Tous ceux qui ont connu Paul-Marie Lepage ont fait l’éloge de l’homme. Les uns ont reconnu la chaleur de son accueil, sa courtoisie et sa modestie, d’autres ont apprécié son inlassable dévouement lors des expositions de la « Société Artistique de l’Aube ». Ses anciens élèves lui sont reconnaissants de ce qu’il les ait initiés à l’art et leur ait transmis son idéal de beauté. Evoquons l’artiste bien vivant, créateur d’une œuvre importante par son ampleur et sa qualité.
Paul-Marie Lepage nait en 1909 en Meurthe-et-Moselle, au village de Norroy qui domine la belle vallée de la Moselle et Pont-à-Mousson. Il témoigne tout jeune de dons artistiques exceptionnels. Après de solides études à l'école des Beaux-Arts de la capitale de la Lorraine, il a obtenu, à l'échelon provincial le Prix Jacquot de France suivi, à l’échelon national, d’un 1er et 2° Prix pour l’aménagement de l’Ecole Ménagère de Bourges et d’un 2° Prix au Concours de la Société d’Encouragement à l’Art et à l’Industrie. Il passe ensuite avec succès le Concours d’entrée à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs, et son succès au Concours de Galeries de l’Ecole Nationale des Beaux Arts, lui vaut d’entrer à l’atelier Devambez (Professeur à l’Ecole Nationale des Beaux Arts, Grand Prix de Rome en peinture, peintre officiel du Ministère de l’Air).
Ce fut Nancy qui eut le privilège de sa première exposition particulière, à la Galerie Mosser, puis Toulouse, Marseille et Mulhouse firent à leur tour connaissance de ses tableaux. Attiré par d’autres horizons, P-M Lepage quitte la France pour la Martinique. Son séjour à Fort-de-France, qui devait être primitivement de courte durée, se prolongea bien au delà de la fin de la guerre, et ce ne fut qu’en 1950 que, riche d’expérience et de travail, il est venu s’établir définitivement à Troyes.
Il est nommé professeur de dessin au Lycée de Garçons. Il expose régulièrement à Troyes, et son exposition compte parmi les manifestations artistiques les plus distinguées, qui honorent cette capitale de la Champagne.
Elu membre résidant de la Société Académique de l’Aube, il profite de son remerciement pour développer devant la savante compagnie quelques idées sur la peinture et déclare qu’elle « est un art difficile qui, au fond, ne s’explique guère ». P-M. Lepage a peint aux Antilles, en Italie, en Bretagne… Mais dès son installation à Troyes, il s’est intéressé à la Champagne méridionale. Lepage reprend de fréquents contacts avec les milieux artistiques de Paris. Chaque année, il expose dans plusieurs Galeries et Salons parisiens. Son « Saint-Nizier sous la neige » obtient en 1953, une médaille d’argent au Grand Salon. Il participe régulièrement aux Expositions des Sociétés Artistiques de Troyes, Auxerre, Sens, Deauville, et chaque année, à Troyes la Galerie de la rue Georges Clémenceau abrite son exposition particulière de plus de 60 toiles, toutes nouvelles.
