Albert Babeau naît le 14 mars 1835. Ses aïeux paternels sont de Ricey-le-Bas. Exploitant leurs vignes, dirigeant une étude notariale, possesseurs de charges honorifiques, conseillers de bailliage à Troyes, cavaliers aux temps héroïques dans l’armée de Pichegru qui capturait les vaisseaux « en trottant sur les glaces des golfes de Hollande », leur filiation atteint le début du nouveau régime ». Le cavalier de 1795 se fait métallurgiste, puis devient inspecteur de la navigation dans le département de l’Aube. Son fils fait carrière dans la même voie, de poste en poste, jusqu’à Paris, puis se retire en Champagne. C’est le père du savant rénovateur de l’histoire de la vie sociale dans l’ancienne France.
Elève de l’université parisienne, Albert Babeau, ses études achevées, se trouve d’abord porté vers les arts. Excellent musicien, il travaille avec assiduité dans un atelier de peinture. Les questions sociales exercent rapidement sur lui, quelque attirance. Zélé collaborateur des travaux de la conférence Molé, on le voit, entre autres participations, rapporter au nom de la commission compétente, une proposition concernant le travail des enfants dans les manufactures.
A 30 ans, en 1865, sous le titre d’« Essais et Souvenirs », il publie un volume de vers. Un peu plus tard, sa vocation réelle est encouragée, à ses débuts, par l’archiviste de l’Aube, d’Arbois de Jubainville, narrateur des fastes du comté de Champagne.
Après la guerre de 1870, où il a accompli son devoir de citoyen, Albert Babeau imprime sa première étude savante, consacrée à un épisode historique dont la ville de Troyes fut le cadre : l’Exil du parlement de Paris dans la capitale de la Champagne, Troyes, en 1787. De cette notice de 120 pages naîtra toute son œuvre historique. Trois ans plus tard paraissent les 2 volumes de l’« Histoire de Troyes pendant la Révolution », sur un terrain à lui, dans la cité que les siens ont administrée, à la vie de laquelle ils ont coopéré depuis mainte génération, se prononçant comme le meilleur ouvrier possible de cette tâche. Impartiale et précise, elle lui établit une réputation légitime. Taine déclare à l’auteur, au moment où il prépare les assises des Origines de la France contemporaine : « Grâce à vous, le département de l‘Aube est un de ceux qui me serviront de spécimen ».
Albert Babeau aborde ensuite un champ d’études « dont il se manifeste comme le premier laboureur ». Il s’attache à l’histoire des formes de la vie d’autrefois. Tâche ardue, qui, exige la minutie des recherches. Paraissent le Village, puis la Ville sous l’ancien régime, puis la Province.
Le thème général de l’œuvre qu’Albert Babeau consacre au Village, c’est étudier la gestion des affaires qui intéressent une communauté rurale, montrer la part définie qu’y prennent la population, l’église, la seigneurie, l’Etat lui-même, indiquer le concours que tous apportent au développement de l’agriculture, à la fonction religieuse, à l’instruction publique…Les villes, il les pénètre et les fait connaître à fond, avec leurs institutions avec leurs corps, leurs richesses, leurs bourgeois, leurs milices, leurs finances et leurs commerces.
Puis se succèdent les études de classes : la Vie rurale : c’est le mobilier, le vêtement, le paysan, l’homme de métier, le gentilhomme, la variété des coutumes, des occupations quotidiennes, des divertissements et des mœurs… La Vie militaire dans l’ancienne France examine et peint l’armée d’alors. Le portrait du soldat, qu’elle dessine – homme de troupe comme officier – c’est celui « de ce soldat vaillant qui a été l’instrument solide, léger et bien trempé de la grandeur de la France, depuis Rocroy jusqu’à Fontenoy ». Les Artisans, avec une série d’esquisses de monographies de travailleurs : tisserand, maçon, boulanger, couvreur et autres… Les Bourgeois ne sont pas moins riches en observations et en faits.
Troyes a sa préférence, vieille capitale dont il connaît et fait aimer en artiste et en savant, toutes les reliques du passé, les monuments, les pittoresques maisons « dont les bois apparents se traversent et dont les pignons triangulaires s’aiguisent », les bras de rivière et les canaux, les mails plantés de grands arbres et les églises délicates que leur dentelle de pierre fait illustres, Troyes, « sœur insulaire et séquanaise de Paris », est son territoire de recherches et son domaine favori.
Quelques autres titres : La France et Paris sous le Directoire, Paris en 1789…
Des peintures : la Mère laborieuse, les Amusements de la vie privée, le Benedicite, La Gouvernante, la Toilette du matin…
L’Institut lui ouvre ses portes en 1901, puis la Société Académique de l’Aube, dont il suit assidûment toutes les séances.
Depuis le 1er janvier 1914, Albert Babeau est enterré à Troyes, dans cette cité qu’il affectionnait par-dessus tout, à laquelle il tenait par tant de liens. Son œuvre lui survit.