Aleran 1er
Dans le cours du IX° siècle, Troyes eu des comtes, non héréditaires. Le premier fut « Aledramnus ou Alerannus » (en latin), « Aledran ou Aleran ».
« Aye d’Avignon » est un poème de la fin du XII° siècle, publié en 1861. Dans la seconde partie de ce poème, parmi les ennemis du héros Garnier de Nanteuil, l’auteur, resté inconnu, met en scène, dans un rôle secondaire, un personnage du nom d’Aleran, qu’il qualifie par 3 fois de « quens de Traysin ou de Troiesin », c’est-à-dire comte de Troyes.
Mais c’est grâce à un mandement par lequel Charlemagne en 813, qui lui prescrit de faire restituer à l’abbaye de Montier-en-Der des biens volés, que l’on connaît le « fidèle » auquel il a confié le comté de Troyes. En effet, libéral envers l’abbaye de Montiéramey, Aleran s’était montré injuste envers celle de Montier-la-Celle, dont il s’était emparé d’une partie des biens situés à « Silviniacus », aujourd’hui Sainte-Vertu (Yonne).
Quelques années plus tard, il fait confirmer par Louis 1er le Pieux (ou Louis le débonnaire 814-840) la possession des biens que l’abbaye de Montier-la-Celle avait acquis.
Lorsque Charles le Chauve, venant d’Auxerre, traverse la banlieue de Troyes, où est situé le monastère de Montier-la-Celle, l’abbé Haldegingus et ses moines lui exposent respectueusement la spoliation dont ils sont victimes, et le prient d’user de son autorité pour que l’injustice dont ils souffrent fût réparée.
Aleran 1er a possédé le comté de Troyes à titre bénéficiaire (c’est-à-dire sans avoir sur ce comté un droit transmissible à ses héritiers) et il a sa notice dans l’« Histoire des Comtes de Champagne » de M. D’Arbois de Jubainville (voir ce chapitre), qui le nomme « Alédramne ».
Il vécut sous les règnes de Charlemagne (768-814), de Louis 1er le Pieux (814-840) et de Charles le Chauve (840-877), et remplit des missions importantes en Italie, à Nurcie, comme « missus dominicus ».
Son nom devient alors « vicecomes », vicomte.
De retour en France en 837, ce comte Aleran confirme au moine Adremar, du monastère bénédictin de la Celle (Montier-la-Celle, fondé un siècle auparavant aux portes de Troyes par saint Frobert, (voir ce chapitre), la possession de la terre nécessaire pour établir dans la forêt du Der, sur les rives de la Barse, une nouvelle Celle, qui s’établit près du « Meiz-Corbon » (maison de Corbon), qu’elle absorba bientôt en y substituant le nom de Nouvelle-Celle-en-Der, Cella-nova-in-Dervo, par opposition à la Celle, fondée aux portes de Troyes, dans les marais de l’Ile-Germaine, du nom de Celle antique, Cella antiqua, la Nouvelle-Celle, Nova Cella, « Nova-cella-in-Dervo », puis, du nom de son fondateur, Adremari monasterium, le monastère d’Adrémare. Ce nom fut remplacé plus tard par celui de « Montier arrame », de « Montier amé », qui devint l’abbaye Montiéramey. Plusieurs rois de France et les Comtes de Champagne furent des bienfaiteurs de cette abbaye.
C’est donc en 837, sous l’épiscopat d’Adalbert, évêque de Troyes (836-845), que le moine Adrémar planta la croix sur un monticule au bord de la Barse. Pour ce moine qui « sortait de Troyes », comme disent les chartes de fondation et de donation, le temps n’était pas seulement consacré à la prière, mais encore au travail manuel, au travail pénible du défrichement. A cette fondation, l’on doit la formation des villages de Montiéramey, de Montreuil, du Mesnil-saint-Père, qui prirent ainsi leur origine, ainsi que les hameaux et fermes qui s’élevèrent dans les environs, des métairies ou granges, comme on disait alors, appartenant aux religieux dont les domaines s’étendirent et s’augmentèrent rapidement.
Charles-le-Chauve, en confirmant les donations faites aux religieux, y ajouta certains fonds de terre et de bois. Le pape Léon IV (847-855), fit de même. C’est pourquoi l’église de Montiéramey a pour patrons, saint Pierre et saint Léon.
Les religieux de Montiéramey avaient demandé à faire essarter (défricher) la forêt du Der, afin d’y établir une église, près de la Barse et de mettre en culture quelques parties de cette forêt. Aleran, comte de Troyes, donna aux religieux la place du couvent et une grande superficie dans la forêt du Der.
