Beaucoup de troyens ont oublié, devant le charme de notre ville rénovée, le drame des taudis qui, en plein centre ville, marqua profondément une partie de la population.
Le Quartier-Bas a mauvaise réputation. Encore en 1955, la Ville fait murer les fenêtres des maison étant insalubres, mais cela n’empêche pas qu’elles sont squattées et remplies d’enfants.
Pendant longtemps, de petits rus qui se jetaient dans la Seine, coulaient à ciel ouvert et servaient d’égout (on y déversait les ordures, les waters étaient au dessus…).
L’inventaire fait en 1926, à la demande de la municipalité est éloquent : plus de 35 rues sont déclarées insalubres ! Progression de la morbidité : 23 % !
Les maisons sont délabrées, sans eau, sans tout-à-l’égout, souvent sans électricité. Elles sont le logement des plus démunis : personnes âgées sans ressources, familles nombreuses n’ayant pas droit aux HLM car elles ont plus de 5 enfants, gens pauvres jugés indésirables, anciens bagnards et leur famille… Tous vivent dans ces pièces en ruine, deviennent exclus, et très souvent malades.
Troyes capitale de la bonneterie emploie plus de 25.000 femmes à cette époque (deuxième ville de France pour le travail des femmes). Les mineurs en danger et la délinquance juvénile sont alors un des plus forts pourcentages nationaux. L’immoralité de certains ateliers est particulièrement néfaste pour les jeunes filles, elles sont la proie des proxénètes. A cette époque, Troyes se situe première ville de France, pour la prostitution, après Paris. Il y a plus de 4.000 jeunes filles en danger.
D’autre part, Troyes a été retenue pour recevoir les interdits de séjour de Paris et de l’Est de la France. Anciens bagnards, assassins, objets de lourdes condamnations, ont le droit d’y séjourner après avoir purgé leur peine. Une cinquantaine de ces individus arrivaient tous les mois à Troyes.
Il y a en 1938, un asile de nuit là où se trouve Monoprix. Il s’appelle le " Pou qui saute ", et est tenu par un taulier et son chien. Les trimards peuvent y dormir " à la corde ", pour 5 sous. La corde fait le tour de la pièce et est passée à chaque angle dans de gros anneaux. Des bancs contre le mur permettent aux hommes de s’asseoir, et ils appuient leurs bras et leur tête sur la corde pour dormir. Le matin, le taulier défait le nœud, tous les dormeurs tombent par terre et, réveillés, s’en vont. Pour 10 sous, on peut dormir au premier sur la paille, et pour le double, avec une fille.
Henri Terré, Maire de Troyes depuis la Libération donne une impulsion considérable pour l’assainissement. Il met à la disposition de la population 8.000 logements neufs pour remplacer les quartiers de taudis irrécupérables qu’il est obligé de démolir. A l’intérieur du Bouchon de Champagne, plus de 1.000 logements sont catalogués taudis. Les pièces sont exiguës, les matelas posés à même le sol et toute la famille y dort. La pudeur et l’intimité ne peuvent être respectées.
Maire-adjoint, j’ai reçu en 1980, une jeune femme venue me demander de l’aider. Elle avait 5 enfants, mais comme elle dormait sur des matelas par terre avec ses cousins… elle ne savait pas quel était le père de chaque enfant !!!
Rue Boucher de Perthes : le bief du Moulin de la Tour borde tout un côté de la rue, il est à ciel ouvert et sert d’égout. De l’autre côté, 23 maisons vétustes, n’ont ni l’eau, ni W.C. La population va se servir à 2 bornes fontaines installées à chaque extrémité. Les W.C. sont communs à toute la rue. Ils se composent d’une cabane rudimentaire perchée au-dessus de l’eau. 86 familles y sont logées soit 222 personnes.
Le quartier de la rue Nicolas Camusat est habité par des gens d’une extrême misère et souvent marginaux.
Il est calculé à l’époque, ce que coûte à la Sécurité Sociale, l’ensemble des habitants de la rue, avec les séjours en sana, les placements d’enfants pendant parfois plusieurs années, les maladies et les séjours à l’hôpital, la longue maladie… Cela revient chaque année au prix de la construction neuve de 3 petits H.L.M. qui auraient permis le relogement de tous
Rue Ganguerie, plusieurs maisons sont écroulées, les ruines restent sur place… d’autres ont leurs fenêtres murées pour les rendre inhabitables, car elles représentent un danger. Plusieurs sont néanmoins occupées par des familles qui logent dans des pièces sans fenêtres.
Un autre îlot était en piteux état, le Gros Raisin. Une population hétéroclite y habite… Rue Delarothière, une famille de 6 enfants loge au premier étage. Une seule pièce, avec la fenêtre aux carreaux cassés remplacés par du carton, dans le plancher, deux énormes trous et une seule planche pour les boucher, que l’on déplace selon la nécessité. Le père est en sana : pas de salaire, pas de HLM. Le dernier enfant naît là, quelques mois après le départ du père. La sage-femme est obligée d’emprunter une deuxième planche pour pouvoir faire son travail sans tomber au rez-de-chaussée.
Une personne est installée au rez-de-chaussée d’une maison vide depuis longtemps, et qui doit être abattue, car le toit est effondré. Elle vit juste avec une paillasse remplie de vermine. Elle subsiste avec un litre de vin rouge, parfois 2, et dort toute la journée. Quand les pompiers viennent la chercher pour la conduire à l’hôpital (la maison menaçant de s’écrouler), ils trouvent la pièce remplie de boîtes à fromage, ramassées dans les poubelles, et dans lesquelles elle fait ses excréments… A l’hôpital, il faut la baigner. Elle en meurt !!
Heureusement, des personnes comme Madame Elisabeth Voix, ont créé le PACT (Propagande et Action Contre les Taudis), qui avec la Caisse d’allocation familiale, le Groupement interprofessionnel aubois, le Bureau d’aide sociale et d’autres associations, ont travaillé la main dans la main pour résoudre ce problème.
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