La vie à Troyes



Règles de la civilité


Le 23 mai 1735, Monseigneur le Garde des Sceaux Maunoie donne son approbation à l’impression de « La civilité puérile et honnête pour l’instruction des enfants », écrite par un missionnaire troyen, éditée à Troyes par André, Imprimeur, Libraire et Fabricant de Papier, Grande rue (rue Emile Zola), vis-à-vis la Belle-Croix (voir ce chapitre), et distribué dans la France entière.

 

         C’est un ensemble de « Beaux Préceptes et Enseignements, pour instruire la Jeunesse à se bien conduire dans toutes sortes de Compagnies ». Il comporte 88 pages ! Je ne vous en donnerai que quelques passages, que l’on devrait bien rappeler 285 ans plus tard dès les écoles primaires !! : « Père et mère, vous voyez l’obligation indispensable que vous avez de prendre un très grand soin de vos enfants, faites-leur prendre de bonnes habitudes, instruisez-les pendant qu’ils sont jeunes, portez-les à l’acquisition de leurs devoirs envers leur prochain, faites-leur apprendre les règles de la bienséance, et faites les leur pratiquer, ne leur laisser rien passer, reprenez-les quand ils manquent… Ne permettez pas qu’ils rendent injure pour injure, quelque tort que l’on peut lui avoir fait…

 

         La lecture de ce livre ne vous sera pas inutile, elle vous instruira de la manière à laquelle vous devez vous comporter à l’égard de votre prochain. Ne croyez pas que ce livre soit pour vous apprendre de l’esprit du monde, à faire des compliments à perte de vue, des révérences à la mode, et dire le contraire de ce que vous pensez, pour vous insinuer dans l’amitié de ceux avec lesquels vous conversez ordinairement. La Civilité est une vertu morale… elle vous apprend d’honorer chacun, de ne faire à votre frère chrétien (de telle qualité ou condition qu’il puisse être), aucune chose qui puisse lui déplaire, enfin ne faire à autrui que ce que vous voudriez qui vous soit fait à vous-même… Le chemin le plus court pour devenir honnête homme, c’est de hanter les honnêtes gens, et de prendre garde à leur manière d’agir, parce que les exemples ont beaucoup plus de force sur nos esprits que les paroles… Les jurements et les blasphèmes sont les plus grandes fautes que l’on puisse faire contre les lois de la bienséance… Vous serez plutôt cru en parlant doucement et avec modération, que si vous vous mettez en colère pour défendre ce que vous avancez… Vous devez 4 choses à vos Pères et Mères, les aimer, les respecter, leur obéir et les assister dans leurs nécessités de cette vie et après leur mort… Les respecter, c’est les avoir en estime, leur parler avec révérence, toujours debout, ne passer jamais devant eux sans les saluer et ne jamais leur parler de leurs défauts. Vous leur obéirez si vous faites promptement, et sans murmure, tout ce qu’ils vous commandent, sans murmurer et sans hocher la tête, ce qui serait une faute digne de châtiment. Les assister, c’est les secourir autant que l’on peut dans leur vieillesse et dans leurs maladies, les consoler dans leurs afflictions, et les soulager s’il arrive qu’ils viennent à tomber dans la pauvreté… Vous devez honorer vos Maîtres et Maîtresses si vous les avez en estime, si vous ne dites que du bien d’eux, si vous ne leur parlez jamais qu’avec respect et à tête découverte… Ayez soin tous les jours de vous bien peigner pour ne point entretenir de vermines, mais ne poudrez jamais vos cheveux, cela n’appartient qu’aux personnes molles et efféminées… En marchant dans la rue, prenez garde que vos bas ne tombent faute d’être attachés, ou que votre chemise ne passe par quelque endroit, ce qui prêterait à rire à ceux qui vous croiseraient en cet état… Gardez-vous bien de vous moucher avec les doigts ou sur la manche comme les enfants, mais servez-vous de votre mouchoir, ne regardez pas dedans après vous être mouché. Il ne faut pas faire un grand bruit en se mouchant comme pour donner de la trompette, mais on doit se comporter de telle façon qu’à peine ceux qui sont présents s’en aperçoivent… Le jeu n’est pas inventé pour gagner de l’argent ou pour faire fortune, mais simplement pour relâcher un peu son esprit après l’étude ou le travail, et il ne faut pas en faire coutume… Il est très incivil de se moquer de quelqu’un qui aurait manqué d’adresse en jouant… Avant de vous mettre à table, il ne faut pas oublier de laver vos mains… N’appuyez jamais vos coudes sur la table… C’est contre la Civilité de souffler la soupe pour la refroidir, particulièrement quand on est en compagnie… Ne tenez pas toujours le couteau à la main comme font les gens de village, il suffit de le prendre lorsque vous voulez vous en servir… Quand on vous sert de la viande, il n’est pas séant de la prendre avec la main, mais il faut présenter votre assiette de la main gauche, en tenant votre fourchette ou couteau de la droite et recevoir ce que l’on vous donne, en vous inclinant un peu… N’emplissez pas tant votre bouche que cela vous empêche de parler, s’il était nécessaire, et n’y portez rien que les premiers morceaux ne soient avalés… Si vous prenez dans un plat commun, ne choisissez pas les meilleurs morceaux, ni ceux qui sont le plus à votre goût, prenez ce qui se rencontre devant vous… Il ne faut pas jeter par terre ni os ni coques d’œufs, ni pelure d’aucun fruit, ni autres choses qui ne se mangent point, il est plus séant de les poser sur les bords de l’assiette… C’est contre la Civilité de boire avant que d’avoir mangé son potage, attendez donc que vous ayez mangé un peu avant (encore en usage en 1957, un de mes fils ayant été puni pour l’avoir fait dans un home d’enfants pendant des vacances scolaires)… Essuyez votre bouche avec votre serviette avant que de boire, après avoir bu, essuyez votre bouche… Lors du coucher, ne vous déshabillez pas en présence des autres… Si la nécessité vous contraint de coucher avec quelque autre du même sexe (car il ne vous est pas permis, comme il n’est pas honnête de coucher avec une personne de sexe différent, telle qu’elle puisse être), ne vous approchez pas si près que vous vous incommodiez l’un l’autre, gardez l’honneur partout… N’ouvrez pas votre cœur à tout le monde, chacun n’est pas capable de garder un secret… Ne faites à autrui ce que vous ne voudriez pas qui vous fût fait