Le comte Aleran fait cette pieuse largesse, non pas aux dépens de ses biens patrimoniaux, mais aux frais du fisc royal : « La forêt du Der et les revenus qu’on en tire, dit-il, font partie du traitement attaché à la fonction de comte de Troiesin. Tel est, en effet, ici le sens du mot comitatus. C’est aussi ce qui nous explique, et la nécessité de la confirmation royale dans les actes concédés à l’abbaye de Montiéramey, et l’assentiment des comtes Troiesin, Aleran, Eudes, Raoul, Boson ».
De 844 à 852, Aleran défend Barcelone et la marche d’Espagne à la fois contre les Sarrasins et contre les entreprises du rebelle Guillaume.
Il accompagne Charles le Chauve au siège de Toulouse en 849. Pépin II roi d'Aquitaine (petit fils de Louis le Pieux) est vaincu, et Aleran est alors nommé marquis de Gothie.
Pourquoi Charles le Chauve avait-il fait appel au dévouement du vieux comte de Troyes ? Par ce que, celui qui a servi sous Charlemagne et rempli une mission importante en Italie sous Louis le Pieux, était tout désigné pour cette tâche épineuse. Mais, le nouveau marquis d’Espagne ne fut pas toujours heureux.
A la fin de 848, il est chassé de Barcelone, que la trahison livre à Guillaume.
Au début de 850, Aleran et Isembert, fils de Guérin (poète et écrivain français), attirés traitreusement à une conférence, sous prétexte de conclure la paix, tombent aux mains de leur ennemi. Le triomphe de Guillaume est des plus éphémère. Vaincu dans une rencontre par les fidèles du roi, il court se réfugier dans Barcelone. Aleran, délivré, noue des relations avec quelques Goths. Deux ans après, les Musulmans s’emparent par surprise de Barcelone et ne se retirent qu’après avoir dévasté la ville et passé les habitants au fil de l’épée.
Aleran trouve la mort dans le désastre. Il est tué en 854 en repoussant une attaque des Musulmans.
Son nom n’est plus prononcé depuis lors et, le 10 septembre de cette même année, apparaît un comte Udalric, marquis de Gothie, sans aucun doute, le successeur de notre comte.
Le comte Aleran conserva sa charge jusqu’à sa mort, près d’un demi-siècle, pendant lequel il vit l’édifice impérial, qui reposait sur l’autorité de Charlemagne, chanceler.
Le 25 avril 854, dans un diplôme de Charles le Chauve sur les privilèges de l’abbaye de Montiéramey, il est fait mention du comte de Troiesin, Eudes, et du comte Aleran son prédécesseur.
Aleran était Marquis de Gothie, Comte de Barcelone, Marquis de la Marche d’Espagne.
Aleran II
Aleran 1er a pour successeur le comte Eudes, qui, ayant trempé dans la conjuration de 858, est dépouillé de ses honneurs par Charles le Chauve.
Le Troiesin est alors donné à Raoul, oncle du roi. Mais il meurt en janvier 866.
Troyes passe alors à Aleran II, fils de Aleran 1er, jusqu’en 871. Il est mentionné avec le titre de comte (et de ministerialis) dans divers documents de 868. Il prend part à la bataille d’Andernach, perdue par Charles le Chauve en octobre 876. Aleran II est cité parmi les comtes qui tombèrent aux mains du vainqueur Louis de Saxe, roi de Germanie. En 879, il recouvre la liberté et Louis II le Bègue (877-879) lui fait don de 2 domaines Laonnais. Dans le diplôme relatant cette donation, le roi l’appelle son « proche », ce qui a fait conjecturer qu’il était apparenté avec la reine Adélaïde.
En 884, après la mort de Louis III (879-882) et de Carloman II (879-884), fils aînés de Louis II, Aleran II « passe naturellement au service de Charles III le Gros (882-886), entre les mains duquel tout l’empire franc était réuni ».
Chargé de la défense de Pontoise, lors de l’invasion des Normands, Aleran II est obligé de capituler, mais il obtient les honneurs de la guerre et se retire à Beauvais.
En septembre 886, Charles III, se décidant à marcher au secours de Paris assiégé par les Normands, envoie comme éclaireur, à la tête d’un détachement de 600 hommes, Aleran II et son frère Thierry. Au moment de rejoindre l’empereur, après s’être heureusement acquittés de leur mission, les 2 frères, harcelés par l’ennemi et obligés à un retour offensif, rejettent les barbares du Nord au-delà des hauteurs de Montmartre et en tuent un grand nombre.
Fidèle aux Carolingiens, Aleran II embrasse, après la mort de Charles le Gros, le parti du fils posthume de Louis le Bègue, Charles III dit le Simple (893-907).
En 900, il est possesseur des comtés de Pertois et de Chamsesais.
Il décède sans laisser de descendants directs.
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