On peut fixer à 1520 la date de l’introduction du luthéranisme à Troyes.
Il débute par des livres clandestinement distribués, par des discussions particulières. L’évêque Guillaume Parvi prend le seul moyen qu’il y a à opposer aux nouvelles idées, en veillant aux doctrines, à la discipline et aux mœurs ecclésiastiques. Il réussit à préserver son diocèse des idées luthériennes. Son successeur Odard Hennequin se voit en face d’une recrudescence, et il oppose le même système. Un prêtre imite Luther, apostasie, se marie et prêche contre le catholicisme. Malgré les efforts de l’évêque, il persiste dans son apostasie et est condamné au bûcher. On le dégrade publiquement en juin 1545, il est étranglé et brûlé sur la place de l’Etape-au-Vin.
L’évêque Caracciole, lui, penche visiblement du côté des idées nouvelles. Ses sermons empreints de luthéranisme, soulèvent l’indignation des catholiques. Il y a une émeute et des manifestations qui rendent l’évêque plus circonspect. Heureusement, car en 1553, pendant un sermon à Saint-Jean, tout est préparé pour faire crouler une voûte sur sa tête aux premiers mots mal sonnants ! Mais Caracciole confère avec les Huguenots, à l’évêché et dans une maison. Son exemple enhardit les dissidents qui en 1554, brisent les statues, les croix qui décorent les cimetières de Notre-Dame, de Saint-Jacques et divers endroits. Il y a procession expiatoire, et la prison est l’arme appropriée. L’évêque abandonne Luther pour Calvin.
En 1557, nouvelle guerre aux images, nouvelles représailles. Le nombre des calvinistes croit toujours. La rue Moyenne, remplie de dissidents, s’appelle " le petit Genève ".
Les années 1559, 1560 et 1561 sont marquées par des troubles, des profanations, et par de sanglantes exécutions sommaires. Les magistrats défendent, " sous peine de la corde ", aux catholiques et aux protestants de s’injurier. Plus nombreux et plus puissants que les calvinistes, ayant d’ailleurs le pouvoir royal et ses officiers de leur côté, les catholiques ont naturellement à leur compte un plus grand nombre d’excès. 1562 est une année remplie d’épisodes de cette terrible guerre civile qui aboutit à la Saint-Barthélemy.
Le massacre des Huguenots a de nombreux avant-coureurs, sans parler des luttes individuelles et collectives, et de la Franc-maçonnerie de la Ligue.
En 1568, le rôle des Huguenots est dressé. Leurs réunions sont prohibées, " à peine de la destruction des maisons où elles seraient tenues ". Quelques jours après, les associés de la Ligue jurent publiquement la ruine et l’extermination des hérétiques.
Le château des Comtes, du début du XI° siècle est situé place de la Tour. Prison au XVI° siècle, ce château est le théâtre de l’un des plus abominables épisodes de la Saint-Barthélemy.
Le 27 août 1572, le massacre des protestants commence à Troyes. Les arrestations, les visites domiciliaires, les assassinats particuliers sont couronnés le 4 septembre, par cet égorgement épouvantable. Les Huguenots enfermés aux prisons du Rondeau, comme on nommait alors le château à cause de sa disposition circulaire, sont massacrés sur les ordres du bailli Anne de Vaudrey," par des sicaires (assassins gagés) qu’on avait eu le soin d’enivrer. Un homme dont le nom flétri a passé à la postérité, Barthélemy Carlot, tonnelier, égorgea à lui seul 30 prisonniers ! ". On peut juger des proportions du massacre" le sang, coulant en ruisseau, alla teindre les eaux du ru Cordé". Une vaste fosse creusée derrière la chapelle reçoit les cadavres des victimes. Triste contraste, une salle de danse convertie en garde-meubles des commissaires-priseurs, s’est élevée sur l’emplacement.
Le bailli n’a pas la triste excuse d’un ordre supérieur. Au contraire, malgré l’ordre reçu depuis 2 jours, d’épargner et de mettre en liberté les protestants, il veut que les massacres de Troyes deviennent le lugubre pendant de ceux de Paris. Et, quand les malheureux enfermés aux prisons du château sont massacrés, il fait publier les ordres qu’il a reçus et dissimulés.
De particulière qu’elle est jusque là, la Ligue devient officielle. Le duc de Guise décide la municipalité, qui prend officiellement parti pour l’association, et s’engage en 1577, à fournir des hommes et des chevaux. Alors, les persécutions redoublent de vigueur, après quelques hésitations et des scrupules du corps de ville dissipée par le duc de Guise. Les particuliers riches, lèvent des troupes pour tenir garnison au nom de l’association. Le corps de ville décide l’expulsion absolue des Huguenots. Les arrestations se succèdent, puis, l’affiliation se discrédite au point de faire repousser le duc de Guise.
Arrivées au point où elles en sont, les passions ne sont pas faciles à calmer. Il y a trop de sang versé de part et d’autre. Les haines sont trop profondes pour que la voix de la raison soit écoutée, et pour que les partis consentent à désarmer. La Ligue, maîtresse absolue de Troyes, fait émigrer les dissidents ou les force à dissimuler.
L’Edit de Nantes (13 avril 1598) a alors seul le pouvoir de ramener la tranquillité, sans éteindre cependant le vieux levain qui entretient les rancunes réciproques des calvinistes et des catholiques. Sa révocation sous Louis XIV, ramène les persécutions et est le signal de cette immense émigration qui arrache à la France une foule de familles obligées de demander à l’étranger la tolérance et la liberté que leur refuse la mère-patrie.
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