En 1898, François Damoiseau est condamné à mort, à Troyes, pour l’assassinat de son gendre et pour la tentative d’assassinat sur 3 autres personnes, dont sa fille et son petit-fils.
Comme le dit le " Petit Troyen " de l’époque, il s’agit d’un drame de la terre, et surtout d’un drame de la famille.
François Damoiseau, agriculteur, est un notable. Il a été maire de Rouilly-Saint-Loup pendant 25 ans.
Le samedi 18 décembre 1897, vers 19 h 30, cet homme de 64 ans fait irruption dans la maison de sa fille aînée, Valentine, 32 ans, qui habite, comme lui, le hameau de Rouillerot. Il sort un revolver, tire à bout portant sur son gendre Emile Cordier 42 ans, puis sur le père de celui-ci, Nicolas Cordier. Ensuite, et malgré leurs supplications, il vide son arme sur sa fille, puis sur son seul petit-fils, Henri, 11 ans, après l’avoir frappé au visage à coups de talon, parce que l’enfant crie encore.
Un carnage ! La détermination et le sang-froid affichés par François Damoiseau avant, pendant et après le drame, paraissent extraordinaires.
La presse invoque un accès de fureur, voire de folie.
Le mobile du crime paraît d’emblée n’être un mystère pour personne.
Suite à la mort de sa mère six mois plus tôt, Valentine Cordier demande à recevoir sa part d’héritage. Pour ce faire, il faut vendre quelques uns des biens et comme François Damoiseau, déjà endetté par ailleurs, a été déclaré non solvable, il n’est pas autorisé à prendre part à cette vente dont la date est fixée au 19 décembre, lendemain du drame.
Evidemment elle n’a pas lieu. C’est tout ce que cherche Damoiseau.
Depuis des mois, ce patriarche, décrit comme autoritaire, emporté, violent et tenace, répète à la cantonade : " La vente ne se fera pas. J’en démolirai quelques uns avant ". Son gendre est un homme plus calme, mais résolu et ferme. Pour lui, cet accès de fureur s’explique d’autant mieux que le caractère de Damoiseau s’est profondément aigri suite à la mort de sa femme et surtout depuis qu’il a été battu aux dernières élections, par la liste adverse sur laquelle figurait son gendre.
Rouilly sous le choc, est terrorisé de savoir Damoiseau en fuite et toujours armé.
Le capitaine de la gendarmerie fait sonner le tocsin et réunit sur la place du village, tous les pompiers et les personnes de bonne volonté. Tous sont armés d’un fusil. La chasse à l’homme n’a pas lieu. François Damoiseau est repéré, retranché dans une grange, à l’autre bout du village, au sommet d’un tas de paille. Il refuse de se rendre, s’exclamant : " Mon gendre est mort. C’est une canaille de moins, je ne regrette rien ".
C’est une ruse qui permet de le neutraliser, mais seulement le lendemain.
Avant de le conduire à la maison d’arrêt de Troyes, on lui impose une procédure alors classique : la confrontation avec le cadavre. Loin de manifester du repentir, il se répand au contraire en récriminations contre son gendre.
Le 19 juillet 1898, au Palais de Justice de Troyes, François Damoiseau reconnaît tout sans détour. Il raconte son forfait avec une apparente indifférence qui fait frémir. Comme défense, l’assuré invoque un état de légitime défense, face à un gendre et à une fille qui, affirme-t-il, voulaient le réduire à la mendicité en rachetant ses biens à vil prix. Analyse que conteste formellement le notaire chargé de la vente.
Déjà pas de nature à se laisser impressionner par le décorum des Assises, Damoiseau reste raide dans ses bottes, sûr de lui, sans l’ombre d’une remise en question, sans regret ni remords, y compris quand se présentent à la barre sa fille et son petit-fils. Son avocat maître Mangin, évoque des troubles de la personnalité pour plaider les circonstances atténuantes : " Ce n’est pas comme je l’ai cru longtemps, la passion de la terre qui possède cet homme, mais celle de l’autorité familiale. C’est l’homme absolu, le père antique, le despote. Sa loi à lui, la seule qu’il reconnaisse applicable dans la famille, c’est celle qu’il fait lui-même. Aussi n’a-t-il pas supporté la résistance des époux Cordier. Son acte épouvantable a été fondé sur une idée fixe : il lui fallait à tout prix empêcher la vente ".
L’avocat général requiert la peine de mort, les jurés le suivent. Son avocat forme un pourvoi en cassation qui est accepté.
Un second procès a lieu devant les Assises de Seine-et-Marne. La sentence des jurés est la même. Sa demande de grâce est refusée par le Président Félix Faure.
François Damoiseau est guillotiné à Troyes, le 14 janvier 1899. La haine de son gendre ne quitta jamais François Damoiseau. Tout juste avant d’être guillotiné, il profère : " Vive la république ! A mort les Cordier ".
Une innovation, le lieu de l’exécution. Plus question de l’installer place de la Tour depuis la construction de l’orphelinat Audiffred. Pour Damoiseau, les bois de justice sont installés place des jacobins, à l’emplacement de l’actuel collège du même nom. L’endroit ne fait pas l’unanimité, près du canal, vu la foule présente, des accidents sont à craindre. La Société des Sauveteurs humanitaires de l’Aube organise un service de sauvetage. Deux personnes seulement tombent dans le canal. Grâce aux précautions prises, elles sont retirées immédiatement.
Pour assister à la mort de François Damoiseau, des milliers de Troyens sont présents, malgré une pluie torrentielle. Toutes les fenêtres de la place ont été louées.
Ses derniers vœux sont exaucés : être enterré à Rouilly-Saint-Loup, en pardessus et avec son chapeau !
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