En 1866 le vignoble de l’Aube comprenait une étendue de 23.000 hectares. En 1873 son étendue était ramenée à 21.216, en 1882 à 18.908 hectares, en 1920 à 4.500 hectares seulement !
Notre grand écrivain aubois Gabriel Maurières (voir ce chapitre) écrivait au début du XX° siècle : << Si vous parlez de La Champagne devant un Parisien, il vous répondra aussitôt avec un clin d’œil malin : « Ah ! Oui Le Champagne… ». Car Champagne est féminin à Troyes, mais masculin à Paris. Et devant ses yeux apparaîtra une fête nocturne, au milieu du scintillement des coupes et du bruit des bouchons qui sautent >>.
Marceau Fett, ancien Professeur à l’Ecole de Viticulture d’Avize, écrit en 1957 : << Si vous demandez à ce même Parisien : « Qu’est-ce que le Champagne ? », il ne sera pas embarrassé et vous dira : « C’est un vin mousseux fabriqué en Champagne ». Je m’insurge immédiatement rien que d’entendre ce mot : fabriqué. La limonade se fabrique, le champagne, non. C’est la nature qui l’élabore, aidée en cela par le soin vigilant des vignerons, c’est le négociant (ou le récoltant manipulant) qui l’éduque méthodiquement afin d’obtenir le plus parfait produit de notre vignoble >>.
Le vignoble aubois est situé dans la partie vallonnée et accidentée de l’Est et du Sud Est du département, de Riceys au Sud, jusqu’à Soulaines au Nord, avec les centres de Bar-sur-Seine et Bar-sur-Aube. Il y a 59 communes d'appellation, dont Montgueux à quelques kilomètres de Troyes.
Ce vignoble n’est pas spectaculaire parce que, très disséminé, il occupe le plus souvent des coteaux assez loin des routes principales qui le traversent.
On sait que la vigne a été cultivée en Champagne depuis qu’elle existe, introduite par les Romains. Les célèbres Foires de Champagne (voir ce chapitre) au Moyen Âge sont le lieu de rencontre de marchands venus de toute l’Europe qui ne manquent pas de boire son non moins célèbre vin.
Les monarques sacrés à Reims, accompagnés de la noblesse du royaume, apprennent à le déguster.
Les abbayes et les monastères sont les endroits privilégiés où l’on sait cultiver la vigne et élaborer les vins dans la plus pure des traditions, et il n’en manque pas de célèbres dans notre département (Clairvaux, Molesmes…) d’où sont issus les crus les plus fameux.
Dès sa « naissance » le champagne est unanimement apprécié et son essor est alors extrêmement rapide. Toute l’Europe en fait son vin favori, en particulier pour les fêtes, à l’image de la Cour de France, de Louis XIV, du Régent, de Louis XV.
Napoléon 1er vint lui-même couronner cette réussite lorsqu’il visita notre département le 27 juillet 1807. C’est sous le 1er Empire que le champagne va prendre sa présentation actuelle et que son élaboration précise sera définitivement mise au point à partir des règles empiriques découvertes par Dom Pérignon. On peut même dire que les guerres que Napoléon livra à toute l’Europe servirent à faire connaître notre vin et qu’à partir de son abdication, les exportations se multiplièrent de façon spectaculaire. Depuis, l’on sait que le champagne est devenu l’un des vins les plus appréciés dans le monde entier. Ne l’a-t-on pas nommé « le roi des vins et vin des rois » ?
