonté de son cœur, il est l’édification et la joie de son peuple ».
Le 28 novembre 1790, environ un tiers des prêtres députés prêtent serment. Lui, refuse. Dénoncé pour ses écrits et ses discours « tendant à soulever le peuple contre la loi », il est ajourné, par ordonnance du 24 décembre, à comparaître en personne devant le tribunal du district. Il est civilement déchu de son titre et de ses fonctions. Il continue de protester, signant, comme de coutume, Louis-Apollinaire Archevêque d’Auch. Le 2 août 1791, le tribunal le décrète de prise de corps. Mais, à cette date, le prélat fugitif, trompe la vigilance de la police et réussit à mettre les Pyrénées entre lui et ses persécuteurs. Il est libre, mais proscrit.
Le prélat se fixe d’abord dans le Val d’Aran avec l’évêque de Tarbes et celui de Lavaur. Il y fait une ordination à laquelle prend part un grand nombre de jeunes gens venus des diocèses français limitrophes. Le gouvernement jacobin de Paris s’en émeut et fait des représentations au cabinet de Madrid. Les 3 évêques reçoivent l’ordre de s’éloigner de la frontière et de pénétrer plus avant dans l’intérieur. Le Concordat est signé en 1801, et Mgr de la Tour du Pin rentre en France début 1802.
Le siège épiscopal de Troyes devient vacant au décès de Mgr de Noé. Il est proposé à Mgr de la Tour du Pin qui ne l’accepte qu’à condition que l’abbé Fournier (dont il fera son vicaire général à Troyes), alors détenu à Turin, soit élargi. Son crime était d’avoir flétri, en chaire, les forfaits de la Révolution. Le ministre de la police, Fouché, ex-oratorien et régicide, s’était senti atteint par cette parole enflammée, et, pour l’étouffer et se venger, il avait fait enfermer l’orateur à Bicêtre, parmi les fous, et de là, l’avait fait transférer à la citadelle de Turin. En décembre 1802, Bonaparte signe une lettre le libérant.
Mgr de la Tour du Pin arrive à Troyes le 22 décembre, et prend possession de son siège le 6 février 1803. La Révolution ayant fait table rase des institutions anciennes, l’archevêque évêque de Troyes assume une charge très pesante et fort compliquée, tout est à relever et organiser. Il nomme Claude Arvisenet en 1804, vicaire-général honoraire.
Sans cesser jamais d’être bon et doux, Mgr de la Tour du Pin est ferme, intrépide, au milieu des plus graves difficultés et en face des périls les plus menaçants. Son administration est laborieuse, pendant les 5 années qu’il gouverne l’église de Troyes. Son œuvre principale est l’unification et l’organisation des 3 diocèses placés sous sa juridiction. Ses prêtres l’aiment comme un père, les fidèles reconnaissent en lui la vivante image du bon pasteur.
Mgr de la Tour du Pin travaille, sans bruit, mais « avec suite et fermement, à assurer les intérêts religieux dans son diocèse ». Il prend des mesures de prudence contre les anciens et nombreux constitutionnels qui avaient demandé à rentrer dans les rangs du clergé paroissial. Par lettres circulaires, il recommande avec insistance aux curés, l’instruction religieuse des enfants, particulièrement des pauvres, et la formation de la jeunesse à la vie chrétienne. Les pauvres de la ville de Troyes, devenus une multitude, par suite de la disette, sont largement assistés par notre prélat. Il crée l’association des Dames de Charité pour leur distribuer des secours. Il constitue le bureau de secours aux incendiés, institution d’autant plus précieuse, que les compagnies d’assurances n’existent pas encore, et que l’idée en est sortie de ces mesures de prévoyance, qui ne tardèrent pas à se généraliser.
En 1805, Mgr de la Tour du Pin reçoit, dans son palais épiscopal, à 4 jours de distance, les 2 plus hauts personnages de l’époque, d’abord l’Empereur, ensuite le Pape Pie VII. Le couple impérial fait son entrée solennelle à Troyes le 2 avril. Le bâtiment épiscopal, seul bâtiment assez vaste pour recevoir Leurs Majestés, est offert, mais comme tout s’y ressent encore des ravages de la Révolution, il faut le réparer à la hâte, et presque tout entier. L’aile faisant face au levant est destinée à recevoir l’empereur, celle regardant le midi, est préparée pour l’impératrice. Leurs Majestés entrent dans la ville « au bruit des acclamations universelles, des coups de canon et du son de toutes les cloches de la ville ». Le clergé de chaque paroisse en habits sacerdotaux, est placé sur le passage de Leurs Majestés. Celui de la cathédrale, ayant à sa tête notre Archevêque-évêque de Troyes, est rangé sous le parvis de la cathédrale, où l’Empereur le salue « d’un air très affectueux ». Le 3, à 9 h, Sa Majesté donne audience aux autorités et aux fonctionnaires publics. Il reçoit d’abord tout le clergé de la ville et dit : « Je vous recommande, messieurs, de prêcher, avec la morale de l’Evangile, la soumission aux lois et le paiement des contributions, de prier et de faire prier Dieu pour moi... Imitez l’exemple que votre évêque vous donne, et tout ira bien… ». Napoléon fait don à Mgr de La Tour du Pin d’un très bel anneau pastoral et d’une boîte en or rehaussée de son portrait et enrichie de diamants. Il le nomme chevalier, et bientôt après, officier de la Légion d’honneur, puis le fait entrer dans le collège électoral du département de l’Aube. Peu de temps avant sa mort, le digne prélat est désigné par ce corps comme candidat au Sénat.
Le 6 avril, le Pape arrive à Troyes. Mgr de la Tour du Pin, Archevêque-évêque de Troyes, à la tête de tout le clergé de la ville, reçoit Sa Sainteté sous le parvis de son église cathédrale. En pénétrant dans l’église, le Saint-Père s’écrie : « Che é bella ! » (qu’elle est belle). Entrant dans l’évêché, il y prend le logement qu’a occupé l’empereur. Le 7, tout le clergé de la ville et des environs, toutes les autorités constituées, et une foule innombrable se rendent à la cathédrale, où le Saint-Père dit une messe basse. « Une foule immense n’a pu entrer dans l’église ». Il part le 8 : « La place et les rues par où il passe sont remplies d’une foule de peuple… La ville de Troyes vit ce qu’elle pouvait jamais voir de plus grand. La concorde du Sacerdoce et de l’Empire, parut aux yeux d’un peuple émerveillé, dans toute sa réalité et dans tout son éclat….».
Mgr de la Tour du Pin décède dans son palais épiscopal le 28 novembre 1807, d’une attaque d’apoplexie. « Le Moniteur » parle « des vertus éminentes de ce prélat, de sa charité envers les pauvres, de sa bonté envers tous et de la sagesse de son administration, qui lui avaient concilié l’amour et la vénération de tous ses diocésains ». On sait maintenant avec quel courage il a résisté aux entreprises sacrilèges de la Révolution et tenu tête au schisme : « Nous ne croyons pas exagérer, en disant que son intrépidité s’éleva jusqu’à l’héroïsme ».
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