Gustave Arnould-Fleury naît à Troyes en 1818, « d’une famille de négociants estimés ». Il fait toutes ses études au collège de Troyes, et passe son baccalauréat à Paris.
En 1895, il raconte à un ami troyen, Truelle Saint-Evron l’histoire de sa vie :
« A l’âge de 19 ans, j’assistai dans la Cathédrale de Troyes, à un sermon de l’abbé Combalot. Le prédicateur fit un tel éloge de la Grande Chartreuse, il la dépeignait sous un aspect si séduisant, que je me promis d’aller la voir un jour. En effet, dans un voyage à Grenoble, je vins au monastère. Je fus séduit. Mon âme, déjà portée vers les choses religieuses, sentit que son bonheur serait ici. Ma décision fut bientôt prise, et, quand je fus de retour à Troyes, je déclarai à mes parents que je voulais entrer à la Grande-Chartreuse. Mon père me répondit simplement : nous verrons cela quand tu seras majeur. Ma résolution ne fit que s’affermir. 2 ans plus tard, j’étais majeur. Mes parents me laissèrent libre, et je partis. Je me rappelle que, le jour où j’allais entrer à la Chartreuse, en déjeunant à Saint-Laurent-du-Pont, je dis à la maîtresse d’hôtel, qui me servait une côtelette de mouton : Voilà probablement la dernière côtelette que je mangerai, je vais entrer à la Grande Chartreuse. J‘eus en effet le bonheur d’être admis. J’étais bachelier ès-lettres, je pus me mettre sans retard à l’étude de la théologie, et en 1843 je dis ma première messe…».
Désolés de son départ, ses parents vinrent s’installer, chacun, à tour de rôle, dans le voisinage du monastère, espérant que leur fils céderait aux supplications de leur tendresse, et consentirait à regagner la maison paternelle. Ils ne renoncèrent à leurs tentatives, que le jour où la profession religieuse du jeune Chartreux leur enleva tout espoir d’y réussir. Tristement, ils revinrent à Troyes, dévorant leur chagrin en silence, et jamais plus ils ne retournèrent à la Chartreuse.
Le Père Timothée continuait :
« Dieu m’a réservé la meilleure part en me donnant à 19 ans, une vocation qui me rapprochait de lui. Peut-être cette vocation m’a-t-elle privé de quelques belles journées, mais elle m’a préservé des illusions de la jeunesse, et surtout des désillusions de l’âge mûr. Certes, Charles Delaunay, l’une des gloires de mon Collège, a pu avoir de justes sentiments d’une fierté bien légitime, lorsqu’il s’est vu membre de l’Institut et directeur de l’Observatoire. Mais il a suffi d’un simple coup de vent, dans la rade de Cherbourg, pour faire chavirer la barque qui portait cet homme de génie et pour mettre ainsi fin à un beau rêve. Ce qui me prouve qu’aux yeux de Dieu, même les plus grands sont infiniment petits. En arrivant ici, j’ai commencé par apprendre à chanter aux enfants de la vallée. J’étais le plus jeune, et l’on me trouvait la voix la plus fraîche. Mais plus tard, j’eus de bien d’autres occupations. On m’envoya dans diverses Chartreuses, en particulier dans celle de Glandier, où s’était passée la triste affaire Lafarge*. J’ai été prieur de plusieurs maisons… Grâce à mon antiquité, je suis le troisième au chœur, immédiatement après le Révérend Père Général et le Père Vicaire. En leur absence, je deviens le premier. Mais c’est un honneur auquel je ne tiens guère, à mon âge, on n’aspire plus qu’au repos… ».
Le Père Timothée décède en 1895, quelques jours après avoir raconté sa vie.
En 1840, la Corrèze et le pays tout entier connurent une agitation sans précédent autour de l'affaire Lafarge. Cette dernière sépara la France en deux camps : les Lafargistes et les anti-Lafargistes. Il s'agissait en fait bel et bien d'une affaire politique. En ce sens, le contexte et la position sociale des acteurs de cette affaire ont vivement déchaîné les passions. Marie Fortunée Capelle, femme Lafarge, née le 15 janvier 1816, fille d'un colonel d'artillerie de la garde impériale, petite nièce naturelle de Louis Philippe, roi des Français, représentait la monarchie orléaniste en face du clan légitimiste. Le procès, en 1840, porte, au tribunal de première instance, sur un délit de vol de bijoux, et aux Assises, sur un crime par empoisonnement de son mari.
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