Ce fut un homme qui n’avait qu’un seul souci « servir ». Par l’épée, par l’exemple et par la plume.
Il a terminé sa vie en solitaire, vivant simplement dans sa petite maison de Courtioux, hameau de la Saulsotte, où il était né, fils d’un petit entrepreneur de Travaux publics.
Il a gravi un à un les échelons de la hiérarchie militaire. Son violon d’Ingres, la poésie, l’Histoire ancienne.
Une anecdote : la grande guerre, il la fit avec ses tirailleurs marocains, puis partit en Syrie, à Beyrouth. Ce fut la révolte des Druses, et il fut un héros dans l’affaire Révolte des Druses. Soudëia était assiégée. La colonne Michaut venait d’être massacrée. Une seconde colonne de secours et surtout de ravitaillement montait vers la place. Moreau en commandait l’avant-garde. Sur son cheval, le commandant était inquiet. A ce moment, derrière lui, la colonne devait traverser une région de rochers, d’éboulis, magnifique terrain pour une embuscade. Pas un coup de feu, pas un burnous. Son instinct de blédard, lui disait que derrière lui, un drame commençait à se jouer. Il n’envoya pas une liaison derrière lui, il organisa sur place son infanterie. Puis, à la tête de ses cavaliers, il reflua sur la colonne, non par le chemin parcouru, mais en décrivant un arc de cercle, aussi vite que pouvaient donner ses chevaux. Et du haut d’une crête, il vit le drame qui se jouait sur sa gauche. Une nuée de burnous, bondissant de rochers en rochers prenait la colonne par le travers tirant sur les attelages. Des hommes étaient déjà tombés. Ce serait bientôt l’assaut final, le massacre ! Son unique mitrailleuse fut mise en position pour tirer parallèlement à la colonne. Il n’avait que 50 cavaliers. Le plan fut rapide comme l’action : charger en plein flanc les Druses. Ses 2 trompettes devaient sonner la charge, repasser la crête et déboucher avec les 8 derniers cavaliers en faisant le plus de bruit possible, le muletier de la mitrailleuse tirant dans le ciel les fusées comme pour l’artillerie. Ce plan, avec une poignée d’hommes, s’exécuta. Les Druses surpris s’arrêtèrent. Craignant d’être pris au piège, ils refluèrent, pour retrouver leurs chevaux. Moreau y est en même temps qu’eux, hommes et bêtes fuient. Ses cavaliers en ont raflé assez pour refaire les attelages. Moreau remet de l’ordre dans le convoi et, le lendemain soir, c’est sous les vivats de la garnison qu’il entre en même temps que dans l’Histoire de la guerre du Djebel Druse.
Historien, il fouillait le passé, se penchant sur les vieilles pierres, les inscriptions qu’il pouvait trouver dans ses randonnées dans le désert. Un vieux moine copte les traduisait.
Il aimait Damas, la grande ville syrienne où vivaient des milliers de familles en révolte ouverte.
On lui confia de pacifier tout ce secteur. Moreau remit son sabre au fourreau, et c’est après d’interminables palabres, qu’il négocia, sauvant ainsi d’une mort sans gloire, des dizaines de tirailleurs.
Des grandes villes mortes, enfouies dans les sables et la poussière des siècles, il aimait à en conter l’histoire comme celle de Palmyre. Il aurait été malheureux en 2017, avec la destruction de ces trésors archéologiques par les djihadistes.
Tour à tour, cavalier ou méhariste, il fut l’hôte de ces grands chefs du désert, autant brigands que pasteurs. Pour eux, il était la France, pacifique et compréhensible. Il se pliait à leurs traditions, partageant avec eux le mouton rôti ou la précieuse outre d’eau. Ferme et énergique, au moment voulu, il faisait rentrer pillards et dissidents dans l’ordre. Il ferma des routes caravanières à la demande des Anglais quand la révolte grondait en Palestine musulmane, et il cueillit des trafiquants d’armes. De la région d’Alexandrette il a gardé un excellent souvenir de ses voisins les officiers turcs.
Avec la retraite, ce fut le retour vers la France, à Courtioux, où le soldat devint écrivain, poète. Il chantera en prose et en vers tout cet Orient bigarré, cette Afrique du Nord dont il avait conduit les fils jusqu’au Rhin et ensuite aux rives de l’Euphrate. Son premier recueil de poésies : « L’œil noir des Hespérides », il le consacrera entièrement à l’Afrique du Nord : Fez, Casablanca, les types bariolés qui font la vie arabe, en vers : « Le Petit cireur », « Le Bourriquot », « Le mendiant », « Le toubib », « Le marchand d’épices »…
La guerre de 1939 l’arracha à son ermitage et à ses poésies. Il prit la tête d’un régiment de pionniers.
Le désastre de 1940 le rendit à son village.
Personne ne fut étonné quand la Gestapo, un matin, vint l’arrêter, devançant seulement de quelques minutes l’homme de liaison venu lui dire de fuir. Le colonel Moreau fut interné dans un château des Sudètes transformé en prison. Il eut comme compagnon de captivité Pierre de Gaulle frère de celui qui sera Président de la République. Libéré par l’avance américaine, Antonin Moreau regagna Courtoux.
Un an après, il acceptait d’être le candidat des « Républicains sociaux » sur la liste des centristes. Il sortit de cette campagne complètement écoeuré, alors qu’il allait aux suffrages pour servir la France et le Général qui l’incarnait.
Rentré chez lui, il reprit sa plume. Il devint le poète écrivant pour les
enfants, leur présentant son dernier livre « Le Tournoi des fées ». Ses contes étaient vraiment les « Mille et une nuits »
pour les enfants. Nous lui devons encore « Un jour entier », Un essai sur la Pensée et le Devoir », « Le Combattant »…
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