Chacune de ses expositions annuelles lui fait la place plus large. Au début, l’œuvre principale du peintre est un triptyque sur Troyes. Petit à petit, sous son pinceau, apparaît de notre province une image originale qui mérite d’être mise en lumière. Le peintre se prend d’amitié pour 3 petites vallées : il a flâné le long de la Barse et plus encore sur les bords de l’Ource et de la Laigne. Elles lui ont fourni des motifs pittoresques à souhait, dont il a su tirer d’heureux partis. Tout en restant égal à lui-même, le peintre se renouvelle sans cesse, tant dans le choix de ses sujets que dans sa manière de les traiter. Ses recherches personnelles, son métier de professeur ont fait de M. Lepage un maître, sans défaillance. Il sait déceler dans un paysage une architecture, l’isoler, la mettre en valeur. Une « Vue des Riceys » est remarquable. Il s’agit de l’église de Riceys-Haut, le jour des communions solennelles. C’est dans le domaine de la couleur et de la lumière, que Lepage réserve le plus de surprises. Le peintre a de la prédilection pour les paysages de neige, mines inépuisables, qui lui valurent beaucoup de succès. On remarque une « Briqueterie au Mesnil-Saint-Père », qui est appelée à s’engloutir dans le grand réservoir Seine en construction, et qui servira de valeur de souvenir. Une vue du « Bassin de la Préfecture », sur fond d’immeubles en construction, est remarquable. Sur la ville comme sur la campagne, beaucoup de soleil et de lumière : parti d’un « Jardin du Préau », où fuse le printemps, on arrive au « Transept nord de la Cathédrale » tout baigné de lumière, puis à une « Rue Kléber », aux tonalités chaudes, et on débouche sur une « Rue Pithou » riche de bleus. De « Vieilles maisons d’Essoyes » sont pimpantes de soleil. Tantôt, le peintre s’attache à fixer un moment du jour : « Soir qui tombe sur une mare », « Dans un bois des environs de Lusigny », « Les foires de Mars », « La Barse débordée », « L’étang de la Grande Morge » au début, puis à la fin de l’automne, « Impasse Gambey sous la neige », « Eglise Saint-Urbain vue de la rue Gambey », « Rue de Vauluisant », « La Tour Saint-Pierre », « La rue Paillot de Montabert »… S’il se familiarise chaque jour davantage avec la Champagne, Lepage reste fidèle à la Bretagne. En août 1961, il passe 8 jours à Camaret-sur-Mer, et y peint sans relâche. Son assiduité lui a valu les honneurs du « Télégramme de l’Est et de l’Ouest » : « … Cet hiver, Troyens et Parisiens auront le plaisir de découvrir la chapelle de Rocamadour et la Tour Vauban, sous un ciel pommelé ».
Rappelons que la colonie fut le cadre de ses activités aussi nombreuses que variées. Il y resta fidèle à son principe d’exposition annuelle de ses œuvres. Une maquette de 4 m² lui valut le 1er Prix au « Concours d’aménagement de la savane » et le titre de membre de la « Commission d’Urbanisme ». Le manque de matériaux résultant du blocus de l’île pendant la guerre et l’absence de relation avec la France et les pays voisins l’ont obligé à se mettre au bois gravé et à l’illustration de livres. Il dut fabriquer lui-même ses outils de graveur et ses planches, dans le bois des îles. Il grava des billets de banque et obtint 2 premiers prix pour ses maquettes de timbres poste pour la Guadeloupe.
Nous lisons sous la plume d’un critique littéraire : « Il y a dans l’œuvre de cet artiste une absence de ce parti-pris faussement intellectualiste qui fit plus la fortune de certains marchands de tableaux que celle des peintres, mais en revanche une qualité de vision, d’exécution et de rendu qui classe P-M. Lepage au nombre des meilleurs. Ce qui charme dans ses toiles, c’est, outre la rigueur du dessin, une charpente très étudiée, avec rappels de rythmes et de formes sans lesquels toute œuvre reste veule et inconsistante ».
Dessinateur, coloriste nuancé et solide constructeur, P-M. Lepage est bien l’artiste qu’attendaient les belles et délicates architectures de nos cathédrales et églises de nos campagnes, les vastes panoramas de Champagne, de cette province où il a su découvrir les amples perspectives plongeantes auxquels il excelle. Il est arrivé chez nous dans toute la force de sa maturité avec un passé d’artiste déjà riche de créations.
En 1976, Paul-Marie Lepage est frappé brutalement par la mort, alors qu’avec son épouse, il venait à peine de rentrer d’un séjour en Bretagne, « heureux d’y avoir bien travaillé », comme il aimait le dire.
Lors de son décès, le Président de la Société Académique dit : « Tous ceux qui ont connu Paul-Marie Lepage ont fait l’éloge de l’homme. Les uns ont reconnu la chaleur de son accueil, sa courtoisie et sa modestie. D’autres ont apprécié son inlassable dévouement lors des expositions de la Société Académique de l’Aube. Ses anciens élèves lui sont reconnaissants de ce qu’il les ait initiés à l’art et leur ait transmis son idéal de beauté… ».
Il reçut en 1957 la Médaille d'Or et le Prix Corot au Salon des Artistes Français.
Un grand merci à Chantal Rouquet directrice des Musées et à son service pour m'avoir permis de reproduire quelques œuvres de Jean-Marie Lepage.
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