Même mon ami l'Abbé François Morlot, dans son magnifique ouvrage de près de 500 pages, « Saints et Saintes de l’Aube », qui a obtenu en 1998 le Prix Littéraire du Conseil Départemental de l’Aube, ne parle pas de notre saint Liébaut.
Disons d’abord que le culte immémorial de saint Liébaut dans le diocèse de Troyes est un fait universellement admis et que personne n’a jamais contesté.
Nous trouvons trois principales ramifications du culte de saint Liébaut dans le diocèse de Troyes : à Saint-Liébaut (maintenant Estissac), au prieuré de Saint-Mesmin et à Notre-Dame-aux-Nonnains de Troyes.
Le village de Saint-Liébaut, qui a pris le nom d’Estissac en 1737, remonte à une haute antiquité, dont une bulle du pape Alexandre III (1159-1181) du 8 mars 1164. L’église est donc sous le vocable de saint Liébaut, au moins depuis 1164, et la fête patronale a toujours été célébrée comme elle l’est encore aujourd’hui, le 11 août.
Au prieuré de Saint-Mesmin, dépendant de l’abbaye de Montier-la-Celle, était conservé et vénéré le chef (tête d’un mort, séparée du reste du corps, lors de l’inhumation) de saint Liébaut, enfermé dans la même châsse avec les précieux restes de saint Mesmin. L’antique châsse de saint Mesmin fut ouverte le 15 avril 1554, et d’après le procès-verbal de visite, lu en 1608, on trouva avec les reliques une vieille inscription ainsi conçue : " Hic habentur ossa S. Memorii, martyris, cum capite ejusdem, et cum capite S. Liébaudi ".
A Notre-Dame-aux-Nonnains, abbaye de l’ordre de saint Benoît, nous trouvons la principale ramification du culte immémorial de saint Liébaut. Le plus ancien monument qui en reste est l’Office du saint, marqué dans un Calendrier et dans un Ordo (calendrier liturgique, qui indique pour une année déterminée, la date des fêtes et la manière de les célébrer) qui ont été à l’usage des religieuses Notre-Dame-aux-Nonnains. Le Calendrier a été écrit vers le milieu du XIII° siècle. Dans ces livres liturgiques la translation de saint Liébaut, selon le rite bénédictin, est marquée au 8 avril, et la fête du saint au 8 août. On retrouve encore les 2 fêtes aux mêmes jours, dans l’« Office propre des fêtes à l’usage des religieuses de Notre-Dame de Troyes », imprimé en 1640, et qui fut suivi jusqu’à la Révolution.
De plus, un bras de saint Liébaut, enfermé dans un reliquaire précieux, était vénéré à Notre-Dame-aux-Nonnains. C’est à cette sainte relique que se rapporte la fête de la Translation indiquée dans le Calendrier et l’Ordinaire écrits au XIII° siècle.
Le culte de saint Liébaut dans le diocèse de Troyes est donc un fait historique certain et incontestable.
Etablissons un second fait : saint Liébaut a été honoré chez nous comme martyr.
La paroisse de Saint-Liébaut honorait son saint patron sous le titre de martyr. Les religieux de Saint-Mesmin vénéraient aussi saint Liébaud comme martyr, puisqu’ils placèrent son chef avec celui du diacre saint Mesmin, leur patron.
En 1633, l’évêque de Troyes René de Breslay 1604-1641 (voir le chapitre) adresse une lettre élogieuse au Chanoine Nicolas Desguerrois (1579-1676), reconnaissant son talent et sa science, et l’encourageant à travailler à la Vie des saints du diocèse. En effet, ce dernier faisait autorité dans le diocèse de Troyes en matière d’hagiographie (écriture de la vie et de l’oeuvre des saints).
Desguerrrois confirme dans « L’Office propre des fêtes à l’usage des religieuses de Notre-Dame de Troyes », imprimé en 1640, le 8 avril pour la fête de la translation de saint Liébaut abbé, et le 8 août pour sa fête.
Dans l’« Inventaire des reliques de Notre-Dame de Troyes », rédigé en janvier 1664, il avait signalé « Un bras d’argent où il y a un fragment du bras de saint Liébaut, abbé ».
Le culte de saint Liébaut était donc intronisé dans la liturgie diocésaine. Mais cette gloire fut éphémère, car, en 1652, François Malier du Houssay (1641-1675), évêque de Troyes, ayant réformé l’ancien Bréviaire Troyen d’après les Rubriques et le Calendrier du Bréviaire Romain, le nouveau saint Liébaut, abbé, fut exclu du Propre des Saints de Troyes, et rayé du martyrologue Troyen, réformé en 1688 par Denis-François Bouthiller de Chavigny, évêque de Troyes (1678-1697).
Les ecclésiastiques qui ont confectionné le Bréviaire Troyen imprimé en 1829 et réimprimé en 1840, ont cru devoir réprouver l’opinion de la commission liturgique de 1652 et 1688 pour adopter celle de Desguerrois, et, en conséquence, ils ont réintégré dans le Calendrier diocésain la fête de saint Liébaut, abbé, au 11 août.
22 ans plus tard, en 1847, lorsque le diocèse de Troyes reprit la Liturgie Romaine, qu’il avait abandonnée en 1718, le saint Liébaut, abbé, fut écarté et disparut de notre Liturgie diocésaine.
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