Pendant que l’on anéantissait les trésors des églises, qu’on achevait la destruction de leurs ornements extérieurs et des emblèmes de l’ancien régime, on poursuivait la suppression des cérémonies du culte, qui se célébraient encore, après le départ de Rousselin, dans les communes voisines de la ville. Les offices étaient chantés, comme par le passé, dans les églises des villages les plus rapprochés. Les hommes les plus attachés à leur foi, et surtout les femmes, s’y rendaient avec empressement.
Le dimanche des Rameaux, le curé de Saint-Aventin dit la messe sur une table au milieu du village, et distribue des rameaux à 4.000 assistants venus des environs.
A Troyes, les églises étaient fermées, et les prêtres n’osaient plus se montrer dans les rues. Quelques uns d’entre eux trouvaient asile dans des familles pieuses, et l’on cite une maison où les offices étaient célébrés sans bruit, dans un appartement retiré, pour quelques amis discrets.
On N4entend plus le son des cloches, c’est à peine si quelques unes annoncent encore les heures.
Par décision municipale du 29 pluviôse, les réparations aux horloges des ex-paroisses sont ajournées jusqu’à l’établissement des cadrans décimaires.
La religion n’a plus de consolations ni pour la vie, ni pour la mort. Les enterrements se font avec une telle « indécence », que l’agent national de la commune s’en émeut, et qu’il s’écrie en les signalant : « Les morts sont livrés à 4 porteurs, qui jaloux d’accélérer leur besogne et de cumuler leur bénéfice, les emportent avec une rapidité incroyable sans être suivis par qui que se soit ». Aussi, Rondot veut-il qu’on rende aux morts les mêmes honneurs qu’aux naissants. « Si un enfant vient au monde, dit-il, les fleurs l’environnent, et il est promené avec dignité », et il demande que des commissaires soient nommés dans la municipalité et revêtus de leurs écharpes conduisent au tombeau les défunts, et qu’il soit « loisible au cœur sensible de suivre des restes précieux pour lui ».
Pour suppléer aux cérémonies religieuses, dont l’absence était vivement ressentie par le peuple, on résolut de donner plus d’importance aux fêtes républicaines qui se célébraient les jours de décade et dans certaines circonstances exceptionnelles.
Déjà, au mois de novembre, les administrateurs de l’Aube avaient demandé à la Convention d’en établir. « Pour effacer jusqu’aux traces des cérémonies superstitieuses, disaient-ils, vous avez ingénieusement décrété une nouvelle division des jours. Créateurs d’un monde nouveau, vous avez consacré le dixième jour au repos, mais vous n’avez sûrement pas l’intention d’abandonner le peuple aux dangers de l’oisiveté. Décrétez que ce dixième jour sera consacré à des fêtes nationales, dignes de la liberté et de la majesté d’un grand peuple… ».
La Commune espérait qu’elles achèveraient de détruire les effets du fanatisme et de l’égoïsme qui subsistaient encore. « Rien n’est plus lent, dit-elle, que la marche de l’esprit public vers la révolution, et les Troyens n’ont pas encore eu le courage de s’élever à sa sublime hauteur ». Pour y arriver, le conseil général décida qu’à chaque décade, les citoyens, après s’être réunis dans leurs sections pour entendre la lecture des lois, se rendraient avec la musique au temple de la Raison où les orateurs « les plus capables » leur feraient entendre des discours révolutionnaires. Leur but était de régénérer les mœurs, « car la République, disait la municipalité, doit être fondue sur la vertu dans tous ses points ». Ces discours, loin d’inspirer la vertu, n’étaient souvent que de violentes diatribes, comme celui que prononça Debary, dans le temple de la Raison, le 19 janvier sur les « Crimes du fanatisme et les absurdités du sacerdoce ». Debary était le président de la Société des Amis de la Liberté et de l’Egalité, régénérée par le représentant Bô, dans le, temple de la Vérité et de la Raison, le décadi 30 nivôse. Il n’y prêchait ni l’union, ni la fraternité, mais la haine. « Peuple, s’écriait-il, quand tu entends un propos qui n’est pas celui du patriotisme le plus chaud, prends l’individu et le conduis aux autorités constituées, et là, il reconnaîtra le danger de ses principes ».
Ce discours, qui contenait des conseils aussi « patriotes », fut imprimé par délibération de la Société populaire. A la suite de ces prédications, auxquelles prirent part l’ex curé Lejeune et Hadot, les danses commençaient et continuaient, au son de 12 violons, jusqu’à l’heure de la comédie. Il y avait, en effet, des représentations théâtrales, et c’étaient les volontaires de la Montagne qui les donnaient.
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