Jean Rostand de l’Académie Française a écrit : « Le nom de Paul Portier est de ceux qui sont assurés de survivre dans la mémoire des hommes, car il est lié à l’une des plus grandes découvertes qui aient marqué l’histoire de la physiologie et de la médecine… Professeur à la Sorbonne, puis à l’Institut océanographique, il fut un maître éminent et simulateur, éveilleur de vocations…Comme tout homme de haute valeur, il était simple, modeste et bienveillant. De tous les maîtres que j’ai approchés au cours de ma vie d’étudiant, il est un des seuls qui ne m’aient pas laissé le souvenir lointain et rebutant pontife... ». Lors des obsèques de Paul Portier (décédé le 26 janvier 1962) il déclare à la télévision : « Paul Portier a été un des plus grands hommes de la France. Ma peine, ma tristesse sont teintées d’amertume, que Paul Portier n’ait été plus connu, plus honoré, est une honte pour notre civilisation ! ».
Paul Portier avait des origines écossaises, mais la famille Thiesse, à laquelle sa mère appartenait, a quitté l’écosse avec les partisans de Marie Stuart. Elle s’est expatriée en 1583, et s’est installée en France, d’abord à Chaource puis à Bar-sur-Seine.
Paul nait à Bar-sur-Seine le 22 mai 1866. Il était le neveu de Charles Moreau qui fut maire de Bar-sur-Seine. Il apprend à lire très tôt. Enthousiasmé par une histoire de Robinson Crusoé que son parent, Edmond de Goncourt lui a offerte, il demanda à sa mère de lui enseigner la lecture, ce qui fut rapidement réalisé : il avait alors 4 ans ! Ecolier et étudiant, il fréquente le Lycée de Troyes. Là il trouve 2 entomologistes érudits : M. Jourd’heuille juge au tribunal civil et l’abbé d’Antessanty, aumônier du Lycée, dont le souvenir dit-il, lui sera toujours précieux et décidera de sa carrière. Il obtient son baccalauréat en 1885. Un voisin, le docteur Cartereau l’initie à l’Histoire Naturelle. Il fait 1 an de volontariat au 37° Régiment d’Infanterie à Dijon. En 1888, il travaille au ministère des Finances, obtient sa licence de sciences naturelles en 1891, son doctorat de médecine en 1897.
Observateur des animaux marins et navigateur, Portier fut le collaborateur et l’ami du Prince Albert 1er de Monaco. A partir de 1889, avec un collègue Charles Richet, il devint un fidèle des campagnes océanographiques qui s’étendaient suivant les années, du Spitsberg à l’Equateur. Admis dans l’intimité du Prince Albert, le Professeur Portier eut le loisir de côtoyer, à de multiples reprises des personnages illustres et des têtes couronnées : Alphonse XIII, roi d’Espagne, Carlos, roi du Portugal, Guillaume II, empereur d’Allemagne…Il étonna ce dernier en révélant que leurs arrières-grands-pères respectifs s’étaient eux-mêmes rencontrés… à Bar-sur-Seine ! C’était en février 1814. Après leur victoire à La Rothière, les 3 souverains coalisés contre Napoléon (Frédéric Guillaume, roi de Prusse, Alexandre 1er, tsar de Russie, François 1er, empereur d’Autriche) avaient fait de Bar-sur-Seine le siège de leur Quartier Général. Et il se trouva que le bisaïeul de Paul Portier fut contraint d’héberger durant près de 2 mois, en sa demeure du 44, rue de l’Etape, le bisaïeul de Guillaume II…
L’attention de Portier est attirée par cet être marin qu’est la physalie (fausses méduses, mais vrai danger). Il fait des recherches avec un autre animal marin : l’Actinie (Polype marin, ressemblant à une fleur animée et dénommé communément anémone de mer). Il en tire une actino-congestine, qui, explorée sur le chien, lui fait découvrir le phénomène d’anaphylaxie (réaction allergique aiguë qui peut être mortelle).
Grand maître de la Physiologie (partie de la biologie qui étudie les fonctions et les propriétés des organes et des tissus des êtres vivants) comparée, Potier aborde l’étude de nombreux animaux. A la physiologie des mammifères marins, il a consacré de belles observations concernant le souffle, le sommeil, le tissu adipeux, la température centrale. Ce grand chercheur s’est aussi longuement penché sur les insectes, en étudiant le vol, la respiration, la digestion et surtout le milieu intérieur. Dès 1909, il étudie chez certains insectes ou chez leurs larves, les mécanismes d’adaptation à la vie dans les liquides à basse tension superficielle. Ses recherches furent utilisées pour établir la composition des liquides insecticides.
Les remarques de Portier sur le bain du canard sont universellement connues. C’est en partant des poissons de petites tailles qu’il aboutit à l’étude toxicologique des alcaloïdes. On pourrait encore citer ses observations sur la pie bavarde pleine de ruse à l’adresse du chien de garde, sur une renarde dont il vantait longuement l’intelligence…C’est aussi grâce à lui que les pêcheurs ou navigateurs peuvent connaître exactement la profondeur à laquelle se tiennent les bancs de poissons…
« Un des grands mérites de Paul Portier est d’avoir su passer de la Physiologie animale à la Physiologie humaine et d’avoir désiré, avant tout, faire de la Physiologie appliquée… ».
De la masse considérable des ouvrages et des publications de ce savant, citons seulement ses thèses sur les oxydases et celle sur les insectes aquatiques, son ouvrage sur la biologie des Lépidoptères, son livre sur la Physiologie des animaux marins, ses études sur la chenille Nepticula, le bain du canard, l’épinoche…
En tant que médecin, Portier étudia les méfaits du bruit, le mal de mer, le rappel à la vie des noyés…
A l’époque de la Grande Guerre, Paul Portier, dégagé par son âge de toute obligation militaire, reprend du service comme médecin aide-major. Grâce à la générosité du Prince de Monaco, il installe à Bar-sur-Aube le premier laboratoire de bactériologie aux armées.
Le III° congrès international d’Allergologie, tenu à Paris en 1958, sous la présidence du Professeur Pasteur Vallery-Radot, a tenu à témoigner son admiration au Professeur Paul Portier.
Malgré ses travaux, ses voyages, ses obligations, jamais le professeur Portier n’a délaissé sa ville natale, il y venait régulièrement, s’y reposer et y travailler.
Il est enterré le 30 janvier1962 au cimetière de Bar-sur-Seine : « Paul Portier est pleuré de tous les biologistes…».
Portier était président de la Société de Biologie, membre de l’Institut, de l’Académie des Sciences, de l’Académie de Médecine, Docteur en Médecine, lauréat de la Faculté de Médecine, Docteur es Sciences, lauréat de la Faculté des Sciences.
Il était commandeur de la Légion d’Honneur, officier dans l’ordre des Palmes Académiques, commandeur dans l’ordre de Saint-Charles de Monaco, commandeur dans l’ordre du Mérite Culturel de Monaco.
Son nom a été donné au collège de Bar-sur-Seine.
Je pense que le Professeur Portier est fort peu connu, du moins des Barséquanais et des Aubois, c’est pourquoi je lui rends hommage aujourd’hui.
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