Il n’est pas encore rare d’entendre de nos jours, cette réflexion à un malade qui répugne les remèdes de la Faculté : « Pardi ! Il aimerait bien mieux la tisane du curé de Vauchassis ! ».
Mais l’on serait bien embarrassé de dire en quoi consiste cette fameuse tisane et de donner le nom de ce curé pourtant si populaire.
Voici l’histoire du curé « guérisseur » de Vauchassis et de sa merveilleuse tisane.
Le 22 août 1767 naissait à un modeste cordonnier de Troyes, Jean-Géraud de Valois de Saint-Remy, un sixième enfant, baptisé à Saint-Remi : Pierre-Géraud. Ce fut une nouvelle charge pour le pauvre artisan, son aïeul ayant eu le malheur de perdre tous les biens de la famille, les seigneuries de Fontette et d’Essoyes.
Le 22 juillet 1756 dans le petit village de Fontette était née Jeanne de Saint-Remy de Valois, qui devait épouser, en 1780, le comte de La Motte et se rendre tristement célèbre dans la fameuse histoire du Collier de la Reine (voir ce chapitre). Cette femme appartenait à la troisième branche de la famille de Valois de Saint-Remy, Jean-Géraud, le cordonnier, à la branche aînée. Ils descendaient tous deux en ligne directe d’Henri II, roi de France, de la branche des Valois Angoulême, qui, ayant aimé une dame de la Cour, Nicole de Savigny, baronne de Saint-Remy, dame de Fontette, Noé, Beauvoir, Le Châtellier… en eut un fils, Henri de Valois de Saint-Remy, auteur de l’illustre lignée de notre cordonnier.
Jean-Géraud de Valois trouva le moyen d’intéresser le roi Louis XVI aux malheurs de sa famille. Le Roi le reçut à Versailles et il se vit confirmer dans sa noblesse en 1784, étant gratifié d’une pension annuelle de 600 livres sur la cassette du souverain, puis d’une pension de 1.000 livres de rente sur le Trésor royal. En 1788, Louis XVI le renvoya en possession des terres et baronnie de Fontette et d’Essoyes.
Cette année de 1784, qui marqua le retour inespéré de la fortune pour les Valois de Saint-Remy, vit entrer, par un effet de la bonté du roi, le jeune Pierre-Géraud, futur « guérisseur » de Vauchassis, à l’abbaye royale de Saint-Denis, pour y faire ses études. Son frère Jean-Baptiste Laurent, âgé de 8 ans, bénéficiait de la même faveur.
Pierre-Géraud demeura 2 ans à Saint-Denis. Ayant manifesté le désir d’embrasser la carrière ecclésiastique, le roi le pourvu au diocèse de Cambrai. Mais, bientôt la loi obligea les ecclésiastiques à prêter serment à la Constitution.
Pierre-Géraud gagna l’Italie en 1791.
Le pape Pie VI ordonna prêtre Pierre-Géraud et le nomma protonotaire apostolique (dignitaire le plus élevé parmi les prélats de la cour romaine, qui ne sont pas évêques). Il avait de grands loisirs, et s’y livrait à l’étude de la médecine et de la botanique. Il obtint du pape Pie VI l’autorisation d’exercer la médecine dans ses Etats et prodigua ses soins aux blessés de l’armée française dans les ambulances d’Italie, sous le Premier Empire.
Après 24 ans passés hors de France, l’abbé Pierre-Géraud de Valois de Saint-Remy y rentra avec les Bourbons en 1815, et devint curé de Vauchassis et de Bercenay-en-Othe.
Ses connaissances en médecine et en botanique, la pratique qu’il avait pu acquérir en Italie, autour des blessés et des malades, lui permirent de soulager et guérir plusieurs de ses paroissiens abandonnés par les médecins. Ce fut le commencement d’une réputation de « guérisseur » qui prit, en moins de 3 ans, une telle extension qu’elle ameuta le corps médical de l’Aube et des environs.
En 1818, sortit une brochure anonyme de 31 pages, portant ce titre : « Réflexions sur les consultations de Vauchassis par un Ami de l’humanité ». Elle prenait violemment à partie l’abbé de Valois : « … Depuis plus d’un an qu’un nouveau thaumaturge fait des dupes dans toute la Champagne et au-delà, et sous un décorum séduisant pour beaucoup de gens, il capte la trop facile crédulité du peuple… Il a, dit-on, pour associés, un médecin et un pharmacien qui n’ont pas honte de déshonorer le corps respectable auquel ils appartiennent… Il tourne en ridicule ses remèdes habituels : vin, sucre, cannelle ou bien soufre et beurre frais, ou bien encore gratin de riz et de lait, ou encore composition de vin et d’huile bouillis jusqu’à consistance d’onguent… On ne compte pas les aromates qui font toujours l’assaisonnement de ces remèdes… Déjà on accourt, on afflue à Vauchassis, comme chez un libérateur dont la vue seule a, dit-on, guéri beaucoup de malades… On nous a rapporté que le curé ne pouvant donner audience à l’immense foule qui venait le consulter, se contenta de lui faire un acte de foi, en lui prescrivant un de ses remèdes généraux… ».
On ne sera pas étonné d’apprendre que la brochure obtint que des poursuites fussent ordonnées contre lui, ainsi qu’en témoigne cette lettre de l’abbé de Valois :
« 1er septembre 1818. Monsieur le Procureur général. Monseigneur l’évêque de Troyes m’a communiqué la lettre que vous lui avez fait l’honneur de lui écrire. Elle a pour objet de m’inviter à cesser l’exercice de la médecine. Il a toujours été dans mes principes de me soumettre aux ordres que je reçois de mes supérieurs et de ne jamais contrevenir aux lois. C’est à ce titre que j’ai, dès le commencement, opposé de la résistance à la foule des malades qui venaient me consulter. Des succès ont couronné des conseils que j’avais donnés sur leur santé à des malades de ma paroisse jugés incurables par les médecins. Heureux de leur guérison, ils ont étendu ma réputation. Des officiers de santé des villages voisins ont même conduit chez moi leurs malades. 2 de ces officiers de santé se sont fixés dans ma commune où ils traitent les personnes qui ont besoin de leurs secours. J’ai pensé que la charité ne m’interdisait pas de les aider de quelques conseils. J’ai été assez heureux pour acquérir, en Italie, où je suis resté 20 ans, quelques connaissances de médecine et de botanique. J’avais obtenu du pape Pie VI l’autorisation d’exercer dans ses Etats… Si j’ai donné quelques conseils, je l’ai fait avec désintéressement, je ne fais pas une spéculation de l’art de guérir… Ma réputation me devient fatigante, ma santé en souffre… J’ai besoin de l’appui des autorités, je ne suis pas, seul, assez fort pour repousser sur le champ la foule avec l’aide de la force locale… ».
M. Valois, curé de Vauchassis décède en juillet 1829.
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