En 1222, Thibaud reçoit de la main du roi, l’épée de chevalier, et la comtesse Blanche peut remettre à son fils majeur, en pleine souveraineté le patrimoine dont son époux lui a confié la garde en mourant.
En 1223 pourvoit au mariage de Thibaud, lui donnant pour épouse Agnès de Beaujeu, nièce d’Isabelle de Haînaut. Sa douceur et sa grâce plaisent à la Champagne. Sa mère Blanche de Navarre décède en 1229. La Champagne est alors envahie par le duc de Bretagne, le château d’Ervy est brûlé, Chaource investi, Bar-sur-Seine assiégé. La régente Blanche de Castille intervient pour rappeler aux barons que la Champagne est un fief de la couronne. Thibaud est vaincu au nord de Provins. Le château de Ramerupt capitule, mais les bourgeois de Troyes devant les murs de laquelle l’armée de Philippe Hurpel fait sa jonction avec l’armée de Bourgogne, venue par le Sud, résistent. La ville de Troyes est sauvée grâce au sénéchal Simon de Joinville, le père de Jean, l’historien de saint Louis. Alerté par les bourgeois de Troyes, il est venu de Joinville, en une nuit de chevauchée, avec « toute sa gent à armes, prendre en charge la défense, et fait si bien que les assiégeants s’en vont loger en la prairie d’Isle, là où le duc de Bourgogne est ». La paix revient en Champagne pour la plus grande prospérité de ses foires. Et cela il le doit à la Reine Blanche. En 1232, le comte de Champagne épouse la fille de son connétable Archambaud de Dampierre.
En 1230, Thibaud IV se résout à accorder aux citoyens de Troyes une charte. S’il « affranchit ses hommes et ses femmes de Troyes de toutes impositions et de toutes tailles », c’est pour les remplacer par la jurée, un impôt de quotité proportionnel au capital mobilier et immobilier déclaré sous la foi du serment.
Le 7 avril 1234, son oncle Sache le Fort décède. Thibaud part en Navarre pour y recueillir son héritage. Le 8 mai, il est fait roi de Pampelune, hissé sur un pavois par les barons du royaume, au milieu des acclamations de ses sujets.
Il reste à Thibaud à accomplir son vœu d’aller en Terre Sainte, en août 1236, accompagné par 400 chevaliers navarrais, prêts à le suivre « dans la reconquista » de la Terre Sainte. Il est de retour en 1238, et il compose une chanson de croisade pour encourager les chevaliers. Il se croise à nouveau en 1239, et devient généralissime. A chaque fois, Thibaut écrit des chansons. De retour en 1241, il participe aux dernières campagnes de pacification menées par Louis IX contre les barons rebelles soutenus par le roi d’Angleterre.
En 1242, pour la dernière fois, Thibaud, avec son jeune écuyer, Jean de Joinville (qui en fera plus tard le récit). prend part derrière l’oriflamme de saint Louis à la victoire de Saintes contre le roi d’Angleterre.
En 1245, le pape Innocent IV demande au comte de Champagne de repartir au service du Christ avec son roi saint Louis. Thibaud ne donne pas suite à cet appel, en raison entre autres, de l’épuisement de ses finances, et des devoirs qu’il estime avoir envers son comté et son royaume.
Les 12 années que la vie a laissées à Thibaud après son retour de terre Sainte ont été des années de paix. Notre prince consacre son temps à la conservation et à l’accroissement de son patrimoine. Il s’efforce aussi de promouvoir les échanges commerciaux. A l’image des foires de Champagne, il établit à Pampelune une foire annuelle de 15 jours vers laquelle son conduit attire les marchands étrangers.
La Champagne connaît les plus beaux jours de son histoire sous l’impulsion de ce premier des comtes à porter le titre de « comte palatin de Champagne et de Brie ». Thibaud poursuit, dans la voie de ses prédécesseurs, la constitution d’une unité territoriale champenoise. Il fait entrer sous sa domination le comté de Bar-sur-Aube, fief de l’évêque de Langres, puis d’Essoyes, repris à l’abbaye de Molesme.
De la cour du comte se détache un tribunal spécialisé devant lequel peuvent être portés en appel les jugements prononcés par les tribunaux des baillis. A l’exemple du Parlement que saint Louis a établi à Paris, ce tribunal a son siège à Troyes, d’où le nom de Jours de Troyes, par lequel on désigne ses sessions.
Dans le domaine de la monnaie, Thibaud IV continue la bataille livrée par les comtes depuis Henri le Libéral pour faire de leurs deniers l’unique monnaie de la principauté, lui permettant de jouer dans la formation de la première économie-monde européenne. Princes, nobles, prélats prennent l’habitude d’emprunter sur les foires de Champagne de quoi couvrir leurs besoins.
