Y a-t-il beaucoup d’Aubois qui connaissent l’incroyable périple de dizaines de navires (croiseurs, porte-avions, torpilleurs et cuirassés de guerre, paquebots, simples chalutiers même), conduits par 4.000 marins et soldats, qui parvinrent à soustraire l’or de la France des mains des nazis, soit 3.000 tonnes de métal transporté dans plus de 50.000 colis et caisses ?
Sachant que sur ce site, je ne parle que de Troyes et de l’Aube, vous pouvez vous demander quel rapport cela peut avoir avec notre département.
En novembre 1940, Charles Moreton est nommé directeur de la Banque de France à Troyes. Celui qui arrive est un héros national, car c’est lui qui, de mai à septembre 1940, en tant que directeur à l’Office des changes de Paris, a été chargé, par le Gouverneur de la Banque de France, de superviser et convoyer ces tonnes d’or, en les conduisant dans des refuges sûrs, aux Etats-Unis, au Canada, aux Antilles, en Afrique du Nord et en Afrique Noire.
Avant la déclaration de guerre, dans les caves de la Banque de France, sont stockées plus de 3.000 tonnes d’or, en lingots et en pièces (réserves considérables, la France étant alors le 3° détenteur de métaux précieux du globe), constituées par des réserves nationales et les dépôts confiés par une dizaine de pays étrangers : Suisse, Pologne, Pays-Baltes, Turquie… Cette masse d’or, représentant près de 20 % des réserves d’or détenues par l’ensemble des banques centrales du monde, ne devait pas tomber dans les mains d’une puissance ennemie.
Le 15 juin 1940, 4 officiers allemands se présentent au siège de la Banque de France à Paris, et demandent quelles sont les quantités d’or en stock, et désirent les voir. Au terme d’une brève visite, ils doivent se rendrent à l’évidence, il ne reste plus un seul lingot d’or à Paris ! Quant aux coffres des succursales, le Gouverneur leur explique qu’ils sont également vides ! Tout l’or a quitté l’Hexagone ! Furieux, les officiers s’en retournent bredouilles. Ils ignorent qu’en ce début de juin 1940, l’or de la France n’est plus stocké dans les succursales, même de la France non occupée.
En 1938, la France procède au rappel de ses réservistes, et est donné au Gouverneur de la Banque de France, l’ordre d’évacuation. Entre septembre et octobre, 396 camions et 160 wagons de 10 tonnes acheminent les réserves conservées à Paris, vers des zones de sécurité. Ainsi, 1 an avant le début de la Seconde Guerre mondiale, la quasi-totalité du stock d’or détenu par la France, se trouve répartie de telle manière qu’elle puisse faire l’objet d’une évacuation rapide en cas de besoin.
En septembre 1939, 8 milliards, chargés à bord d’un torpilleur, arrivent à Beyrouth. Fin octobre un convoi de 100 tonnes d’or en lingots, chargés sur des cuirassés et des croiseurs, escortés par 5 contre-torpilleurs et 2 croiseurs, partent de Toulon, destination le port canadien d’Halifax(atteint le 1er décembre). A l’approche du détroit de Gibraltar, 1 sous-marin allemand bloque le passage.Le convoi se déroute sur Mers-el-Kébir, puis les Bermudes atteintes le 27 novembre, mais 2 croiseurs de bataille allemands étant mentionnés dans l’Atlantique Nord, 2 navires de guerre sont alors dépêchés sur place. A Halifax, chargement dans un train blindé et armé : 1.300 kilomètres jusqu’à Montréal puis transbordement sur les wagons de la Railway express, et 800 kilomètres pour gagner New York. Le 9 décembre un nouveau stock d’or de 100 tonnes est chargé à Brest, et atteint Halifax le 17 décembre.
Le 15 janvier 1940, lors du transbordement de 3 navires au départ de Toulon pour Beyrouth (atteint le 25), un matelot laisse tomber une caisse, par 8 mètres de fond. Des scaphandriers retrouvent le colis, et le 26, l’or est acheminé par voie de chemin de fer jusqu’à Istanboul.
Le 7 mars, 150 tonnes partent de Toulon pour Halifax, afin d’être livrées à la Federal Reserve Bank. 4 croiseurs. 3 torpilleurs et cuirassés, font l’escorte. Les 3.000 caisses d’or arrivent à Mers-el-Kébir le 9 mars, Madère est atteint le 14 et Halifax le 22. Au moment de l’attaque allemande de mai 1940, la Banque de France décide d’évacuer hors de la Métropole, les 1.900 tonnes d’or qui demeurent encore à Paris et en province. Des ports de Toulon, Bordeaux, Lorient ou Brest, des navires de la Marine française vont emporter 400 tonnes d’or, vers Halifax, pour y être transférées dans les caves de la Federal Réserve Bank of New York et vers la Martinique. Le 19, Casablanca, puis Halifax.
