Le 30 septembre 1915, le Conseil municipal est réuni en séance extraordinaire. La séance est présidée par M. Lesaché, 1er adjoint, pour le Maire empêché, avec pour sujet : « Projet de papier-monnaie en raison de la pénurie de monnaie divisionnaire ».
Le Président : « Le Conseil avait décidé il y a 1 an, de créer des bons municipaux de 1 et 2 francs, qui devaient servir à procurer à la Ville des fonds pour les dépenses courantes dans lesquelles elle avait été entraînée par suite de l’état de guerre. L’émission de ces coupures n’a pas été autorisée, la Ville n’a pas donné suite au projet, mais les bons avaient été imprimés et préparés avec toutes les précautions voulues. Ils sont restés depuis dans les Archives de la Mairie. Depuis quelques temps, les commerçants, les industriels et les particuliers se plaignent de la pénurie de monnaie divisionnaire. Il y a, en effet, des gens qui croient être prudents en thésaurisant la monnaie blanche, à défaut de l’or, qui est versé dans les caisses de la Banque de France, de sorte que, malgré de grosses émissions de pièces blanches par la Banque, ces pièces disparaissent au lieu de rester en circulation. Pour conjurer cette crise, il paraît donc nécessaire d’en revenir à la monnaie de papier, qui ne sera pas l’objet de thésaurisation. M. le Préfet vient de solliciter du Gouvernement l’autorisation de mettre en circulation les bons que nous avions créés en septembre 1914.
Réponse du Ministre : … les opérations de l’espèce paraissent être plutôt du ressort des Chambres de Commerce et qu’il ne serait donné suite au projet qu’après le refus de la Chambre de Commerce de prendre elle-même la création des coupures. Il faudra alors déposer à la Banque de France des billets formant la contre valeur des coupures… Vous devrez fixer le point de départ du délai au-delà duquel les porteurs ne pourront pas obtenir le remboursement des bons. Un période de 5 ans constitue un minimum.
Réponse de la Chambre de Commerce : … Dès le mois d’août 1914, prévoyant le besoin de monnaie divisionnaire, nous avons voulu réaliser une émission de papier-monnaie. En 1870, une opération de ce genre avait été faite par la Ville de Troyes et la Chambre de Commerce réunies. Fin août 1914, vous songiez à faire émettre par la Ville de Troyes des coupures de papier-monnaie non gagées par le dépôt de leur valeur à la Banque de France. Votre désir était de procurer ainsi à notre Ville les fonds qui lui étaient alors nécessaires. Cette émission aurait été en même temps un emprunt. La Chambre de Commerce n’a pas cru devoir poursuivre seule son projet… L’émission, telle que vous l’aviez envisagée et pour laquelle vous aviez fait procéder à un tirage de bons de papier-monnaie, n’a pu se faire, l’autorisation gouvernementale n’ayant pas été obtenue. Aujourd’hui, nous ne pouvons que répéter que la Chambre de Commerce a reconnu l’utilité d’une opération de ce genre, que seul le désir manifesté au mois d’août par la Ville a mis obstacle à sa réalisation, qu’aujourd’hui elle souhaite vivement que les bons, préparés il y a 1 an par la Ville puissent être utilisés, parce que la question est urgente et que c’est le plus court moyen de la solutionner. Nous restons prêts à procéder seuls à l’émission, si la demande de la Ville n’est pas accueillie…
Réponse du Préfet :… à aucun moment la Chambre de Commerce n’a refusé de prendre elle-même l’initiative de la création des coupures… Veuillez vous mettre en rapport avec la Chambre de Commerce à l’effet de faire constater ce refus…
M. Lesaché : M. le Ministre n’a pas d’objection à formuler à l’émission de bons de monnaie par la Municipalité, mais il fait observer que c’est plutôt du ressort de la Chambre de Commerce… Comme la population a besoin d’une solution rapide de la crise de la monnaie… nos bons sont tout imprimés, de sorte que l’opération sera beaucoup plus rapide que si la Chambre de Commerce doit en faire imprimer de nouveaux.
Un conseiller : Il y a eu l’an dernier, quelques froissements entre la Chambre de Commerce et la Mairie. Ce désaccord semble persister aujourd’hui. Je crains que si nous persistons à vouloir émettre nos bons nous n’essuyions un refus. Il est préférable de demander à la Chambre de Commerce de s’associer à notre émission, parce qu’ils sont tout prêts, puis de faire une nouvelle émission soit seule, soit avec le concours de la Ville…
Un autre conseiller : En 1870, les bons ont été émis par la Ville et la Chambre de Commerce, il n’y a aucune raison de procéder aujourd’hui…
Un troisième conseiller : Je vois un délai fort long pour la création de nouvelles coupures par la Chambre de Commerce…
Un autre conseiller : Il n’y a pas d’autre solution que de reprendre les pourparlers avec la Chambre de Commerce, nous sommes sûrs d’aboutir.
Il est demandé au Président de montrer un exemplaire de ces bons.
Un conseiller fait remarquer qu’ils sont datés du 8 septembre 1914, et que leur émission a été autorisée par une délibération du 5 septembre 1914. Est-ce que l’on nous autorisera à nous en servir puisque antidaté d’un an ?
Un conseiller : Il est dit qu’ils seront remboursés après la guerre, et le ministre parle d’un remboursement dans 5 ans…
Le Président : Ces bons devaient être remboursés à la fin de la guerre au moyen des fonds produits par un emprunt, ils n’étaient garantis par aucun dépôt de fonds. Au contraire, dans le projet actuel, les bons seront garantis par un dépôt de billets de banque de la même valeur et ils seront remboursés à vue à la Banque de France.
Un conseiller : Un échec est probable si nous persistons à laisser à l’écart la Chambre de Commerce…
Un conseiller : Le conflit dont nous nous entretenons est plutôt de principe que de réalité. Je demande la nomination d’une Commission pour examiner les détails de la question…
Le Président : Il résulte que le Conseil est désireux que les bons de 1 et 2 francs soient créés le plus rapidement possible… Une Commission s’abouchera sans retard avec la Chambre de Commerce et fera un rapport dans une très prochaine séance du Conseil municipal.
Le rapport est approuvé à l’unanimité.
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