Quand vous vous promenez aujourd’hui dans nos forêts auboises, pour cueillir jonquilles, muguet, champignons, fraises des bois ou tout simplement prendre l’air, vous ne vous doutez pas que des drames se sont déroulés dans ces mêmes bois, il n’y a pas si longtemps !
Il
peut vous arriver de voir s’enfuir un chevreuil, un renard ou un écureuil, mais savez-vous que vos ancêtres avaient peur de rencontrer les
loups ?
En 1341, les louvetiers du bailliage de Troyes présentent 571 loups vivants et, pendant l’été, 18 morts. Pour les encourager à détruire les loups, ils reçoivent 5 sous par bête vivante et 1 sou par bête morte.
L’été 1713, des loups chassés par la faim se répandent dans nos faubourgs et dévorent plusieurs enfants.
Je lis dans un registre de la paroisse de Laines-aux-bois : « Drame affreux. Hier, 29 juillet l’an 1732, furent enterrés au cimetière, la tête, 1 bras et 1 jambe de Jeanne Lhermitte, âgée de 9 ans. Tout le reste du corps fut hier dévoré et mangé par un loup vers les 8 heures du soir ».
Les documents conservés aux Archives départementales de l’Aube font état de primes de destructions versées. Il en résulte que, de 1768 à 1774, c’est-à-dire en 7 ans, il a été détruit officiellement : 2.093 loups et louves, 893 louveteaux, soit 2986 bêtes dans la Forêt d’Othe, Saint-Mards, Maraye, Chamoy, Saint-Phal, Vauchassis, Chennegy, Javernant, Bouilly, Prugny, Laines-aux-Bois, Javernant, Montgueux, Messon, Le Mesnil-Saint-Loup, Planty, Villadin, Rigny, Estissac, et dans le massif d’Aumont, Montchevreuil, Villebertin, Cormost, Rumilly, Fouchères, La Vendue-Mignot, Saint-Parres.
La région de Coclois, Montsuzain, Plancy, Arcis, Villacerf, Barberey vit aussi des loups s’aventurer, et encore, ne sont cités que les principaux villages puisque, spectaculairement, on trouve 2 bêtes tuées à Troyes, faubourg Saint-Jacques et aux Tauxelles, qui s’y étaient fourvoyées, poussées par la faim ou plutôt la rage. En effet, il semble que les loups n’ont guère attaqué l’homme que sous l’impulsion de cette terrible épizootie.
Malheureusement, des blessures étaient infligées aux populations, et des morts s’ensuivaient.
Le subdélégué Paillot, bien entendu, avisait sur le champ l’intendant de Châlons, et prenait les mesures nécessaires, les dossiers en témoignent. Des médecins étaient envoyés sur les lieux, les secours en médicaments prescrits par eux, secours en nature aussi pour les nécessiteux, le tout transmis et distribué par les curés la plupart du temps.
De leur côté, les lieutenants de louveterie organisaient des battues.
Les curés de Villadin et du Mesnil-Saint-Loup, Antoine Voisin et Louis Bonnaire, adressèrent une supplique à l’évêque de Troyes : « Monseigneur, représentent humblement à Votre Grandeur les Curés de Villadin et du Mesnil-Saint-Loup que, le 27 septembre 1774, il est arrivé dans leurs paroisses le plus grand de tous les malheurs par un loup enragé qui a blessé 22 personnes dont 9 sont mortes. Comme ces 2 curés ont exposé leur vie pour soulager ces malheureux en leur procurant les secours spirituels et temporels, notamment celui de Villadin qui les a pansés 3 jours, ils représentent à Votre Grandeur qu’ils méritent l’attention du Ministre, leurs cures sont très modestes : 500 livres à Villadin et le curé âgé de 66 ans fut attaqué dans les bois par un loup qu'il tua heureusement, car le loup est venu directement sur lui. Ils espèrent que Votre Grandeur aura la bonté de faire connaître au Ministre leur zèle et les services qu’ils ont rendus à ces malheureux… Ils ne cesseront de faire des vœux au Ciel pour la conservation de Votre Grandeur »
En
décembre 1774, l'hiver très rigoureux pousse les loups à rôder autour des villages. Le 27 décembre, un loup s'en prend au charron d'Estissac Jean Verger. Après un terrible corps à corps, le
courageux jeune homme parvient à maîtriser la bête, qui, finalement sera achevée d'un coup de couteau par "le garçon boucher". Mais, il y a eu 23 victimes qui contractèrent la rage. Le premier
décès est survenu le 16 janvier 1775. Malgré les soins, Jean Verger décède le 27 janvier. Le 31 janvier, une grande chasse est organisée dans les bois aux alentours: 4 loups sont tués et 2
autres blessés. La population s'est souvenue de la bravoure de Jean Verger face à une louve enragée, et a apposé une plaque sur l'église Saint Liébault (ancien nom
d'Estissac).
