Deux crimes que l’on peut qualifier de crapuleux, bien qu’inspirés par des mobiles sensiblement différents, soulèvent une vive émotion à Troyes et dans les environs, en ce début du mois de juin 1948.
A quelques kilomètres de Bar-sur-Aube, le petit village de Spoy. Au milieu du pays, se tient une de ces auberges d’autrefois, appartenant à Thévignot, " aubergiste et gourmet ".
Sa femme, née Georgette Frécus, est encore, à 64 ans, solide au poste. C’est elle qui tient la buvette, à laquelle s’ajoute la recette du bureau de tabac. Sauf pendant la fête annuelle du village, la clientèle est limitée à quelques ouvriers agricoles ou charretiers de passage. Mme Thévignot a encore sa mère, Mme veuve Frécus, qui loge dans une maison toute proche.
Un jour, Mme Frécus, venant voir sa fille vers 15 heures, est surprise de voir la porte fermée. Elle voit à une trentaine de mètres, deux cantonniers, MM. Georges Zimmer et Germain Falmet, qui travaillent à charger un tombereau. " Vous n’avez pas vu ma fille ? " demande la vieille dame aux deux employés municipaux. " Tiens, disent ceux-ci, c’est vrai, depuis midi, on l’a pas vue ouvrir sa porte… Même qui y a eu 2 ou 3 gars qui voulaient vider chopine et qu’ont dû s’en retourner boire à la pompe ". Et les 2 cantonniers, jettent un regard dans le clos situé derrière la maison. Ils ne remarquent rien d’insolite et se remettent à leur travail.
Une heure plus tard, c’est au tour de M. Petit, un habitant d’Argançon, village voisin, de trouver la porte close. Attirée par le bruit, Mme Frécus commence à s’alarmer sérieusement. Elle hèle à nouveau les cantonniers qui, interrompant leur besogne, se mettent à la recherche de la débitante. Passant par le jardin, ils remarquent une fenêtre entr’ouverte. Ils l’escaladent et pénètrent dans le café. Il est vide. Entrant sans la cuisine, ils voient sur la table, 2 verres et 1 bouteille de vin, vides. Sur l’un des bords de la table se trouvent également une boîte à ouvrage et un bas de femme. Visiblement, Mme Thévignot n’est pas loin, puisqu’elle n’a même pas rangé son raccommodage. MM. Zimmer et Falmet visitent ensuite la chambre à coucher, située au premier étage. La porte en est ouverte, ouverte aussi la porte de l’armoire… Ouvertes encore, les portes de la salle à manger et de la cave, remarquent les 2 cantonniers. La cave a 2 issues. M. Zimmer y pénétre par un bout, M. Falmet par l’autre. Soudain, ce dernier heurte du pied un obstacle de consistance molle. Il se baisse et à la lueur de son briquet, il reconnaît le cadavre de Mme Thévignot ! Il est 17 h 45.
Aussitôt ils donnent l’alarme. Quelques instants plus tard, arrivent M. Blouquin, cousin de la victime et maire de la commune, le docteur Sellerin, de passage dans la localité, puis les gendarmes. Les premières constatations montrent que la malheureuse débitante a la gorge serrée par un mouchoir. Près de sa tête est tombée la bouteille vide avec laquelle elle a été assommée. Peu après arrivent successivement le commissaire de la police mobile de Reims, et la Brigade des recherches de Troyes, avec le chien Tasso qui, ayant à son actif plusieurs pistages réussis, est fameux dans tout le département. L’intelligent animal évente en quelques minutes la piste fraîche et conduit les policiers vers un tertre couvert de taillis et de broussailles où, visiblement, l’herbe a été foulée et des bicyclettes déposées. C’est le début de l’écheveau.
Dès le lendemain matin, les enquêteurs apprennent que, la veille, dans l’après-midi, 2 cyclistes d’assez mauvaise mine, se sont arrêtés dans un café à Unienville, où ils ont payé leurs consommations en pièces de 5 francs. On retrouve leur trace 5 kilomètres plus loin, à Dienville. Ils ont, dans une charcuterie, acheté 500 francs de comestibles. Un peu plus loin, dans un café, ils boivent copieusement… Le cercle se resserre, les renseignements se font plus précis. On sait le nom des 2 cyclistes : Gabriel Heintz, 33 ans, marié, père de 3 enfants, déjà condamné pour vol à 3 ans de prison, et son beau-frère, Aimé Regnault, 23 ans, qui n’est sorti que depuis sa majorité de la maison de redressement où il a été interné, également pour vol. Tous deux, bûcherons en chômage, vivent dans un baraquement de la périphérie de Brienne-le-Château.
C’est là que font irruption, vers midi, 4 gendarmes.
Les assassins avouent. L’argent est rare dans leur taudis, les femmes crient. D’accord avec elles, et sur les instigations de Regnault qui connaît les lieux, ils décident de faire le coup.
Ramenés à Spoy, et soustraits à grand’peine à la fureur des villageois, ils racontent comment, après avoir bu chez Mme Thrévignot une bouteille de vin, celle que l’on retrouva sur la table de la cuisine, ils l’ont envoyée de nouveau chercher à boire à la cave où, ayant suivi la patronne, ils l’assomment avec une autre bouteille, celle qui fut ramassée à côté du corps. Les misérables firent le compte : un peu moins de 7.000 francs, et quelques paquets de tabac et de cigarettes…
Encore un crime qui n’a pas payé !!!
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