Des lettres-patentes données à Fontainebleau par le roi Charles IX en février 1564 ont créé la juridiction consulaire de Troyes sur le modèle de celle de Paris. Le roi préparait sa venue du 23 mars. Aux Archives, on trouve mention de l’élection des premiers juges-consuls du 15 au 17 mai 1564, puis, la relation de leurs assemblées, dès le 30 mai, et de leurs prestations de serments. Les premiers conflits des juges marchands avec les juridictions déjà établies témoignent de l’importance qu’ils avaient acquise dès le début : le 14 décembre 1564, les officiers de justice de Langres se méfient de ceux de Troyes. Le roi, en 1566, doit défendre nos juges-consuls contre le bailli et le prévôt de Troyes. Cette même année, Orléans décide de copier la Juridiction consulaire de Troyes. Nos consuls s’organisent, ils achètent un auditoire, et convoquent 50 marchands pour régler cette question, le 15 avril 1569. En attendant, ils sont locataires de la maison de la « Samaritaine », dont on voit le pignon rue Moyenne (rue Urbain IV), sur une gravure montrant Saint-Jean.
La juridiction consulaire se composait essentiellement d’un juge et de 2 consuls élus chaque année par 50 marchands. Ceux-ci étaient, en 1564, prévenus par l’échevinage et ensuite, dès 1566, par la juridiction consulaire elle-même. Les délégués consulaires entendaient à l’église Saint-Jean-au-Marché, le mardi précédent la Pentecôte, la messe du Saint-Esprit et se réunissaient à 7 heures à l’auditoire, sous la présidence des juges consulaires et en présence du maire et des échevins. Les électeurs étaient appelés nominativement et les absents non excusés étaient frappés d’une amende et remplacés immédiatement par d’autres marchands choisis dans l’assistance. Les électeurs prêtaient serment, puis désignaient 25 d’entre eux qui prêtaient serment de nouveau et nommaient au scrutin secret le juge et les 2 consuls. L’usage s’établit rapidement de ne choisir comme juge que d’anciens consuls après un délai d’au moins 1 an entre la fin de leur charge de consul et celle de juge. L’exercice des charges n’était que de 1 an, sans réélection possible. En cas d’absence, le tribunal était complété par un ancien consul. A partir de 1673, la limite d’âge était fixée à 27 ans pour les consuls et à 40 ans pour le juge. Les magistrats consulaires venaient immédiatement après l’échevinage dans les cérémonies, du côté gauche, alors que les juges royaux tenaient le côté droit. Dans sa salle d’audience, le tribunal de Troyes conserve le tableau de tous les juges depuis sa création et, à partir de 1579, le tableau contient aussi le nom du procureur syndic. La durée de la charge de ce dernier était de 2 ans en moyenne. Il était choisi parmi les marchands et élu en même temps que les juges consulaires. Il remplissait le rôle du ministère public, représentait les droits des créanciers et l’intérêt des absents dans les affaires de faillites qui étaient à cette époque- là du ressort des tribunaux de commerce. Il exerçait la police des audiences, percevait les taxes et amendes, réglait les dépenses de la juridiction et la défendait contre les entreprises des juges ordinaires. Il était en même temps syndic de la communauté des marchands dont il soutenait les droits en justice. Comme on le voit, la charge de procureur était difficile et peu rémunératrice et on le remplaça vers 1754 par le plus ancien des agrégés, appelé procureur postulant. Ceux-ci n’eurent au début qu’une existence de fait car l’édit de création de la juridiction consulaire prescrivait aux parties de plaider en personne, sans le ministère d’un procureur, et cette latitude fut renouvelée par l’ordonnance de Colbert de mars 1673. Mais, peu à peu, l’utilité manifeste des agrégés, leur rôle important dans les faillites et les arrangements, les conseils judicieux qu’ils pouvaient donner, amenèrent la continuité de leur existence et, en 1757, il en existait à Troyes, 2 ou 3 en permanence. Dès l’origine, les juges ordinaires essayèrent d’entraver le fonctionnement de la juridiction consulaire, en interdisant aux sergents de procéder pour elle. Les marchands de Troyes répondirent en demandant à être autorisés à nommer 4 appariteurs pour exécuter leurs sentences. Le roi ne leur accorda pas cette permission, mais il enjoignit aux juges ordinaires de ne pas troubler l’exécution des sentences des juges consulaires. Ce n’est qu’au XVII° siècle qu’apparaissent les huissiers audienciers spéciaux pour la juridiction.