L’intendant de Châlons avait alerté le ministère, et le roi avait rendu une ordonnance, en date du 24 février 1775, commettant le premier lieutenant de louveterie de France, M. de Moncel, pour prendre en main l’organisation de battues dans les zones infestées.
Les loups envahissent les habitations rurales, il faut leur faire une guerre acharnée pour les mettre en fuite
Dès que des personnes sont blessées par ces bêtes, la mort s’ensuit, en raison de la
rage.
Pour leur part, les habitants des régions en cause multiplient les prières pour se voir épargnés. Certains, comme le dit un rapport du sieur Bonjour, lieutenant de la Grande Louveterie, du 28 février 1775, se groupaient et partaient à pied, en pèlerinage à saint Hubert.
Le rapport du médecin Thiesset récapitule les blessés et les morts.
Au rapport du curé Voisin, 22 personnes dans sa région furent blessées et 9 moururent des suites.
Le Mesnil-Saint-Loup, le 27 décembre 1774, Edme Paulin et son fils sont morts de la rage. Paulin laissait 5 enfants. Le propre fils de Paulin, atteint de la rage, s’est enfui dans les champs, et le médecin Thiesset a dû le poursuivre et le rapporter sur ses épaules.
Le nommé Claude Laneret est mort furieux, après 4 jours d’accès. Son frère Jean a dû être lié et mourut le 3 juin.
Pierre Bécard, Reine Bourgis, Jacques Huguenot et Jean Lhuillier sont morts, ce dernier laissant 7 jeunes enfants.
Villadin : Jacques Adrien, mort, laissant 5 enfants et sa veuve dans la misère.
Claude Vincent, berger, mort. Le médecin a dû l’ensevelir, personne n’ayant voulu toucher le corps.
Faux-Villecerf : Pierre Bourgin, Jean Verger, morts.
Dierrey : le sieur Dauphin, chirurgien, a eu le malheur d’être mordu par un loup blessé enragé, mais sans suites graves.
On cite certains habitants qui, attaqués, ont fait face courageusement. Un rapport du subdélégué cite le cas d’un garçon à Estissac qui, blessé au visage, a terrassé la bête et l’a tuée à coups de couteau.
Le Père Voisin cite le cas du berger de son village, attaqué et qui a eu le bras et le corps très blessés, mais son père, étant accouru, a tué le loup à coups de serpe.
A Rumilly-les-Vaudes, le jardinier Matin a pris un loup au piège. Le loup s’est jeté sur lui, furieux, et l’aurait dévoré sans l’intervention rapide des nommés Lane et Droit, qui ont tué la bête à grands coups de pioche. Cette bête ouverte, on s’aperçut qu’elle portait 7 louveteaux.
Tous ces tristes événements ont bouleversé les bourgs et villages de notre région, mobilisé les autorités, les louvetiers, la maréchaussée et les populations concernées, qu’elles soient victimes ou requises pour prêter main-forte, puisque l’Ordonnance du roi, de Versailles 1775, enjoignait aux louvetiers de les requérir sous peine de sanctions pénales.
C’est en forêt de Beaumont (voir ce chapitre) que les derniers couples de loups furent vus et tirés à la fin du XIX° siècle.
Vous trouverez la photo ci-dessous prise la nuit du 7 au 8 septembre 2013 dans notre région, où depuis plusieurs mois, des moutons sont dévorés. Attendons la suite . . .
Fin janvier 2014, un loup a été tué par balle près de Mailly-le-Camp. L'auteur risque une forte amende.
En juin et juillet 2018, un éleveur d'Etourvy est victime de 2 attaques de ses troupeaux d'ovins. Des analyses génétiques confirment que le prédateur est bien un loup !
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