Pour faire connaître le docteur Paul Carteron, il faudrait publier un volume. On est saisi d’admiration à la vue de cette série de cartons où sont rangés avec un si grand ordre, les mémoires les plus intéressants, sur les épidémies, la médecine légale, et sur une foule de questions médicales.
Paul-Alexandre Carteron naît aux Riceys le 22 mars 1813. C’est le second de 6 enfants dont l’un meurt en bas âge. Sa famille, livrée à des occupations commerciales et dans une position d’aisance notable, est très considérée. Son père lui est enlevé le 14 août 1839, à l’âge de 65 ans, pendant qu’il est encore installé à Bar-sur-Aube. Sa mère meurt à Troyes en 1857, à l’âge de 68 ans. Il perd sa sœur aînée en 1829, alors qu’elle n’a que 19 ans. De ses 2 frères, l’un André se fixe à Epernay, l’autre, Edouard, est élève de l’Ecole polytechnique et devient consul à Stettin (il se lance dans la politique, voir le sous-chapitre « aux électeurs 1848 », dans le chapitre « politique »).
Carteron commence ses premières études de latin aux Riceys, dans la pension de M. Gauthier, qui devint plus tard professeur de 5° au collège de Troyes. Un caractère vif, une intelligence distinguée, une mémoire exceptionnelle, le font remarquer de ses maîtres et de ses camarades. Carteron se livre avec ardeur aux études classiques, l’abbé Fleury étant principal du collège. A la suite d’un dissentiment grave survenu entre lui et la mère de Carteron, celui-ci quitte cet établissement, pour aller finir ses cours au collège royal Louis-le-Grand à Paris.
Comment Carteron qui semble destiné à l’Ecole normale, se décide à la médecine ? Il y est encouragé par son parent le Dr Andry, qui devient plus tard agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. Un jour, on voit le jeune collégien Carteron prendre la diligence aux Riceys, pour aller suivre les cours à la Faculté. On ne voyage pas vite à l’époque, il faut coucher en route, déjeuner, dîner, et l’on arrive couvert de poussière et accablé de fatigue. « Carteron a amusé bien des fois ses enfants par la description du costume étriqué qu’il avait revêtu, et qui faisait ressortir la longueur de sa taille et l’extrême maigreur de sa personne ».
En 1831, il est reçu bachelier-ès-lettres, et il commence à suivre les cours de sciences naturelles, physiques et chimiques, et plus tard les exercices de l’Ecole Pratique. Carteron concoure avec succès pour l’externat. Il n’échoue à aucun examen, et les passe tous ainsi que sa thèse, avec d’excellentes notes. En 1832, il se trouve à Paris, lors de l’invasion du choléra qui fait en peu de mois de si cruels ravages. Ce c’est un temps dur à passer, fécond en fatigues et en dangers. Outre la possibilité de contracter la maladie en donnant les soins aux cholériques qui, au début de l’épidémie, meurent avec une rapidité effrayante et comme foudroyés, les médecins ont encore à redouter les violences du populaire. Le fléau ne sévit d’abord que sur les classes les plus pauvres. Ce n’est qu’un peu plus tard que les classes élevées sont atteintes. Le peuple de Paris, frappé de sa prédilection pour les ouvriers et les indigents, accuse les religieuses, les prêtres et les médecins d’empoisonner les malades. Un instant, la position est terrible, mais religieuses et médecins, prêtres séculiers et réguliers, tout le monde reste inébranlable à son poste, et plusieurs paient de leur vie leur dévouement. Carteron qui se prodigue à l’hôpital et dans son quartier, reçoit de la ville de Paris une lettre de remerciements et une gratification de quatre inscriptions. Sa robuste constitution et sa sobriété le préservent des atteintes du choléra, et quand celui-ci disparaît avec sa dernière victime, le cours des études est repris avec une nouvelle vigueur, dans cette ville où les regards attristés ne rencontrent que des personnes en habit de deuil !