Le décret du 16-24 août 1790 remplace les juges consuls par les tribunaux de commerce et règle leur organisation. La première audience de Troyes eut lieu le 15 novembre 1791. Le tribunal comportait à ce moment-là un président et 4 juges. Le Code de commerce devint applicable à partir du 1er janvier 1808 à nos tribunaux dont la compétence fut alors étendue aux faillites. Le décret du 6 octobre 1809, qui réorganisa à nouveau les tribunaux de commerce, fixa la composition du tribunal de Troyes à 1 président, 6 juges titulaires et 6 juges suppléants et, depuis le 1er mars 1959, les arrondissements de Bar-sur-Seine, Nogent-sur-Seine et Bar-sur-Aube lui ayant été rattachés, il a juridiction sur le département de l’Aube en entier. Il n’y a que 16 départements français qui ont un tribunal à compétence départementale.
La juridiction consulaire siégea d’abord rue Moyenne, dans une maison qui portait comme enseigne « Le Las d’Amour » (le lacet d’amour), ou de « La Samaritaine », dont elle n’était que locataire, 59 rue urbain IV. En 1575, cet auditoire était installé dans une maison située dans la cour de l’Hôtel de Ville. Quand la construction de l’Hôtel de Ville fut terminée en 1673, la ville procéda à la démolition de l’auditoire et, en échange, concéda au tribunal 2 salles du rez-de-chaussée, à gauche du porche en entrant, qui sont maintenant la salle d’attente de la salle des mariages. A la Révolution, le tribunal fut établi en 1791 au Palais des Comtes de Champagne, puis il revint à la mairie en 1796 et n’en partit que le 9 août 1886 pour occuper place de l’Etape au vin (place Audiffred), l’hôtel de la Chambre de Commerce et de l’industrie qui fut construit en 1767, par Jacques Camusat, bourgeois troyen et colonel de la milice bourgeoise.
Financées par les municipalités, puis par les conseils généraux, les juridictions consulaires ont été dans toutes les circonstances soutenues par eux. Le travail qu’elles ont pu fournir a été très constructif. Par la connaissance qu’elles ont des difficultés des commerçants et industriels, ces institutions ont contribué de plus en plus efficacement à la moralisation du commerce, parvenant à éliminer les incapables, à guider les commerçants en difficulté et à éviter dans la cité les remous économiques et sociaux et contribuent à la stabilité et à l’épanouissement du commerce et de l’industrie.
A l’occasion du IV° centenaire de sa création, le Tribunal de Commerce de Troyes a reçu le 12 octobre 1964 le Ministre de la Justice Jean Foyer.
La ville de Troyes a compté de nombreux juristes éminents, et elle a donné leur nom à plusieurs rues, à commencer par les ministres de la justice, c’est-à-dire les chanceliers de France, tels : Guillaume Jouvenel (Juvénal des Ursins, 1401-1472), qui a son portrait au Louvre, Chancelier en 1445. Henri IV, lors de son abjuration, fut soutenu par notre Edouard Molé, Président au Parlement (1540-1614), son fils Mathieu Molé (1584-1656), fut garde des sceaux en 1651. Il joua un grand rôle pendant la Fronde. Louis Boucherat (1619-1699), chancelier en 1685, qui dut appliquer la révocation de l’Edit de Nantes. Pierre Pithou, avocat, fut procureur au Parlement, son frère François, avocat au Parlement. Puis, Jean Rochette (1560-1640) qui a écrit « Commentaires sur la coutume du bailliage de Troyes », Louis Le Grand auteur du traité des « Restitutions), l’avocat Grosley… Certains ont aussi illustré notre pays, comme le Cardinal Pierre de Chappes, dont la baronnie était à 20 kms de Troyes. L’Aube a fourni à Louis XIV 2 Garde des Sceaux, Mathieu Molé, 2 fois chancelier et membre de l’Académie Française, puis Louis Boucherat, chancelier en 1685, et Danton, né à Arcis-sur-Aube, qui fut également Ministre de la Justice après le 10 août 1792.
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