Aujourd’hui, en 2020, on se plaint de notre vie ! Comparons-la avec celle d’il y a moins de 130 ans, à Troyes.
La famille ouvrière traverse 2 périodes difficiles : la première se situe dans les premiers temps du mariage, alors que l’homme doit subvenir seul aux besoins du ménage. La femme, fatiguée par ses grossesses, élève son enfant jusqu’au moment où elle peut le mettre en nourrice dans les communes environnant Troyes.
L’autre période de dénuement, se situe au soir de la vie. La vigueur de l’homme diminue dès 45 ans. Les enfants devenus adultes quittent le foyer familial, après avoir commencé à faire bourse à part avant de s’établir, et le couple se retrouve comme il a commencé.
Alors qu’autrefois la plupart des femmes vaquaient à l’entretien de leur ménage en élevant leurs enfants et trouvaient du travail chez elles dans leurs moments de loisirs, ces travaux vont se faire ensuite presqu’ exclusivement à l’usine : « mari, enfants, intérieur, tout est sacrifié à l’usine ».
Quand la mère est obligée de déserter le foyer pour l’usine, souvent c’est l’enfant de 6 à 8 ans qui fait la mère de famille et soigne ses frères et sœurs.
A 13 ans, les jeunes filles sortent de classe pour entrer à l’usine sans aucune éducation ménagère. Dès qu’elles ont des enfants, elles préfèrent les confier à des étrangers, dont les frais s’imputent sur une partie de leur salaire.
Pour encourager les mères à élever leurs enfants, l’usine Vitoux, prend l’hiver, les bébés à domicile, pour les conduire à la crèche et leur éviter le froid.
Afin d’arriver à l’atelier à 6 h 30 et quelquefois plus tôt, il faut se lever à 5 heures, faire la toilette des enfants, les porter à la crèche, puis arriver à l’heure, afin d’éviter l’amende sanctionnant tout retard.
A midi, la mère court déjeuner chez elle où rien n’est prêt, après être passée rapidement chez l’épicier, le charcutier, le boulanger « acheter tout très cher ». A 12 h 30 on se met à table, et à 13 h, c’est le retour des enfants à l’école et des parents à l’usine
L’atelier ferme à 19 h et tout le monde est rentré à 19 h 30 au foyer familial, où la femme prépare le dîner, fait les lits, s’adonne aux travaux de couture les plus urgents et prépare quelquefois à manger pour le lendemain. A 22 h, elle est encore occupée, ce qui représente pour elle des journées de 16 à 17 heures.
Le dimanche, s’il est un jour de repos chez lez hommes, il ne l’est pas pour les femmes qui effectuent le grand nettoyage du logement, le lavage du linge du mari et des enfants.
Pour éviter la routine de cette vie et faire diversion, l’homme s’intéresse à la politique et fréquente les cabarets.
Les couples illégitimes sont nombreux, mais l’ouvrier ne voit dans le mariage que la perspective des ennuis, des enfants, des malades…
Le défaut d’éducation des jeunes filles pour en faire des épouses et des mères, est à l’origine du fait qu’elles se marient de moins en moins et de l’augmentation des naissances illégitimes.
Bien que le temps de travail des parents et des enfants ne soit pas le même, leur temps de présence à l’atelier est souvent identique, car la fin de la journée de ceux-ci ne coïncide pas avec celle de leurs parents, qui est beaucoup plus longue et les oblige à les attendre pour ne pas regagner seuls un domicile familial sans feu, où personne n’est là pour les accueillir.
On ne peut donc être surpris que la plupart des jeunes ouvriers soient maigres, chétifs et de petite taille. Le tableau statistique du contingent classe 1850, pour le service militaire, fait apparaître 205 qui sont exemptés sur 1275 appelés, pour des motifs relevant de leur mauvaise santé, de leurs infirmités ou de leurs petites tailles. Sur les 2054 appelés de la classe 1853, 715 sont exemptés pour infirmités. Pour la classe 1861, les exemptés sont de 271 sur 2055 appelés, ce qui dénote une amélioration de la santé.
La longévité de la classe ouvrière se remarque surtout dans les campagnes, où l’habitat s’est considérablement amélioré, où les toits de chaume ont disparu et sont remplacés par des couvertures en tuiles. Les maisons sont pourvues de larges fenêtres et les planchers ont remplacé les carrelages. C’est en campagne où l’on rencontre le plus de vieillards : 700 pour une population de 38.000 habitants. On comprend d’autant mieux les hésitations des ouvriers ruraux à venir en ville, s’installer dans les taudis exigus du Quartier Bas (voir Troyes et les taudis), susceptibles de leur servir de logement.
L’ouvrier s’alimente dans la journée à 4 reprises : avant de partir, il prend un petit déjeuner qui comporte une soupe, puis entre 8 h et 8 h 30, à l’occasion d’une pause, il mange un morceau de pain, à midi un repas appelé dîner, qui, selon les circonstances comporte œuf, laitue ou poisson, puis à la fin de la journée un souper.
La famille est généralement composée du couple et de 2 enfants légitimes ou naturels.
La nécessité pour la mère de compléter le budget familial par le salaire de son travail en usine, entraîne le placement des enfants dès leur naissance dans les villages voisins.
L’enfant entre à l’âge de 10 ans à la filature de coton où travaille son père, et où ses enfants deviendront fileurs comme lui. Il est généralement titulaire du certificat d’études depuis la loi du 28 mai 1882.
Les cours du soir pour adultes sont assez suivis, au terme d’une journée de travail de 12 heures, débutant à 6 h l’été et à 7 h l’hiver. L’activité de l’ouvrier se poursuit jusqu’à l’âge de 60 ou 65 ans.
Son patron respecte son indépendance politique et religieuse.
Pour son logement il dispose d’une chambre et de 2 petites pièces de 3 m² en moyenne, hébergeant les parents et les enfants, pour lesquels il paye un loyer de 180 à 200 f par an.
Dans la famille de l’ouvrier mécanicien, l’enfant fréquente l’école jusqu’à l’âge de 12 ans et entre en apprentissage au pair. Ceux qui n’ont pas encore de certificat d’études continuent d’aller à l’école 2 ou 3 h par jour.
La loi du 22 février 1851 interdisant l’emploi des apprentis à des travaux insalubres ou nocturnes, et limitant à 12 h la durée effective de travail dans la journée, n’est pas respectée dans les usines de Troyes.
A 18 ans, le jeune apprenti devient ouvrier au salaire de 2,50 f par jour, et travaille 300 jours par an jusqu’à 55 ans.
Dès le début de la journée, beaucoup d’ouvriers passent au cabaret pendre un verre de vin blanc, c’est ce que l’on appelle « tuer le ver ». Ils y vont souvent en groupe et chacun paye à son tour une tournée.
Chaque village a son débit de boisson, et on en dénombre jusqu’à 1 pour 51 habitants dans l’arrondissement de Nogent-sur-Seine, alors que la moyenne nationale est de 1 pour 71 habitants. Pour tenter de contenir ces excès, la loi du 29 décembre 1851 subordonne à autorisation administrative l’ouverture de tout café, cabaret ou débit de boisson et prévoit la fermeture de tout cabaret dangereux pour la sécurité publique. Mais beaucoup de cafés en campagne bénéficient de la mansuétude du maire et du garde-champêtre et demeurent ouverts bien que n’ayant jamais été autorisés. A Bar-sur-Aube, le cabaret absorbe plus de la moitié du salaire de l’ouvrier.
En 2020, les maires font tout ce qu’ils peuvent pour qu’un café rouvre dans leur village !
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