Mal nourris, mal vêtus, à peine chaussés et mal armés, mais portant au cœur la flamme ardent du patriotisme, l’amour de la liberté à peine conquise et la haine de l’étranger qui la leur voulait ravir, les soldats de la Révolution furent héroïques « et l’auréole glorieuse qui brille à leur front n’est point près de pâlir ».
Rien de plus captivant que le récit des actions d’éclat accomplies, simplement et noblement, par ces vaillants. Mais, en revanche, quoi de plus navrant que le tableau des privations et des souffrances de toutes sores qu’il leur fallut endurer. Toutefois, c’est un soulagement de constater que les Français demeurés au foyer n’abandonnaient pas leurs frères qui, à la frontière, versaient généreusement pour la Patrie Républicaine, au chant du « Ca ira » et de la « Marseillaise », le plus pur de leur sang.
C’est ainsi qu’à Troyes, en 1793, la municipalité, émue au récit poignant des souffrances endurées par nos armées, s’efforçait de leur venir en aide, en sollicitant les offrandes en espèces ou en nature des habitants de notre cité et faisait placarder, à cet effet, le vibrant appel imprimé dans le « Journal du Département de l’Aube » du 9 janvier 1793 :
« Citoyens : Déjà l’étendard de la liberté se déploie, partout nos armes sont victorieuses. Partout les despotes et leurs satellites tombent expirants sous le fer des soldats de la République. Les Français semblent des dieux que la foudre précède. Encore quelques moments et tous les peuples seront heureux !... Citoyens, la voix sublime de la Patrie réclame pour nos courageux défenseurs les secours les plus prompts. Ces braves manquent de tout. Il ne leur reste que leurs lauriers pour se couvrir, ils marchent, les pieds nus sur la glace. Ils couchent sans habits, sans capotes, au milieu des neiges, et toujours combattants, ils ont à vaincre et les rigueurs de l’hiver et les derniers efforts de nos ennemis. Resterons-nous spectateurs inutiles des périls que leur bravoure affronte ? Souffrirons-nous que nos frères, nos amis, nos enfants, soient les victimes de leur dévouement et de leur intrépidité, nous qui profitons de leurs succès et qui, tranquilles dans nos foyers, sommes à l’abri des frimas et des maladies cruelles auxquelles la guerre expose ? Est-il un seul de nous qui ne soit prêt à faire pour eux tous les sacrifices, soit en argent, soit en habits et qui ne s’honore de revêtir les héros de la France. Les vrais républicains ne calculent pas, quant il s’agit d’être généreux. Ils calculent encore moins quand il s’agit de leur liberté… Cet acte de sensibilité, cet acte de patriotisme va les rendre plus redoutables encore à nos ennemis. Leurs bras vont porter des coups plus sûrs et tous les tyrans périront… Nous ouvrons en la maison commune un bureau où tous les amis de la République sont priés de venir déposer leur don civique, soit en habits, vestes bien chaudes, capotes, souliers, bas et chemises, ou bien en argent, dont l’emploi sera converti aussitôt en achats d’étoffes et de toiles, objets infiniment plus précieux et plus nécessaires que l’argent même, pour être le tout envoyé à celle de nos armées dont les besoins seront les plus pressants. Citoyens, dans une circonstance aussi urgente, nous comptons sur les preuves de votre patriotisme. Plus vous aurez fait de sacrifices pour le soutien et la gloire de la République, plus vous vous serez montrés dignes de la Patrie que vous allez immortaliser ».
Les Troyens ne restèrent pas insensibles à cet appel. Le « Journal du Département » nous apprend le 6 février 1793, que dans le cours de janvier « la souscription s’éleva à plus de 6.000 livres, non compris un grand nombre de soumissions de bas, souliers, capotes… ». Le tout sera livré dans la première quinzaine du mois de février. Il fut décidé que l’armée du général Custine, alors dans le plus grand dénuement, bénéficierait de la bienfaisance des Troyens, et le 1er février, « 2 caisses et une bannette contenant 182 paires de souliers, 60 aunes de molleton blanc, toile et panne, 15 habits, 22 gilets, 258 paires de bas, 15 culottes, 25 chemises, quelques capotes, chaussettes, bonnets… » ont été adressé aux citoyens maire et officiers municipaux de Strasbourg, avec la lettre suivante : « Citoyens, nous vous adressons 2 caisses et 1 bannette contenant des effets destinés pour l’armée du brave Custine… Votre amour pour le bien public, ce feu sacré qui enflamme les cœurs des vrais Républicains, nous est un sûr garant… ».
Le Général Custine fut prévenu de l’envoi par la lettre suivante, adressée par la municipalité : « Au citoyen Custine, commandant en chef l’armée du Rhin : l’état de dénuement dans lequel sont nos braves frères d’armes sous votre commandement a fait saigner nos cœurs. Nous avons en conséquence, engagé nos concitoyens à venir à leur secours… Nous nous en rapportons à votre patriotisme et à votre amour pour vos frères d’armes pour la distribution. Nous comptons vous faire, sous peu de jours, un second envoi… Ce sera pour nos concitoyens et pour nous un jour de fête que celui où nous apprendrons que notre offrande aura été reçue de nos braves défenseurs… ».
Une troisième lettre informait le ministre de la Guerre de l’envoi fait à l’armée de Custine et en laissait espérer un second « qui serait composé de souliers »… Nous espérons que vous daignerez instruire la Convention de la conduite de nos concitoyens. Puissent leurs exemples être imités, nous n’aurions plus à gémir sur le sort de nos généreux défenseurs ! »…
N’ayant pas reçu de réponse, la municipalité s’en plaignit au nouveau ministre le 3 mars 1793… « Depuis ce temps, nous avons fait travailler nos ouvriers de différents genres pour employer le surplus de fonds de cette souscription. Nous avons en magasin, 258 paires de souliers, 60 paires de bas et 58 chemises. Ce second envoi est également destiné à l’armée de Custine…
Nous ne savons si le ministre de la Guerre honora d’une réponse la lettre de la municipalité Troyenne. Un second envoi fut fait début mars 1793, comme nous l’apprend le « Journal du Département » du 13 mars.
Nous n’avons jamais su si l’armée de Custine en bénéficia ou s’il fut destiné à d’autres troupes.
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