La clinique du docteur Guny, était installée en 1945, dans l’hôtel Juvénal des Ursins. Dans cette clinique, un homme reste plusieurs jours entre la vie et la mort. Trois policiers montent la garde autour de son lit. Il gémit toujours : " Je suis innocent ! ". Ce sont les seules paroles que son épouse qui vient lui rendre visite tous les jours a pu lui arracher. Cet homme, Marcel Guimonet, semble maintenant sauvé de la mort qu’il a recherchée.
Le 15 décembre 1945, vers 17 h 30 la femme de M. Paul Marchal, bijoutier, dans l’appartement du 1er’ étage, l’entend fermer son magasin. Mais le bijoutier reçoit un dernier client. Quelqu’un qu’il connaît, puisqu’il rouvre sa porte sans méfiance. Un peu plus tard, on découvre son corps affalé parmi les plateaux dégarnis, derrière son comptoir. Des coups de marteau sauvages, lui ont défoncé le crâne. Il manque 230 alliances d’or sur les 270 exposées en vitrine, 40 bagues garnies de diamants, des colliers de grand prix, des bracelets, et le contenu du coffre-fort grand ouvert dans l’arrière boutique. Les soupçons des policiers s’égarent sur un certain nombre de personnes. Une commerçante du quartier a vu, à l’heure du crime, un homme refermer la porte de l’arrière-boutique. L’homme tourne le dos au témoin qui remarque seulement un sac noir qu’il serre précieusement sous son bras.
Un second acte se joue dans des circonstances identiques, le 3 janvier 1948. C’est également la fermeture du magasin de bijouterie des époux Trémolières. Les 2 vendeuses viennent de partir. Il est à peu près 18 h 10. Jacqueline, la fille est dans l’appartement du second étage. Il lui semble entendre des cris, des plaintes. Elle appelle le magasin, où son père et sa mère procèdent aux derniers rangements. Pas de réponse. Elle descend, et reste pétrifiée : dans l’atelier, son père est affalé près de la cassette contenant le stock d’or. Le sang et la cervelle sortent par les affreuses blessures de la tête. La mère râle, au pied du coffre-fort ouvert. Elle aussi, son crâne a éclaté sous les coups de marteau. Ce double meurtre rappelle celui qui a coûté la vie à Paul Marchal.
Les policiers suivent nombre de pistes. Ils interrogent Marcel Guimonet, monteur en chauffage central, client de M. Marchal. " Nous ne le connaissions pas ", affirment les enfants Trémolières. Les bijoutiers troyens ajoutent une prime à celle qu’offrent déjà les enfants Trémolières. A Paris, la Chambre syndicale des bijoutiers fait de même. Au total, 600.000 F de récompense. Pendant 3 ans encore, personne ne parle.
Dans les premiers jours de novembre, un employé de la SNCF à Troyes, M. Petitjean, arrache un pied de groseillier dans son jardin à Rosières. Il met à jour 8 montures de bagues. L’enquête rebondit. M. Petitjean se souvient d’avoir trouvé au pied de son pavillon, 2 marteaux désemmanchés. Le pavillon a été acheté en 1948, à Marcel Guimonet qui l’habitait depuis 1945. Guimonet, le client du bijoutier Marchal. Il est convoqué plusieurs fois de suite au commissariat. On l’a vu, au moment du crime, près de la bijouterie Marchal. Il nie, tout d’abord. Puis affirme qu’il y avait rendez-vous avec une amie. On lui dit qu’il va être confronté avec ceux qui croient l’avoir reconnu. Alors, profitant de ce qu’il n’est pas encore étroitement surveillé, il s’enfuit à toutes jambes dans les couloirs. C’est l’heure de sortie des usines, il échappe aux poursuivants, se réfugie dans la cour d’une usine et s’empare d’une bicyclette. Cette fuite est présomption de culpabilité ! Les policiers organisent une souricière à son domicile. Pendant 2 jours, il reste introuvable. Le mercredi, à 6 heures du matin, Guimonet pénètre dans la boutique de laiterie de ses beaux-parents. Il pleure, couvrant de baisers sa jeune femme et ses 2 enfants . Il répète qu’il est innocent. Son beau-père, Monsieur Vacher arrive et lui dit que, s’il est innocent, il a commis une lourde erreur en prenant la fuite. Il affirme qu’il a agi sans réfléchir, et se laisse convaincre de se constituer prisonnier. Un brigadier arrive. Mme Guimonet pénètre dans la chambre, son mari râle sur son lit. Il s’est tiré une balle de pistolet " 22 long rifle ". Il est transporté à la clinique Guny, répétant : " Je suis innocent ! Je suis innocent ! ".
