Monsieur Deffoix, locataire au 19 bis, rue de la Mission à Troyes, va, comme d’habitude, promener son chien, ce mardi 17 janvier 1984, lorsqu’il croise, dans le hall d’entrée de l’immeuble, un jeune homme brun portant, sous le bras, un fusil dans son étui. A peine a-t-il le temps de s’étonner que l’étranger a déjà disparu du côté de la porte du fond menant aux deux studios du rez-de-chaussée. Il est 18 h. Pendant 2 h, personne ne vient briser le silence de ce bâtiment bourgeois. Le jeune homme se glisse dans la remise où les locataires entreposent leurs vélos et leurs mobylettes. Ses doigts s’emparent du fusil, et il marche maintenant vers l’appartement de Michèle. Il est 20 h 45. Il s’immobilise devant une porte, colle son oreille contre le battant et écoute. Ici habite Michèle Brun, 21 ans. Une voix virile résonne à l’intérieur. Alors, les doigts du visiteur se crispent autour de l’arme. Michèle est là, toute proche ! Mais, elle reste inaccessible ! Gérald Krebs est en révolte. Elle se moque de lui. Elle le repousse en riant, un rire moqueur qui lui fait mal. Et pire, elle fait les yeux doux à d’autres hommes. En ce moment même, elle n’est pas seule. Il est terrible pour lui d’imaginer la scène se déroulant, à quelques pas de lui, pendant qu’il est là, crevant d’amour et de chagrin, devant cette porte close. Gérald Krebs a 21 ans, et la jeune fille est son premier amour.
Comment a-t-il connu Michèle ? Dans un club, un après-midi, il s’est décidé à inviter à danser une ravissante fille qu’il dévore des yeux depuis une bonne heure. Il est si troublé de la tenir dans ses bras, qu’il reste silencieux jusqu’à ce que la musique s’arrête. Gérald n’a pas envie de la quitter : " Tu aimes le cinéma ? " risque-t-il. " D’accord, passe me prendre demain avant 18 h". Cette nuit là, ils n’iront pas au cinéma. Michèle Brun et Gérald Krebs oublient l’heure, dans les bras l’un de l’autre.
Le jeune homme ne pense plus qu’à Michèle. Il lui téléphone quotidiennement, pour un rendez-vous, arrive toujours un bouquet à la main. " Tu es trop romanesque ", dit-elle. Michèle, 21 ans, a déjà pas mal vécu. Mariée toute jeune : " J’avais commis une erreur. Je suis partie. Je voulais vivre ma vie ", confie-t-elle à son amant. La sécurité, c’est bien, mais m’enterrer dans le mariage, pas question ! ".
Gérald, peu de jours après sa première nuit avec Michèle, vient sonner à la porte de sa maîtresse et voit un étranger lui ouvrir : " Entrez, je m’appelle Paul Sanchez, je suis un ami de Michèle ".
Dès qu’il se retrouve en tête à tête avec elle, Gérald demande : " Qui est ce monsieur ? Quelles relations avez-vous ? ". " Ecoute, ce ne sont pas tes affaires, je fais ce que je veux, je suis libre. C’est vrai, je vois souvent Paul, un ami, il travaille dans une banque, il a 51 ans. Il est très bon, très généreux, il me comprend et me sécurise ". Le chagrin de Gérald est tel qu’il ne peut rien répondre. Il faut qu’il la revoie !
Quelques jours plus tard, il se précipite chez elle : "J’avais besoin de te voir", balbutie-t-il en l’embrassant. Elle le repousse, agacée : " Tu es trop collant, laisse-moi, j’ai promis de passer chez une amie ". " Ecoute Michèle, je te veux pour moi seul !". "Je t’aime Gérald, mais je tiens à être libre, tu entends ?".
Le dimanche suivant, 15 janvier 1984, Gérald resté sans nouvelles de Michèle depuis quelques jours, décide de passer dans cette discothèque où ils se sont connus. Elle danse avec un garçon de 20 ans : "Viens, j’ai à te parler" dit-il à Michèle dès que la musique s’arrête. "Je ne vais pas lâcher Marc, c’est lui qui m’a invitée ici, ce ne serait pas sympa !". "Dis-lui de venir avec nous, il peut entendre ce que j’ai à te dire ". Les trois jeunes gens roulent bientôt dans la campagne, à bord de la R 18 de Gérald qui lance : "Elle sort avec moi, laisse tomber". "Je ne suis qu’un copain pour elle, tu es ridicule avec ta jalousie". " Ca suffit, j’arrête la voiture et on va s’expliquer tous les deux". Les garçons roulent dans la boue. La jeune femme assiste ravie à ce combat. Bientôt, les deux hommes n’ont plus envie de lutter. "O.K., on s’arrête là, on rentre, dit Gérald, elle se moque de nous". En silence, ils regagnent Troyes. Gérald, ni le lendemain, ni le jour suivant, ne se rend à son stage de mécanicien. Il sait où trouver, dans un placard, chez lui, le fusil de chasse dont il a besoin.
C’est donc à 18 heures, ce mardi 17 janvier, qu’il croise monsieur Deffoix, dans le hall d’entrée de l’immeuble de Michèle. Pendant plus de deux heures, il reste dans le couloir, l’oreille collée à la porte. Le fusil à la main, il s’apprête à frapper, mais juste à ce moment, le battant s’entrouvre. La voix de Michèle résonne " Bon, eh bien, il faut que tu y ailles ! A demain". Paul Sanchez paraît dans l’embrasure. Gérald se précipite vers lui. Derrière, les grands yeux de Michèle s’écarquillent de terreur. Trois coups de feu, puis c’est le silence.
Les trois cadavres seront découverts vers 21 h 30, par un locataire. L’inspecteur principal et le substitut n’ont pas de mal à reconstituer le drame, grâce aux impacts de balles. Gérald, après avoir abattu sa maîtresse et son rival de deux balles dans la poitrine, est retourné dans le garage pour se donner la mort à son tour.
L’action de la justice s’est éteinte. Gérald, pour un premier chagrin d’amour, a entraîné avec lui deux personnes dans la mort. Conséquence absurde et tragique de la conduite d’une fille de 21 ans qui ne s’était pas aperçue qu’elle jouait avec le feu !
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