Le 6° colloque international du Centre de recherche sur la littérature du Moyen Age et de la Renaissance s’est tenu à Troyes le 26 janvier 1991. Il avait pour sujet : « Pierre Poupo, écrivain champenois du XVI° siècle ».
Pierre Poupo est né à Bar-sur-Seine vers 1550-1552, d’une famille de marchands tanneurs, depuis longtemps dans ce pays. C’est à Bar-sur-Seine que, ses études de droit terminées en 1574, il prend une charge d’avocat au bailliage. Avec un sentiment très vif de la nature, il a laissé de la petite ville et de ses environs, du village de Jully-sur-Sarce et « ses plaisants vergers » (où la famille Poupo possédait un bien), une peinture enthousiaste dont l’exactitude perce sous les harmonies de l’éloge poétique. Il en est le meilleur chantre, en des vers qui devraient être dans la mémoire de tout Barséquanais : « Si le mariage de la vigne et des arbres est un motif de poésie latine, Poupo l’a vu à Jully ». Cette poésie ne reste pas profane : un sonnet dédié à Denis Le Bey se clôt sur le regret que le village reste catholique, méconnaisse la vraie foi : celle de l’église réformée.
En avril 1578, Nicole Le Bey, amie d’enfance du poète, épousait Sébastien Bruneau. Poupo composa un épithalame où il loue l’épouse et la vie vertueuse, dans le cadre champêtre de Jully-sur-Sarce
Pierre Poupo a laissé un recueil de vers, « La Muse Chrestienne », qui, tout entière retentit des lieux et des choses de la terre natale du poète. On n’en connait aujourd’hui que 5 exemplaires : 2 à la Bibliothèque de l’Arsenal, 1 à la Bibliothèque nationale, 1 à la Bibliothèque du protestantisme et 1 à la Médiathèque du Grand Troyes.
Le livre et l’auteur sont très vite tombés dans l’oubli. Le poète a pâti, aux yeux des catholiques, d’avoir été protestant, et pour ses coreligionnaires, de n’avoir pas professé une orthodoxie irréprochable. Des érudits suisses ont étudié les sonnets commémorant des épisodes marquants de la guerre entre Genève et le Duché de Savoie.
Poupo s’est exilé en 1585 à la suite de l’édit de Nemours.
Des personnages nombreux figurent dans « La Muse Chrestienne » : amis, gens de guerre, hommes de savoir. C’est un aspect important de l’œuvre que de se faire l’écho des relations entre le poète et eux. Poupo se révèle ainsi ami attentionné, qu’inspirent, par exemple, des événements familiaux. Cultivé, amateur de belles-lettres, avide de savoir. Il est aussi attentif aux affaires du temps. Il s’est trouvé à Genève à un moment critique de l’histoire de la ville. Il a le sentiment de l’importance décisive des heures vécues : l’avenir de la Réforme peut en dépendre. Il dit son admiration pour les faits d’armes, pour la valeur des grands chefs de guerre, mais aussi pour les humbles défenseurs, en une « poésie martiale, tout imprégnée de piété et de références bibliques ».
Exilé, Poupo n’oubliera pas ses amis : il compose des sonnets à l’occasion de la naissance de leurs 2 filles.
En 1590 sont publiés les 2 premiers livres. Le premier est marqué par la Champagne, et est dédié à Nicole Le Bey et à son mari. Certains sonnets semblent avoir été écrits pour Nicole, en particulier à l’occasion de la naissance de ses enfants. Ce livre contient la déploration d’un frère apparemment prénommé Nicolas, que le poète souhaite rejoindre à sa propre mort.
Le livre II évoque l’union du poète à une Bourgogne en 1586. Une série de poèmes évoque les figures de toute une petite société bourgogne de réformés exilés. Le poète évoque une affection pour un demi-frère dont il se trouva séparé par divergence confessionnelle. Ce livre contient un sonnet de deuil écrit à la mort de René, premier enfant de Denis.
Le livre III paraît en 1592.
Poupo produit un épithalame à l’occasion du mariage du futur maire de Bar-sur-Seine, Jean de Laussoirois. Véritable petite pièce de théâtre, ce morceau met en scène des bergers et des nymphes.
Le monde de Pierre Poupo, ce sont Bar-sur-Seine et son pays, les amis et relations, dont le nombre est élevé, la vie intérieure de l’humanisme champenois et poète protestant.
Pierre Poupo fut très attaché à sa terre natale. La terre de Bar-sur-Seine, à n’en pas douter, exerça sur lui des influences profondes. C’est là que dans sa jeunesse, il s’enflamma pour les « doctes fillettes », les muses inspiratrices : c’est le Barséquanais avec ses plateaux coupés de vaux profonds et retirés, plateaux aux pentes propices à la vigne et aux vergers, et que séparent des vallées où 5 rivières promènent leurs méandres à travers prés et champs, entre des rives ourlées de peupliers, de saules et de buissons :
Le parterre égalé d’une rase campagne
N’accomode si bien sons hoste ou les forins
Que le pays bossu, où les vins et les grains
Bigarrent haut et bas, le val de la montagne.
Poupo a consacré un sonnet au village de Jully-sur-Sarce, avec ses plaisants vergers, un lieu familier qui lui plaisait particulièrement :
Quand je te vois Jully, je pense voir l’image
Du premier paradis, d’où l’homme fut chassé
Tant tu es jolie et proprement troussé
En tes plaisants vergers et en ton jardinage.
La petite rivière au long de ton bocage
De mousse et de vergers haut et bas tapissé,
Ressemble un passement de fin argent tressé
Au bord d’un vêtement pour enrichir l’ouvrage.
Soit pour les ceps lacés, aux arbrisseaux voisins
Qui leur portent leurs bras tout chargés de raisins,
Soit pour prendre exercice, ou demeurer tranquille,
Ce petit coin me plaisiait et me rit par sur tous :
Mais le plaisir, Le Bet, en serait bien plus doux
S’on voyait planté l’arbre de l’Evangile.
A cet endroit, Poupo associe le nom des Le Bey, une famille qui lui était proche, notamment Denis Le Bey, un ami intime, poète comme lui, à qui il s’adresse dans le sonnet. Mais aussi Nicole Le Bey, sœur du précédent, dont Poupo se reconnaissait l’obligé : il lui devait sa conversion au protestantisme.
En 1578, elle épousa Sébastien Bruneau. Pour eux aussi le poète composa un épithalame.
Poupo ne revint jamais à Bar-sur-Seine, il décède à Genève, à une date incertaine, après avoir perdu ses enfants en bas âge et son épouse.
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