Qu’en conclure ? Cet homme de 29 ans, a toujours semblé mener une vie calme et régulière. Entré à 17 ans dans une entreprise de chauffage central, il est un des meilleurs chefs-monteurs, avec l’entière confiance de son patron M. Daout, et de ses clients, tels que les cloîtrées du Carmel ou les sœurs des Ursulines, qui voulaient toujours avoir affaire " à Monsieur Marcel ". On ne lui connaissait ni aventure sentimentale ni besoin d’argent. " On vit avec ce que ma femme gagne, leur confiait-il. Toutes mes payes sont des économies ". Il ne buvait pas, il ne fumait pas . Sa grande passion, c’était la chasse et le tir, où il remportait des concours locaux. Il adorait ses enfants et, s’il a voulu se tuer, c’est peut-être pour éviter le déshonneur, en voyant qu’on le suspectait de ces 3 crimes atroces. " Tu diras à mon petit Jacques que je le charge de me venger plus tard " murmure-t-il à son épouse, avant de perdre connaissance. Mme Guimonet garde toute son affectueuse confiance à son mari. L’enquête a pourtant réuni contre le monteur en chauffage un faisceau de charges. Ne parlons pas des marteaux qui auraient pu servir à assommer les bijoutiers assassinés, ces marteaux dont se sert quotidiennement Guimonet dans l’exercice de son métier, mais qui constitueraient, des années après les crimes, une arme trop difficile à identifier, et les test ADN ne sont pas encore employés. Restent deux faits troublants : tout d’abord, Guimonet était inscrit sur le livre de police du bijoutier Marchal : c’est chez lui, qu’il acheta son alliance. Sa belle-mère, Mme Vacher, y fit aussi des achats fréquents, mais dont l’importance n’avait rien d’anormal. En revanche, elle fournissait quelques suppléments de lait à Mme Marchal. Son dernier achat – des brisures – y fut fait au mois de novembre 1945. Si Guimonet n’était pas client chez M. Trémolières, Mme Vacher y était fort bien connue également. Mais, là encore, ses achats n’avaient rien que de normal et consistaient en bijoux de valeur minime ou en orfèvrerie pour des cadeaux. Guimonet a été vu à proximité des bijoutiers lors des meurtres. Il peut s’agir de coïncidences. Ce qu’il a surtout à expliquer, c’est la présence, dans le sol de son ancien jardin, des montures de bagues, grossièrement tordues et desserties à la pince. Ces montures, difficilement identifiables par leur poinçon ou leur numéro de série, sont entre les mains des experts. Mme Marchal ne les reconnaît pas, et M. Trémolières (mon camarade de lycée) est certain que les montures des solitaires volés à son père étaient plus lourdes. " N’importe qui a pu les enterrer dans notre jardin. Il n’y avait pas de clôture, et la maison fut inhabitée un an ", affirme Mme Guimonet. Mais pourquoi n’importe qui aurait-il agi ainsi ? Pour satisfaire quelque vengeance ? C’est alors une lettre anonyme, et non un incident fortuit, qui aurait amené la découverte…
L’opinion troyenne est divisée. Coupable de meurtres horribles pour les uns, complice pour les autres. L’assassin n’a pas été démasqué ! Guimonet n’a pas retrouvé son honneur !
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