Mgr Malier eut pour successeur M. François Bouthillier, petit fils de Claude, surintendant des Finances et fils de Léon, comte de Chavigny et de Buzançois, ministre et secrétaire d’état des affaires étrangères, et d’Anne Phélippeaux, fille de Jean, seigneur de Villefavin.
Dès l’âge de 5 ans, le jeune Bouthillier fut pourvu de l’abbaye de Scellière qu’il a gardée pendant plus de 80 ans, et qui lui assura un revenu confortable. Dans la suite, il fut abbé d’Oigny, prieur de Pont-sur-Seine, de Marnay et de Beaumont en Auge, aumônier du roi, nommé à l’évêché de Rennes (qu’il refuse) et enfin à celui de Troyes.
Notre LXXXVI° évêque fut sacré à Paris le 9 avril 1679, et, le 18 mai suivant, mis en possession de son diocèse par l’archidiacre de Sens. A l’exemple de son prédécesseur il ne fit pas d’entrée solennelle, « mais il se transporta » seulement à l’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains où il prêta, entre les mains de l’abbesse, le serment ordinaire de garder les privilèges de ce monastère.
A son avènement, M. Bouthillier crut ne devoir pas négliger les synodes pour maintenir la discipline dans son diocèse. Dès le mois de mai de l’année suivante, il donna un mandement par lequel il indique un synode pour le mardi 4 juin suivant, et donne des règlements généraux pour tous ceux qui se tiendront dans sa suite. Il publia encore une lettre pastorale où il dit que, malgré l’application de ses prédécesseurs à maintenir les saintes règles du diocèse, on ne voit pas encore tout le bien, qu’on pouvait en espérer, et il renouvelle en même temps les anciens statuts, en tout ce qui ne sera pas contraire aux règlements postérieurs.
Ce prélat, qui ne laissait échapper aucune occasion de signaler son zèle, crut qu’une mission était aussi nécessaire pour confirmer la piété des fidèles, que les synodes pour le maintien de la discipline parmi les ecclésiastiques. Il en chargea les Capucins qui se distinguaient alors par la conversion de plusieurs protestants qu’ils ramenèrent dans le sein de l’église. Elle se fit dans les paroisses de Saint-Jean, de Sainte-Madeleine et de Saint-Nizier, où il y avait tous les jours entretiens et conférences utiles pour l’instruction du peuple.
Mgr l’Evêque prêcha dans la cathédrale à cette occasion et bénit la croix qui fut plantée solennellement au Fort-Chevreuse. Cette mission produisit tout l’effet qu’on avait lieu d’attendre, et le prélat vit, avec satisfaction, ses ouailles se porter d’elles-mêmes et avec ardeur à tous les exercices de piété.
Quoique les entreprises des Jésuites sur Troyes eussent toujours été vaines et malheureuses, ils espéraient encore contre toute espérance. Dans cette vue, ils firent prêcher dans l’église de Saint-Etienne le panégyrique de ce saint par un de leurs prédicateurs, qui, en entrant en chaire, parla de la mort de la reine Anne d’Autriche. Comme M. l’évêque ne leur semblait pas favorable, ils s’adressèrent à M. l’intendant de la province. Mais toutes leurs intrigues et toutes leurs démarches furent encore inutiles, les citoyens persévérèrent dans la volonté de ne pas les recevoir.
Parmi tous ces démêlés où Mgr l’évêque ne prenait aucune part, ce prélat conservait son zèle pour le bien de son diocèse. Il confirma les statuts de 1680 contre les « écreignes ou veilleries » qui étaient souvent un sujet de scandale. Pour y remédier, il rendit, le 20 octobre 1686, une ordonnance, qui, tous les ans doit être publiée aux approches et à la fin de l’hiver, et défend, sous peine d’excommunication, aux garçons d’entrer dans ces « veilleries et d’employer la violence à cet effet ». Il y est recommandé aux curés d’envoyer, au commencement du carême, à l’évêché, un mémoire des noms des coupables, avec les circonstances de leur péché et de leur donner pour pénitence d’entendre la messe un dimanche à genoux, un cierge à la main, dans une place distinguée, sous le crucifix ou proche des fonts baptismaux, autant de fois qu’ils encourront l’excommunication.
