Charles Le Cointe naît à Troyes, le 4 novembre1611. Sa mère est la sœur de l’aïeul de l’abbé Petitpied, docteur de Sorbonne, qui défendit, par la fécondité de sa plume et par son zèle pour le jansénisme, le missel troyen publié sous la direction du neveu du grand Bossuet, évêque de Troyes.
Il entre au collège des Jésuites de Troyes, où « il a des succès flatteurs, et se concilie l’estime de ses maîtres et l’affection de ses condisciples ». Il va au collège des Jésuites de Reims, où il a comme condisciple et ami, Henri II de Lorraine, prince de Joinville et comte d’Eu, fils du duc de Guise et de la duchesse de Montpensier. Les jours de congé, il aime aller à la basilique de Saint-Remi, tout imprégnée des souvenirs du baptême de Clovis. C’est là qu’il ressent sa vocation.
Une congrégation vient d’être fondée, les membres ne sont liés par aucun vœu, ils vivent en communauté pour la prière, l’office et les repas, après lesquels ils tiennent des conférences scientifiques, sources d’œuvres nombreuses et remarquables et ils passent le reste du temps à la campagne, où ils se livrent à « l’enseignement et à la confession du peuple, avec l’autorisation des curés ». Cette nouvelle congrégation, exclusivement sacerdotale et nullement monastique est composée de divers groupes indépendants les uns des autres, n’ayant pas de supérieur général. C’est Pierre de Bérulle qui concentre entre les mains d’un supérieur général le gouvernement de toutes les maisons de l’Oratoire.
Après son année d’épreuves, Charles Le Cointe est envoyé à Vendôme pour y professer. Louis, duc de Vendôme (qui fut cardinal-légat de Clément IX), le prend en estime, l’appelle souvent à sa table, se plait à converser avec lui sur des matières d’histoire et de politique, où l’oratorien se montre « profond philosophe et agréable conteur ». Il passe ensuite à la chaire de rhétorique de Nantes, puis à celles d’Angers et de Condom.
En 1643, Charles Le Cointe, prêtre d’un zèle éclairé, excellent négociateur, est donné au diplomate Abel Servien qui part en Allemagne, comme ministre plénipotentiaire, pour servir d’aumônier à l’ambassadrice et au personnel de l’ambassade, pendant la durée des conférences. Les négociations de la paix de Westphalie s’ouvrent à Munster. Servien trouve dans le Père Le Cointe, un homme très versé dans l’histoire des divers états européens et des traités multiples conclus entre eux. Les causes exceptionnelles, les circonstances, les clauses, les dates de ces traités, rien n’échappe à sa mémoire. Il les cite avec précision et clarté. Il porte sur tous les événements politiques des jugements pleins de bon sens et de maturité. L’ambassadeur comprend vite de quel secours peut lui être Charles Le Cointe, et il le consulte pendant toute la durée du congrès, sur les questions les plus importantes et les plus épineuses. Il reste 3 ans à Munster, en relations fréquentes, avec l’ambassade française et avec les autres plénipotentiaires qui, frappés de ses lumières et de la sagacité de son esprit, le consultent. Pendant son séjour, il se lie d’amitié avec le nonce, qui deviendra le pape Alexandre VII. Il dresse les préliminaires de la paix de Westphalie, et rassemble les documents relatifs à ce fameux traité.
Charles Le Cointe revient à Paris, ayant l’intention d’exécuter un gigantesque projet : écrire les « Annales ecclésiastiques de France », entreprise religieuse et nationale. Pour cela, il fouille dans les bibliothèques, dans les manuscrits, dans les archives des couvents et des châteaux, il interroge les traditions populaires, les seuls fragments d’une inscription sont pour lui un trésor… Grâce au puissant crédit de Colbert, son protecteur, Charles Le Cointe obtient pour la publication de ses Annales, les presses de l’imprimerie royale. Le premier volume paraît en 1665, le dernier en 1683. Ces 8 volumes renferment un espace de 428 ans, de 417 à 845. On y trouve les actes des rois, les fondations des églises et des monastères, les vies des évêques et des abbés, l’histoire des conciles et des synodes, les lettres, les chartes et une infinité de monuments authentiques concernant les antiquités religieuses de France. Cet ouvrage « est des plus savants, et aujourd’hui encore, ceux qui veulent connaître l’histoire des premiers temps de la monarchie française, le consultent utilement ». Il laisse aussi d’autres ouvrages : « Mémoires pour servir à l’histoire de Marseille et de la Provence, Journal de son voyage à Munster, Traité succinct des vraies maximes d’aucuns princes de l’Europe, Nouvelle édition des œuvres de saint Grégoire de Tours… », qui indiquent clairement que le patriotisme de Charles Le Cointe le porte « à démontrer par les faits que la noble nation de France, fille aînée de l’Eglise, assure infailliblement sa mission civilisatrice et éternise sa suprématie morale dans tout l’univers ». Tant et de si utiles travaux ont mérité à Charles Le Cointe l’estime et l’affection de la plupart des hommes illustres de l’Europe. Le cardinal Mazarin récompense le bon Père, par une pension de 1.500 livres, qu’il lui continue tant qu’il vécut, et il lui en assure la perpétuité par une clause expresse de son testament. Colbert ministre, fait augmenter par Louis XIV, le chiffre de cette pension. Le roi accorde un supplément de 1.000 livres, en y joignant des paroles « les plus flatteuses ».
« En Charles Le Cointe se trouvent au plus haut degré les qualités du vrai savant. Il est jusqu’à la fin de sa vie, un modèle d’exactitude, de modestie, de douceur, d’ardeur au travail, d’amour de la solitude. Il aime par dessus tout, le silence et le calme de sa cellule, il ne sort guère que pour consulter quelques manuscrits dans les bibliothèques. On ne conçoit pas comment il a pu suffire à ses immenses travaux : il ne se servait jamais de secrétaire. Dans son air paraît une gracieuse bonté, dans son langage, une finesse et une urbanité exquises, dans ses sentiments, une franchise et une loyauté qu’on sentait partir du cœur ».
Ces traits résument la physionomie intime de notre pieux et docte oratorien troyen.
Il décède le 18 janvier 1681.
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