Entretenir des fortifications, les consolider, les améliorer, les moderniser est la principale préoccupation d’une ville forte. Les enceintes urbaines sont le résultat de l’effort considérable qui est demandé aux habitants pour leur sauvegarde. Par la contribution financière autant que par le travail à corvée, les remparts, symboles de fierté, appartiennent d’abord aux habitants. L’enceinte d’une ville, vue de l’extérieur reflète la volonté de la communauté entière de se protéger et surtout de se défendre contre tout agresseur.
Troyes, durant l’âge romain, est circonscrit dans un quadrilatère fort restreint, dont chaque côté est percé par une porte. C’est la forme que les Romains donnaient à leurs villes fortifiées (oppida). Les premières murailles ont pour éléments des débris d’édifices civils, religieux, même funéraires, employés confusément, comme si on avait agi sous la pression de quelque grand désastre imprévu, dont on veut empêcher le retour. Cela date de la dernière moitié du III° siècle. La première enceinte est défendue naturellement, par 2 cours d’eau : la rivière de Vienne et la fontaine de la Vacherie. Cette existence est constatée en 356, par la difficulté qu’éprouve l’empereur Julien pour s’en faire ouvrir les portes.
Une nouvelle ère de sécurité amène la négligence pour les moyens de défense. Aussi, vers 888, à l’approche d’une nouvelle invasion des Barbares, les citoyens ne trouvent de salut que dans la fuite. Quand ils reviennent dans leur ville désolée par les Normands, leur premier soin est de relever et fortifier leurs murs, pour se mettre à l’abri de nouveaux malheurs. Ainsi, furent-ils en mesure, en octobre 959, de soutenir avec succès un long siège contre l’évêque Ansegise et une armée de Saxons qu’il avait pour auxiliaire.
L’histoire de la fortification de la ville de Troyes commence au XII° siècle et se termine à la fin du XVI°. Pendant 5 siècles, la ville ne cesse de se fortifier. C’est durant la période des XII° et XIII° s. que se forme peu à peu l’enceinte de la ville dont le tracé prend la forme particulière dite en « bouchon de champagne », que nous connaissons encore aujourd’hui.
Thibault II, dit le Grand exécute une entreprise digne d’un souverain, en entourant de fossés et de remparts continus la ville, forçant la Seine, par des moyens artificiels, de venir couler dans ces fossés, ce qui procure le double avantage de favoriser l’exercice de plusieurs industries, et d’obtenir un moyen de défense contre des attaques extérieures.
Sous Thibault III, l’enceinte, du côté nord, ne dépasse pas le cours d’eau venant de Jallard et passant par le pont aux Cailles.
Au commencement du XIII° siècle, Thibault IV coupe les vignes et les jardins de Saint-Martin-ès-Aires, pour établir la nouvelle enceinte. Ce comte, prince guerroyant, ne veut pas laisser plusieurs quartiers de la Cité en dehors du système de protection, assurant ainsi à la partie nord de l’enceinte la forme circulaire bien plus facile à défendre. Cet état de chose dure près d’un siècle, pendant lequel aucun besoin d’une défense plus complète ne se fait sentir.
Il n’en est pas de même au XIV° siècle, où la guerre malheureuse qui ouvre la porte aux Anglais, la captivité du roi Jean, les excès de tous genres auxquels se livrent les chefs de parti, qui souvent n’ont d’autre bannière que celle du pillage, force la ville à pourvoir à sa sûreté. En 1344, le bailli de Troyes, ému des incursions des partis ennemis qui menacent la ville, ordonne d’élargir les anciens fossés et de les palissader. C’est au cours de ce siècle que la ville parfait son système défensif par la construction de nombreuses tours et tours-portes. Dans les dernières années du XIV° s., les palissades sont remplacées à leur tour par une enceinte continue de murailles flanquées de tours en pierre, au nombre de plus de 80. C’est aussi à cette période de terreur et d’expédients, qu’existe l’ouvrage avancé connu sous le nom de Faux Fossés, dont la ligne, à environ 1 km de la ville la couvre dans la partie où elle est dominée par la campagne.
Nous voyons, en 1380, une armée anglaise de 30.000 hommes, commandés par le duc de Bukingham, ne pas oser attaquer la ville, bien que maîtresse de la campagne, malgré les provocations de la garnison.
Jusqu’au XV° s., la ville se fortifie sans plan d’ensemble. On y construit encore des tours. Des moineaux (sortes de chambres casematées installées au bas du mur d’escarpe pour permettre le tir dans le fond des fossés) de bois ou de pierre sont construits au pied des remparts pour défendre les fossés, et avant 1450, déjà 6 boulevards de terre et de bois sont en place, dont 5 défendent les portes de la ville. Mais les habitants sans cesse menacés par les guerres, obligés de se protéger contre une artillerie de plus en plus efficace, revoient la défense de la ville et restructurent les ouvrages de l’enceinte fortifiée.
La première moitié du XVI° siècle est une période marquante dans l’histoire de la fortification de la ville de Troyes : cette période très active bouleverse l’organisation de son système défensif.
Le XVI° s. est celui qui apporte le plus de transformations dans l’aspect de l’enceinte fortifiée. C’est le siècle de la modernisation. Ainsi, au cours de ce siècle, les moineaux disparaissent et plusieurs tours sont démolies, remplacées par de nouvelles constructions appelées plates-formes, édifiées sur le massif du rempart. Les pièces d’artillerie montées sur ces ouvrages assurent une meilleure défense en couvrant les remparts et les portes de leurs feux croisés. Troyes devient véritablement une place forte. Des bruits de guerre sont annoncés en 1536 : le boulevard de la porte Saint-Jacques est à nouveau renforcé et on édifie la plate-forme des Cordeliers. En 1544, craignant un siège par l’armée de Charles Quint, la ville déploie une intense activité de fortification. Le boulevard de la Planche-Clément est construit ainsi que la plate-forme de la Tannerie. Tous les autres ouvrages sont réparés, renforcés ou fortifiés.
La position de la Champagne comme province frontière veut que la ville de Troyes reste une place forte. François 1er dit que « Troyes qui est capitale et principale ville de notre pays de Champagne est plus requise que nulle autre dudit pays d’être bien fortifiée et mise en bonne sûreté et défense ».
Le XVII° s. est une époque de changement, du fait que la ville de Troyes ne se fortifie pas et ne se fortifiera plus. C’est l’aménagement des mails autour des fossés de la ville en promenades ombragées.
Au XVIII° s., les plates-formes ont presque disparu.
Au début du XIX° s., la ceinture des remparts apparaît très dégradée et les fossés sont mal entretenus. Les municipalités procèdent à l’entière destruction des derniers témoins de la fortification de notre ville.
L’été 1988, le Musée des Beaux Arts a consacré une exposition à l’iconographie des fortifications de Troyes : tableaux, dessins, gravures, photographies…
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