L’année suivante, il donne une autre ordonnance par laquelle il défend, sous peine d’excommunication encourue par le seul fait, toute entrée dans les monastères sans permission de lui ou de ses vicaires-généraux.
Il publia plusieurs statuts parmi lesquels, celui de l’assiduité aux conférences ecclésiastiques pour lesquelles il avait fait des règlements 8 ans auparavant.
Cependant, les Jésuites ne s’endormaient pas sur leur projet d’établissement dans Troyes. Les sollicitations, les démarches, les assurances de l’amour du bien public, rien ne leur coûtait pour parvenir à leurs fins. L’année 1688 les vit se remuer de nouveau et employer tous les moyens qui leur semblèrent les plus propres à obtenir l’effet de leur demande. Mais autant ils montraient d’ardeur pour cette affaire, autant les Troyens témoignaient d’éloignement pour les recevoir dans le sein de leur ville.
A cette même époque, les Jacobins et les Cordeliers scandalisaient les Troyens, lorsqu’ils sortaient de leur couvent pour aller dire la messe dans les paroisses. M. l’évêque y mit bon ordre et leur défendit de se charger d’aucune messe hors de chez eux, leur laissant néanmoins l’espace de 3 mois pour achever ce qu’ils avaient commencé.
Mgr l’évêque avait fait mettre, à Notre-Dame-en-l’Isle, un prêtre qui avait l’esprit aliéné et qu’il avait bien recommandé au prieur. Un jour ce prêtre alla lui demander une cure, mais se voyant refusé, même avec des menaces, il tomba dans un accès de folie, s’en retourna à Notre-Dame-en-l’Isle, où l’on commençait les complies. Là, il monte sur le grand autel, et à coups de pieds renverse le tabernacle et les reliques des saints. Il est arrêté, et, par l’ordre de l’official, conduit à la Santé, où on lui met les fers aux pieds. Quatre jours après, les religieux, accompagnés de ceux de Saint-Martin-ès-Aires firent une procession pour réparer ce sacrilège.
En 1694, les Oratoriens firent soutenir une thèse qui fut mal interprétée par leurs ennemis. Ceux-ci firent « courir une feuille volante anonyme intitulée Le Luthéranisme renaissant ». Il y avait sur une colonne les sentiments de Luther sur l’autorité du pape, et sur l’autre les propositions de la thèse, afin de montrer, par cet artifice, la conformité de la doctrine des Oratoriens avec celle de cet hérésiarque. Mgr l’évêque en fut informé, mais l’affaire n’eut pas de suite, et le prélat vit bien que cette accusation avait été faite par un esprit de vengeance et de jalousie.
On travaillait alors à imposer une capitation (impôt) sur les ecclésiastiques. Le diocèse de Troyes fut imposé à 45.000 livres, mais on prétend que la proportion ne fut pas exactement observée, ce qui amena quelques plaintes qui ne furent pas beaucoup écoutées.
En 1697, Mgr Bouthillier, qui résidait plus souvent à Paris qu’à Troyes, annonça à son chapitre que, s’étant plusieurs fois trouvé mal en officiant, il s’était déterminé à se démettre de son évêché, et que le roi qui avait agréé sa démission, y avait nommé son neveu. En fait, c’était dans l’espoir d’entrer au ministère. Il revint à Troyes, et résolut de vivre dans une retraite absolue, d’abord au Grand-Séminaire, puis il choisit la maison des Chartreux de Croncels, où il se fit bâtir un appartement.
Il alla encore de temps en temps à la cour, surtout en 1713, où le roi le reçut « avec distinction ». L’année suivante, il travailla avec les cardinaux d’Etrées et de Polignac, à l’accommodement du cardinal de Noailles avec la cour de Rome, au sujet des disputes sur la bulle « Unigenitus » du pape Clépent XI, pour dénoncer le jansénisme.
Après la mort du roi Louis XIV il est appelé au Conseil de Régence par Philippe d'Orléans en septembre 1715.
Il se fixa de nouveau à Paris où il mourut le 15 novembre 1731, âgé de 90 ans.
Son
successeur fut son neveu D.F. Bouthillier de
Chavigny.
Sur le bandeau du bas de chaque page, vous cliquez sur "Plan du site", qui est la table des matières, et vous choisissez le chapitre qui vous intéresse.
Cliquez sur "Nouveaux chapitres" vous accédez aux dernières pages mises en ligne.