Je ne peux que dédier ce chapitre à Danièle Boeglin, présidente du SDEDA (Syndicat départemental d’élimination des déchets de l’Aube), qui a réussi, 110 ans après les premières études, avec opiniâtreté, ayant eu elle aussi à subir les mêmes raisons des opposants, à concrétiser cet important projet pour le Grand Troyes et l’Aube.
Dans le chapitre précédent, parlant de la création d’un incinérateur de déchets ménagers ayant eu le feu vert en 2018, j’avais rappelé que ce projet avait déjà fait couler beaucoup d’encre en 1934.
Vous lirez ci-dessous que cela avait déjà été à l’ordre du jour du Conseil municipal depuis 1910.
Voici quelques extraits très intéressants de ces délibérations, lors du conseil du 24 juillet 1925. Ce rapport contient 29 pages ! Avec la réponse à tous les détracteurs.
C’est le maire, Emile-Charles Clévy, ouvrier bonnetier, secrétaire de la fédération socialiste de l’Aube qui se fait le défenseur de ce projet, avec quelques rappels :
« … En 1910, suite à la délibération de la Commission Sanitaire et du Conseil Départemental d’Hygiène, consécutive à une demande d’autorisation de dépôt d’ordures ménagères à La Chapelle-Saint-Luc, le Conseil municipal met la question à l’étude… Une délégation va en février 1912, visiter les usines d’incinération de Rouen et du Havre… Quant aux odeurs que pourrait donner la cheminée de l’usine et auxquelles on est appelé à penser tout naturellement, la combustion est tellement complète, qu’il n’en existe pas. Ce facteur a été considéré comme étant de la plus haute importance. Il présente, en effet, le très gros avantage de permettre l’installation de ces usines presque au centre de la ville, d’où grande économie dans la collecte, les tombereaux n’étant pas obligés de faire plusieurs kilomètres pour aller conduire les immondices, comme en ce moment, hors de la ville. A Cologne, l’usine est entre la gare et la cathédrale, à Bruxelles, dans un faubourg de la ville, à Barrow in Furness, en Angleterre, à côté d’une école. Le prix de construction de l’usine était évalué à 260.000 francs. Une Commission de 7 membres est nommée pour étudier la construction de l’usine, dont le principe est admis, mais le mandat du Conseil ayant expiré en mai suivant, aucun projet ne put être adopté.
Dès son élection, le nouveau Conseil municipal, dont faisait partie un certain nombre d’anciens Conseillers, reprend l’étude. Pour s’entourer d’une documentation plus complète, il désigne une nouvelle délégation qui va, en février 1913, visiter les usines du Havre et de Saint-Gilles-les-Bruxelles. Un nouveau rapport, encore plus documenté, est établi et distribué aux Conseillers municipaux, mais la guerre arrive sans qu’il ait été donné suite à la question…
L’enlèvement des ordures ménagères directement par les Services municipaux est le seul moyen d’avoir un service régulier, bien fait et ne donnant lieu à aucune critique, en estimant que l’incinération est le seul moyen de se débarrasser d’une façon certaine, rapide et hygiénique, des ordures ménagères qui sont, par elles-mêmes, une source éventuelle de maladies contagieuses. C’est pourquoi j’ai demandé au conseil municipal de prendre des solutions, permettant ainsi d’arriver aussi rapidement que possible à une réalisation de cette usine. Le 24 mai 1923, le Conseil décide de mettre le projet au concours, et cherche à résoudre la question primordiale de l’emplacement, puisque le principe de l’usine même n’a jamais été discuté.
Depuis les rapports de 1912 et 1913, de nouveaux perfectionnements ont été apportés dans la construction des fours. De nombreuses villes, surtout à l’étranger sont en plein centre de l’agglomération et l’on ne s’en plaint pas. La Municipalité de 1908-1912 avait décidé d’acheter la propriété Decesse, rue des Jardins et des Clos-le-Roi, pour y construire son usine d’incinération. En 1922 la Commission de la Voirie avait projeté la construction de cette usine dans le quartier des Charmilles, où il aurait été possible d’utiliser la chaleur produite pour faire fonctionner un établissement de bains-douches avec piscine, et ce fut le quartier des Tauxelles qui a été choisi. Mais en mai juin 1924, les protestations, appuyées, pour des motifs d’ordre électoral (on était à une époque peu éloignée des élections municipales) par certains journaux locaux, ont été tellement violents que, par délibération du 28 juin, le Conseil municipal a renoncé aux Tauxelles et a décidé d’installer l’usine dans les terrains de Barberey acquis par la Ville pour la station d’épuration des eaux d’égouts… Il est impossible de lutter contre les idées préconçues, seule la démonstration par l’expérience de l’inanité de leurs craintes, pourra convaincre les opposants… Il y a nécessité de construire une usine d’incinération pour nous débarrasser avec toute certitude pour l’avenir, d’une façon rapide et hygiénique, des ordures ménagères produites journellement par les habitants, tous autres procédés offrant des aléas certains… Je vous demande que la construction de cette usine soit déclarée d’utilité publique… ».
Le débat est ouvert et beaucoup de conseillers avancent des raisons pour s’opposer au projet, auxquels le Maire répond, point par point : « On ne peut rien faire à Troyes sans soulever de nombreuses protestations… dans quelques années on citera notre ville en exemple pour notre usine d’incinération ».
Un conseiller demande qu’une nouvelle délégation aille jusqu’à Monaco, 5 conseillers proposent des emplacements différents, puis le Maire déclare (après plusieurs heures de débat) la discussion close, et il met aux voix ses propositions.
Elles sont adoptées à l’unanimité des 28 membres présents, seul 1 conseiller vote contre ! ! ! !
Bon courage Danièle Boeglin !
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