Reçu docteur en médecine le 1er juin 1837, Carteron s’établit d’abord à Bar-sur-Aube qu’il quitte en 1839, aussitôt son mariage, le 3 février, avec la fille de M. Gréau, l’un des premiers manufacturiers de Troyes. Par ses relations étendues, ce dernier aide puissamment son gendre à se créer une clientèle, modeste d’abord, mais ayant rapidement pris des proportions qui placèrent Carteron au rang des médecins les plus occupés de la ville. Le 4 juin 1839, il est nommé par le maire de Troyes médecin du Bureau de Bienfaisance. A partir de 1841, il est désigné pour assister le conseil de révision dans sa tournée de recrutement. En janvier, il est chargé, comme médecin de l’Etat-Civil, de la constatation des décès. Le 27 novembre, on lui demande la surveillance des pharmacies des maisons de charité de la ville. En 1844, il est nommé chirurgien aide-major du bataillon de la garde nationale de Saint-Martin-ès-Vignes. En 1845, il est médecin-juré près le tribunal de Troyes. En 1847, il est chargé de l’expertise médicale dans le procès intenté par le gouvernement aux entrepreneurs de la maison centrale de Clairvaux. En 1852, il est médecin-adjoint de l’Hôtel-Dieu. Il est chargé par le Préfet de visiter les asiles d’aliénés de Saint-Dizier et Maréville. Il est membre puis Président du Conseil d’hygiène en 1853. En 1875, il est Président de la commission départementale pour la protection des enfants du 1er âge, En 1853, il est Président du Conseil de santé des Hospices, médecin des Prisons, en 1855, il est médecin du Lycée et médecin cantonal pour le 2° canton de Troyes, médecin titulaire de l’Hôtel-Dieu, en 1858, membre et président du jury médical en 1860. Il est président le l’association des médecins du département pendant 16 ans, et pendant 30 ans, médecin de la salle d’asile Saint-Pierre. Lors de la création du chemin de fer, il devient médecin principal de la section d’Orléans à Châlons.
Pendant l’invasion de 1870, il est chargé des missions les plus diverses et les plus fatigantes. Il devient membre du Comité chargé d’organiser des secours pour le traitement des blessés et des malades. Il est également chargé d’examiner devant le Conseil de révision les gardes-mobiles et est nommé chirurgien-major de la garde nationale. Quand la ville est envahie le 9 novembre 1870, Carteron est chargé du service médical de l’ambulance de la Croix des Fourches. Comme médecin de l’Hôtel-Dieu, il se donne chaque jour à une énorme quantité de malades qui remplissent les salles. On est obligé de mettre des matelas sur les parquets des salles.
Il décède le 20 mai 1881, ses obsèques ont lieu à la Madeleine le 23
De son premier mariage, Carteron a 3 enfants : l’un meurt en naissant, à la suite d’un travail des plus pénibles et qui met les jours de la mère en danger. Des deux autres, jumeaux, l’un meurt à l’âge de 3 ans, l’autre à l’âge de 7 ans, alors qu’il a contracté une seconde union, après avoir eu le malheur de perdre sa première femme. Après 2 ans de veuvage, il épouse le 25 mai1845, aux Riceys, Mademoiselle Clément. De ce mariage naissent 3 enfants, dont l’aîné est Emmanuel Carteron, docteur en droit, avocat à la cour de cassation.
Le 22 novembre 1870, il est veuf pour la seconde fois, son épouse ayant succombé « à une maladie qui ressemblait fort à celles que l’on observait à l’Hôtel-Dieu et qui devenaient nombreuses en ville ».
Carteron était « de grande taille, sec, maigre, osseux…il excellait dans l’art de la natation et de l’équitation… il était très amateur et très connaisseur en chevaux, et il monta à cheval jusque dans ses dernières années. Doué d’une facilité d’élocution des plus remarquables, écrivain des plus distingués, il brilla partout.
Le docteur Carteron habitait l’Hôtel du XVI° siècle, ayant appartenu à Juvénal des Ursins, célèbre par le séjour qu’y fit en 1429 Isabeau de Bavière, et par la signature du honteux traité de Troyes, qui livrait la France au Roi d’Angleterre.
En mémoire de son père et de sa mère, Carteron restaura et ornementa la chapelle de Saint-André (patron de son père) dans l’église de Riceys haut et fit don d’une très belle verrière (inaugurée par Mgr Cortet, évêque de Troyes) représentant saint Paul, saint André, saint Edouard, sainte Eugénie et sainte Thaïs, patrons et patronnes de son père, sa mère, son frère et sa sœur morte.
Carteron laisse un grande quantité de rapports, de mémoires, de manuscrits de toutes sortes, comme sa thèse inaugurale, ses observations médicales, ses rapports sur les épidémies, ses rapports de médecine légale, ses communications à la Société Académique et au Conseil d’hygiène…
Le dévouement et le talent avec lesquels il remplit les fonctions qui lui ont été confiées, lui méritent des lettres de félicitations des divers Préfets qui se succédèrent à la Préfecture de l’Aube, et d’autres hauts fonctionnaires. En 1873, il reçoit la médaille d’argent comme vaccinateur, il est officier d’Académie, en 1975, il est membre de la Société Académique de l’Aube, où « l’on apprécie la justesse de son esprit et la rectitude de son jugement », il est fait Chevalier de la Légion d’honneur en 1871.
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