Bien conseillé par les techniciens des affaires, le comte Thibaud suit de très près la marche des affaires, la soutenant quand elle fléchit par de nouveaux allègements fiscaux consentis aux marchands. Les foires lui apportent le quart de ses revenus .
Thibaud contribue à l’ évolution culturelle de son royaume, première étape en Espagne du chemin français de Saint-Jacques de Compostelle. Il faut aussi attribuer à la façon de maîtres d’œuvre champenois, qu’il a appelés en Navarre, le développement des formes gothiques dans une architecture religieuse profondément marquée par l’esprit roman.
La Navarre gardera longtemps la mémoire de son roi-poète. Thibaud IV de Champagne décède le 14 juillet 1253, dans le palais des rois de Navarre, à Estella. C’est ainsi que notre comte a été enseveli, non point dans la collégiale des Comtes de Champagne, à côté de son père et de son grand-père, mais dans une chapelle de la cathédrale de Pampelune. Son fils Thibaud V fera appel à un artiste émailleur pour lui élever un magnifique tombeau qui ne subsistera pas plus que ceux de son père et de son grand-père à la collégiale Saint-Etienne. Une simple dalle indique aujourd’hui le lieu de sa sépulture.
Comte de Champagne (1256-1270).
A son décès en 1253, Marguerite de Bourbon est auprès de lui avec ses 4 garçons et 3 filles., tous mineurs, le dernier ayant à peine 3 ans. L’aîné Thibaud, né en 1235, fut aussitôt désigné comme héritier de son père, et sa mère chargée de la régence jusqu’à sa majorité en 1256. Ce furent 3 années difficiles, durant lesquelles la douce Marguerite montra un véritable sens politique. En 1255, sont célébrées avec faste les noces de Thibaud V avec la fille de saint Louis, Isabelle de France (13 ans). C’est grâce à sa protection que les Franciscains peuvent s’établir en 1259 dans le quartier de la Broce aux Juifs, et y construire un couvent avec une église.
Louis IX part à la 8ème croisade en 1270, avec ses 3 fils et notre comte Thibaud. mais il décède le 24 août à Tunis lors d’une épidémie de dysenterie. Notre comte l’assiste jusqu’à la fin et dit : « Nous pouvons témoigner que jamais en toute notre vie, nous avons vu fin si sainte ni si dévote chez un homme du siècle ni chez un homme de religion ». Une trêve de 10 ans est conclue. Thibaud succombe lui aussi à la maladie, le 4 décembre. Son corps, embaumé est transporté à Provins. Une lettre du roi Philippe III déplore la perte de « ce bon roi qui a eu une conduite si digne d’éloges, ce prince si plein de mérites ».
Aucune naissance n’étant venue couronner la parfaite union de Thibaud V et d’Isabelle, la succession échoit au jeune frère de Thibaud, Henri, un bon gros garçon sans ambition, sans talent, sans santé non plus, qui règne à peine 3 ans. Son court règne est endeuillé par un drame familial aux conséquences fatales pour le comté de Champagne. A peine âgé de 2 ans, le fils que lui a donné Blanche est précipité du haut d’une galerie du château d’Estella par la maladresse de sa nourrice, qui jouait avec l’enfant et qui de désespoir se jette dans le vide après lui.
Henri III a déjà prévu le mariage de son héritier, en gage d’alliance, avec la fille d’Alphonse le Sage, son puissant voisin de Castille. Il reste au malheureux père une fille, Jeanne, qui a vu le jour dans son château de Bar-sur-Seine le 14 janvier 1273. Elle aussi fait l’objet d’un arrangement matrimonial quelque peu précoce : son père la promet au roi d’Angleterre, Edouard I, en mariage pour son fils Henri, les deux souverains tombant d’accord pour qu’Henri obtienne la Gascogne le jour des noces et Jeanne la Champagne et la Navarre du roi de France.
Sept mois après la conclusion de ce traité, le 22 juillet 1274 Henri III succombe à une attaque d’apoplexie. Au lendemain de sa mort, sa veuve Blanche se trouve seule en Navarre avec la petite Jeanne. Après le traité d’Orléans, Philippe III donne à sa cousine Blanche, en 1276, un époux choisi dans la famille royale d’Angleterre. C’est un veuf, frère du roi d’Angleterre, qui, durant les huit années de son règne, réside plus à Paris dans l’Hôtel de Navarre que Thibaud V a bâti à Paris, que dans sa Champagne.
Avec lui s’éteint la lignée des Comtes de Champagne.
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