Le 1er juin, le précieux métal est transféré dans un train blindé affrété par la Federal reserve Bank de NewYork.
Le 28 mai, arrivent à Bordeaux 28 wagons chargés d’or. Le métal est chargé sur le paquebot la Ville d’Oran : une dizaine de sacoches humides et pourries éclatent dans le fond du navire, et les pièces sont récupérées pendant la traversée. Un paquebot charge le 29 mai, 400 tonnes d’or dans le port de Brest, et arrive le 7 juin à Halifax. L’or est mis à l’abri dans les coffres de la Royal Bank of France.
Du 31 mai au 13 juin 1940, 16.000 caisses et sacoches : 900tonnes d’or, sont rassemblées à Brest, venues de 60 succursales sont déposées dans la succursale de la Banque de France. 200tonnes, partent le 3 juin, direction Casablanca où elles arrivent le 6. Le transfert de l’or a lieu le 11 pour les USA.Ce même jour, un navire anglais est envoyé par le fond par les nazis dans l’Atlantique, puis le lendemain, c’est le tour d’un 2ème navire anglais à être torpillé. Notre navire arrive le 18 juin à Halifax. 3 autres bateaux français, partis de Brest fin mai, leurs soutes remplies de métal précieux, reçoivent l’ordre de se dérouter vers Fort-de-France(ils parviennent ainsi à échapper aux convoitises des Anglais). L’or est entreposé dans des casemates du fort Desaix.
Au cours de juin 1940, d’autres chargements, comprenant des caisses d’or belge et d’or polonais, sont dirigés vers le Sénégal.
Le 14 juin, un autre convoi , en cours de préparation à Brest, comprend 5 navires escortés par des contre-torpilleurs.
Le 15, des avions allemands lâchent un chapelet de mines magnétiques dans la rade.
Le 17, des dragueurs magnétiques dégagent les mines, alors que les allemands larguent un 2ème lot de mines. 10 camions de 10 tonnes sont réquisitionnés, et l’or peut être chargé. Le 18, l’aviation allemande lance une nouvelle attaque sur le port, et une vingtaine de bombes tombent à moins de 300 mètres des quais d’embarquement.
Les navires peuvent quitter Brest pour Casablanca, alors que des incendies ravagent une partie des installations portuaires, et que les allemands sont à moins d’une journée de Brest ! 250 tonnes d’or polonais chargés à Lorient, le 24 juin, arrivent le 28au Sénégal.
Au même moment, 200 tonnes d’or embarquées à Brest, retrouvent le convoi à Casablanca. Ce fut la plus grande « Flotte d’Or » qui ait jamais vogué sur les mers. 15 tonnes d’or suisse, qui devaient arriver à Bordeaux, manquent à l’appel ! Elles sont retrouvées le 21 juin, le train ayant été oublié sur une voie de garage, et sans surveillance ! Embarquées le même jour (à quelques encablures, 1 de nos cargos est incendié et coulé par un bombardier allemand), elles arrivent le 25 à Casablanca.
Le 22 juin, 1 de nos croiseurs auxiliaire est pris à son tour pour cible par l’aviation allemande : 3 bombardiers lâchent un chapelet de bombes, qui tombent à 50 mètres du navire.
Le 28 juin, au cours d’un déchargement, il tombe une pluie diluvienne, et 300 sacoches de pièces d’or se déchirent, répandant leur précieux chargement à même le sol. Il faudra plus d’une semaine pour mettre la main sur toutes les pièces et remplacer les sacoches crevées par d’autres confectionnées avec de la toile à voile. Le métal précieux est alors convoyé par voie ferrée au fort de Thiés, au Soudan français.
Les 24, 25 et 28 septembre, un train d’or s’ébranle de Thiès, en direction de Kayès, et y arrivent le 1er octobre. L’or y demeurera jusqu’à la fin de la guerre.
Sans le précieux métal jaune, et sans tous ceux qui oeuvrèrent (sous la direction de notre directeur de la succursale de la Banque de France à Troyes), pour le sauvegarder et le mettre à l’abri, la France aurait peut-être perdu son indépendance, et ne serait pas restée une grande puissance !
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