Bien des Nations essaient, mais en vain, de « faire » du champagne. L’anecdote suivante prouve clairement combien les étrangers envient notre grand vin et voudraient l’imiter. En 1956, un Américain visite une cave de Champagne. Il s’informe d’une quantité de détails, puis la visite terminée, il demande à voir le directeur de la maison. Confortablement assis en face d’une coupe où le vin sacré pétille, il s’exprime loyalement : « Monsieur, je vous dois la vérité. Je suis envoyé par une firme américaine qui a entrepris de fabriquer un vin semblable au vôtre. Nous avons dépensé des millions et, je serai franc, les résultats sont déplorables. Je ne veux pas, bien entendu, vous demander des secrets de « fabrication », mais simplement un conseil : quel genre de ceps devons-nous planter de préférence ? ». Le directeur sourit et entraîna son interlocuteur en face des larges baies de son bureau, d’où l’on voit toute la « montagne » de Reims. Nous n’avons pas de secrets, cher monsieur. Ecoutez-moi un instant. Au III° siècle de notre ère, sur les coteaux que vous voyez, la colonisation romaine fit établir les premières vignes. C’est à l’ombre des couvents et des abbayes que sont nés et qu’ont prospéré la plupart de nos grands vignobles. Saint Remy, archevêque de Reims, en 530, citait déjà, dans son testament, ses propres vignes de Champagne. Le pape Urbain II, champenois de naissance, n’oublia jamais « le vin d’Ay ». Les rois de France, sacrés à Reims, se voyaient toujours offrir avec orgueil le vin du pays. Henri IV, le bon roi, se parait du titre de « Sire d’Ay ». La cour comprenait des dignitaires considérables qu’on appelait des dégustateurs : ils firent remplir les caves des palais de cette boisson des dieux. Enfin Dom Pérignon, religieux Bénédictin de l’Abbaye d’Hautvillers, en face d’Epernay, s’était aperçu, à force de patientes recherches qu’en mettant le champagne en bouteilles au moment favorable, celui-ci développait ses magnifiques qualités. C’est tout, cher monsieur. Nous avons sans doute perfectionné au cours des âges, la découverte et le système du moine-vigneron, mais nous n’avons pas de secrets. Si vous voulez réussir en Amérique, le seul conseil que je vous donne, c’est de déplacer nos coteaux, de commander à notre soleil de se rendre chez vous… et d’attendre un millénaire… ».
Autre anecdote (datée de 1882) : sous Louis XIV, la faculté de médecine, sollicitée par des intéressés, se réunit extraordinairement et, dans une séance mémorable, déclare solennellement que le vin de Champagne était non seulement le meilleur, mais encore le plus salutaire de tous les vins. Les médecins traitaient toutes les maladies aigües au champagne et n’en tuaient ni plus ni moins leurs clients : « Mourir pour mourir, avec la Faculté, disait un grand seigneur à Fagon, le médecin du roi, je préfère la tisane de Champagne au chiendent et à la limonade ». Les compétences de Fagon étaient reconnues dans tout le royaume et sa réputation avait même franchi les frontières. Fagon était un des beaux et des bons esprits de l'Europe, curieux de tout ce qui avait trait à son métier, grand botaniste, bon chimiste, habile connaisseur en chirurgie, excellent médecin et grand praticien.
Depuis la loi du 22 juillet 1927 et les décrets qui l’ont suivie, notre vignoble aubois fait partie intégrante de la Grande Champagne Viticole, ayant droit à l’appellation connue du monde entier. Tout producteur de champagne est soumis à des règles très strictes s’il veut pouvoir jouir de la prestigieuse appellation. Elles tiennent à plusieurs facteurs : le terroir, les cépages, la plantation, la taille, le rendement, les vendanges, le pressurage, le vin, l’étiquetage.
Les champagnes marnais ont toujours amélioré la qualité de leurs vins, avec un grand pourcentage de raisins de l’Aube. Aujourd’hui, les Champagnes de l’Aube, sont reconnus aussi excellents que les meilleurs marnais, et obtiennent de nombreuses médailles, lors de concours.
L’ennemi n° 1 du vignoble aubois, c’est la gelée, avec les 3 calamités ruineuses, successives de 1926-1927 et 1928 où la superficie tomba à 3.000 hectares en 1930, puis celles des 20 et 23 mai 1958 qui ont détruit la récolte de 1.500 hectares.
L'Aube est le 2ème département producteur de champagne (sur cinq), après la Marne ! Le vignoble d'appellation Champagne actuellement planté et en production couvre 6.500 hectares, il fournit le cinquième de la production, soit un potentiel de 50 millions de bouteilles.
La « Route Touristique du Champagne » est un circuit qui fait découvrir la partie la plus méridionale de la Champagne viticole, et qui a été étudié pour être parcouru dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, comme y invitent les panneaux à fond brun placés aux croisements, les uns portant l’inscription « circuit du champagne » les autres une simple grappe de vin.
D’après toutes les études réalisées, encore récemment, « le vignoble aubois est en très bonne voie de progression » !
Le 4 juillet 2015, les coteaux, caves et maisons de Champagne sont inscrits au patrimoine mondial
de l'humanité.
Il existe onze sortes de contenances :
le huitième, le quart, la demi-bouteille, la bouteille (75 cl), le magnum (2 bouteilles), le Jéroboam (4 bouteilles), le Réhoboam (6 bouteilles), le Mathusalem (8 bouteilles), le Salmanazar (12 bouteilles), le Balthazar (16 bouteilles), le Nabuchodonosor (20 bouteilles).
Voir les chapitres : « La révolte des vignerons en 1911 », et « Histoire du 1er cep de la Champagne ».
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