Thibaud II a été appelé par l’histoire Thibaud le Grand. Ce surnom, il ne le doit pas à ses victoires militaires, mais au regard lucide qui lui a permis d’apercevoir, avant les princes de son temps, les nouveaux champs de bataille que l’évolution économique leur proposait. Il a pu ainsi tirer le meilleur parti pour la constitution de l’unité et de l’autonomie champenoise de l’élan vital né en Occident, dont les effets se font partout sentir en son temps. " Démographie, agriculture, industrie, monnaie et commerce : tout progresse, tout s’accélère ".
Thibaud ne tarde pas à rencontrer l’abbé de Clairvaux. Bernard devient son ami, un ami attentif à le conduire sur la voie de la sagesse et de la miséricorde.
Ils se rencontrent plusieurs fois, et d’abord au concile de Troyes en 1128.
Ensuite, le comte se rend lui-même à Clairvaux au moment où saint Bernard s’emploie à le réconcilier avec le roi Louis VII.
Thibaud suit les conseils que Bernard lui prodigue en de nombreuses lettres, pleines de marques d’estime et de considération, où il lui demande notamment d’ouvrir généreusement ses greniers aux pauvres dans les périodes de famine, d’aller visiter les hôpitaux, et de renoncer au luxe.
Thibaud comble de bienfaits le monastère de Clairvaux, qui lui doit sa reconstruction en 1135.
En même temps, à Troyes, le comte se préoccupe d’installer des chanoines réguliers à Saint-Loup, intervenant dans la marche de cette abbaye, " pour faire rentrer les chanoines qui y mènent trop douce vie, sous la règle augustinienne ".
Thibaud II attire toute l’Europe aux foires de Troyes, et institue le " conduit des foires ".
Il signifie ainsi qu’il étend hors de ses domaines sa protection aux marchands, qu’il " conduit " comme s’ils lui " appartenaient " encore. Ceux qui les attaqueraient, allant aux foires ou en revenant, auraient affaire au comte de Champagne, qui n’hésiterait même pas à recourir au roi, comme ce fut le cas en 1148.
C’est pourquoi les commerçants, ainsi rassurés, vont être attirés vers Troyes, hors de leurs lointaines régions.
" A leur arrivée dans sa ville de foire, le comte offre aux marchands bon hébergement et toutes les commodités nécessaires à l’exercice de leur métier: entrepôts, halles, étals, places et rues réservées. Au lieu de tentes dans la prairie, il leur assure le logement dans des maisons qu’il loue ou même fait construire dans les quartiers qu’il détermine. Le comte se préoccupe aussi d’assurer une capacité hospitalière suffisante pour accueillir les marchands, souvent épuisés par les fatigues de la route ".
Des maisons définitives en bois commencent à se bâtir dans le quartier des foires, autour des places du Marché-au-blé (Place Jean Jaurès) et de l’Etape-au-vin (place Audiffred), là où se rend la justice, auprès du pilori.
La grande diversité des poids et mesures d’un pays à l’autre exige un strict contrôle et l’adoption d’un étalon unique tels " l’aulne " et " le poids de Troyes ", un poids dont le système anglais actuel conserve des survivances.
Les itinéraires commerciaux ont fait de Troyes le pivot des échanges internationaux, pour deux siècles. La ville se trouve à la jonction des routes venant du sud, du nord, et du nord-ouest. L’ancien chemin romain et carolingien, qui menait de Langres à Châlons et à Reims, s’est détourné à son profit.
Thibaud II, est à ce point conscient de l’importance que revêt pour l’avenir de ses foires la présence des marchands de draps flamands, qu’oubliant les vieilles rancunes, il envisage en 1143, avec le comte de Flandre Thierry d’Alsace, le mariage d’Henri, son fils aîné, avec Laurette de Flandre.
Il pressent que la rencontre sur ses foires des marchands drapiers du Nord et des Italiens maîtres du commerce méditerranéen fera de son comté le cœur économique de l’Europe !
Thibaud crée et fixe à Troyes l’industrie et l’esprit de commerce. Il crée des manufactures, et, pour leur commodité, il partage la Seine en une infinité de ramifications qui la portent dans tous les ateliers : entreprise digne de l’admiration des siècles les plus éclairés.
Le roi Louis VI lui donne le titre de comte palatin et, croyant proche son heure dernière, lui confie la tutelle de son fils Louis VII, qu’il a fait sacrer à Reims, mais qui n’a encore que quinze ans.
En 1137, Louis VI lui demande de conduire l’escorte de 500 chevaliers qu’il donne à son fils pour l’accompagner à Bordeaux, à la célébration de ses noces avec Aliénor d’Aquitaine.
Lorsque son fils Henri revient des Lieux Saints où Louis VII est encore, il apporte une lettre du roi adressée à Thibaud II : " L’amitié que du fond du cœur nous portons à ton fils nous invite à t’écrire de cette terre lointaine pour la gloire de ton nom. Le dévouement dont il n’a cessé de témoigner à notre égard et ses gracieux services lui ont gagné notre faveur. Nous te faisons cette lettre pour t’exprimer notre reconnaissance et ajouter à l’affection que tu lui portes ".
Thibaud eut quatre fils et six filles :
- Henri I, Comte de Champagne et de Brie,
- Thibault le Bon, Comte de Blois et de Chartres,
- Etienne, Comte de Sancerre en Berry,
- Guillaume, qui fait une carrière fulgurante, successivement doyen du chapitre de Meaux, prévôt du chapitre de Saint-Quiriacz et de Saint-Denis, Evêque de Chartres, Archevêque de Sens, cardinal de Sainte-Sabine, légat pontifical, puis archevêque de Reims, avec le surnom de Guillaume-aux-Blanches-Mains.
Quelques auteurs ajoutent un cinquième fils (naturel), Hugues, Abbé de Citeaux en 1155.
Les filles de Thibaud sont :
- Agnès, femme de Regnauld, Comte de Bar,
- Marie, qui épouse Eudes II, Duc de Bourgogne,
- Elisabeth, mariée à Roger, Duc de Pouille, fils de Guillaume, Roi de Sicile,
- Mahaut, femme de Geoffroy, Comte de Perche,
- Marguerite, religieuse de Fontevraud,
- Adèle, que Louis VII, dit le Jeune, épouse en troisième noces, en 1160.
Thibaud décède le 8 janvier 1152.
Tous les auteurs de son temps font de grands éloges de ce Comte. On dit de lui : " ...Thibaud était le père de l‘orphelin, le défenseur de la veuve, l’œil de l’aveugle, le pied du boiteux ... ".
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