 

         Il y a un chapitre sur la manière d’apprendre à bien lire, prononcer et écrire. Il y a 1 table de Pythagore, et une table numérale (qu’aujourd’hui très peu de jeunes et d’adultes connaissent !!!).

 

         Il y a aussi un très grand chapitre (environ 550 mots) : « Nouveau Traité d’orthographe contenant les mots qui ont une même prononciation, et diverses significations, très utile pour apprendre à lire et écrire correctement », avec par exemple : ancre de navire et encre pour écrire, apprendre une chose et bon à prendre… la ponctuation… les accents…

 

         Pour terminer, il y a 21 pages de 118 très beaux et instructifs « Quatrains du seigneur de Pybrac, Conseiller du Roi en son Conseil Privé », comme par exemple :

 

         " Qui a de soi parfaite connaissance,

 

             N’ignore rien de ce qu’il faut savoir,

 

             Mais le moyen assuré de l’avoir,

 

             C’est se mirer dans la patience ».

 

         " Qui te pourrait voir toute nue

 

             Oh ! Qu’ardemment de toi serait épris !

 

             Puisqu’en tout temps les plus rares esprits

 

            T’ont fait la cour au travers d’une nue ».

 

         " Les biens du corps et ceux de la fortune,

 

            Ne sont pas biens, à parler proprement,

 

            Ils sont sujets au moindre changement,

 

            Mais la vertu demeure toujours nue ».

 

         " Le sage fils est du père la joie,

 

            Et si tu veux ce sage fils avoir,

 

            Dresse-le jeune au chemin du devoir,

 

            Mais ton amour est la plus courte voie ».

 

         " Jusqu’au trépas, mon fils, tu dois apprendre,

 

            Et tiens perdu le jour qui s’est passé

 

            Où tu n’y as quelque chose amassé,

 

            Pour plus savant et plus sage te rendre ».

 

         " Aime l’honneur plus que ta propre vie,

 

             J’entends l’honneur qui consiste au devoir,

 

            Que rendre on doit suivant l’humain pouvoir,

 

            A Dieu, au Roi, aux Lois, à la Patrie ».

 

         " Songe longtemps avant que de promettre,

 

            Mais si tu as quelque chose promis

 

            Quoi que ce soit, ne fut-ce aux ennemis,

 

            De l'accomplir en devoir te faut mettre "...

         


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