les Crimes



A peine marié, il voulait vivre en célibataire



  "C’est moi ! ". Ce 12 mai 1973, Jocelyne reste pétrifiée, en voyant André à la porte de son appartement, à Troyes. Voilà six mois qu’elle n’a pas vu son mari. " Je t’en prie, laisse-moi entrer, il faut que je te parle, j’étais fou. Cette femme m’avait fait tourner la tête… Je te demande de me pardonner ". Bouleversée par ces mots, Jocelyne se met à pleurer et se laisse bercer par les bras retrouvés. Ils se sont rencontrés en 1970, dans l’usine de bonneterie où ils travaillaient tous les deux, à Troyes, elle, à l’époque comme ouvrière, lui comme électricien. Un soir, à l’heure de la sortie : " C’est toi que j’attends ! ". Stupéfaite, Jocelyne dévisage le grand garçon brun et souriant, planté devant elle. " J’ai envie de te connaître ", déclare-t-il. Le cœur de Jocelyne bat très fort : " André, le meilleur dragueur de l’usine ! Tu es connu, allez ! Va faire ton baratin à une autre ". Elle fait mine de s’éloigner. Il se précipite derrière elle : " Bois au moins un verre avec moi ! ". Le 23 février 1971, elle devient la femme d’André. Mais André continue sa vie de garçon. Elle constate qu’il a trouvé en elle une bonne, prête à lui laver son linge, à préparer ses repas, à lui souhaiter de bien s’amuser quand il part chasser pendant le week-end. " Je me demande pourquoi tu m’as épousée. Tu ne te rends même pas compte que je suis là ". " Voilà bien les femmes ! On se tue au travail pour elles et quand un soir on est fatigué, elles trouvent qu’on les néglige ". " Je suis ton épouse, et j’ai des raisons de me plaindre ". André hausse les épaules et fronce les sourcils. Jocelyne préfère éviter une querelle.

Au début de 1972, Jocelyne bénéficie d’une promotion, elle devient employée au service de la programmation du travail. Quant à André, il abandonne l’électricité pour entrer dans les sapeurs-pompiers de Troyes : " 24 h de travail ininterrompu, 24 h de repos, explique-t-il à sa femme. Je pourrai chasser et pêcher à ma guise ". " Tu pourras aussi passer une journée avec moi de temps en temps ", dit-elle un peu sèchement. André lève les bras : " Et tu recommences ! Tu sais que tu me fatigues ? ". Il sort en claquant la porte, laissant Jocelyne désemparée. André sort presque tous les soirs avec ses copains. Un soir de décembre 1972, il ne rentre pas de la nuit. Une semaine après, elle apprend qu’il a une liaison et qu’il vit chez une autre. Le choc est rude. Mais elle se jure de tenir le coup, par fierté et aussi, parce qu’elle a encore un espoir de le voir revenir un jour. Elle l’aime tant qu’elle ne peut pas croire que tout est fini entre eux. Pendant 6 mois, elle n’a aucune nouvelle de lui. Le 12 mai 1973, il vient frapper à sa porte, des promesses aux lèvres : " Je te ferai oublier le mal que je t’ai fait, je ne te quitterai plus, car je t’aime ". Jocelyne pardonne. Et pourtant, non, ce n’est plus comme avant ! " Avant, conte-t-elle à une amie, il m’en faisait voir de toutes les couleurs, parce qu’il vivait encore comme s’il était célibataire. Je pleurais souvent seule le soir. Et pourtant, j’avais confiance, j’ai pardonné, mais son infidélité reste quand même entre nous. Je ne pourrai jamais oublier ". André est incapable de rester à la maison. Quand il s’y contraint pour lui faire plaisir, elle le voit tourner en rond, et il finit toujours par trouver un prétexte pour sortir. Un moment qui, finalement, dure des heures. Oui, elle est souvent seule, malheureuse parce qu’il est égoïste et elle entend bien lui faire comprendre. Les querelles se multiplient, suivies de gifles retentissantes. En novembre 1974, la caserne des sapeurs-pompiers, jusque là place de la Préfecture, à Troyes, est transférée Chaussée du Vouldy, dans un ensemble moderne qui comprend une soixantaine de logements pour les familles. Jocelyne et André vont y habiter. Mais leur nouvel appartement ne retient pas plus le garçon à la maison, et son épouse est toujours seule. Sur le plan matériel, ils n’ont pas à se plaindre, ils ont tout ce qu’il faut, ils possèdent chacun leur voiture. Les années passent, ponctuées de querelles. En mai 1979, André se met à travailler pour les pompiers de Saint-Dizier, à 80 kilomètres de Troyes : " C’est plus calme, là-bas, explique-t-il à Jocelyne. C’est un peu la planque. J’en ai besoin, je me sens fatigué. Maintenant, il va falloir que nous trouvions un appartement ". " Quoi ? Tu veux quitter Troyes ? " s’écrie Jocelyne. " Je n’ai aucune envie de faire la navette tous les jours. De toute façon, la caserne de Troyes ne va pas loger un pompier de Saint-Dizier ". " Fais ce que tu veux, moi je reste dans ma ville, lui répond Jocelyne. Si toi, tu ne peux pas faire ces 80 kilomètres chaque jour, tu as pensé que moi, je les ferai ? J’ai une bonne place ici, que je ne veux pas abandonner ". En juillet, le couple s’installe dans un quatre pièces, au 1er étage d’un immeuble moderne. André est bien obligé de parcourir chaque jour la distance qui sépare Saint-Dizier de Troyes. Alors la situation se détériore davantage. Et pourtant, Jocelyne ne cesse pas d’aimer son incorrigible époux. Le mercredi 5 septembre 1979, lorsque André rentre de Saint-Dizier, les époux, se heurtent : " J’en ai mare de faire cette route ", déclare André. " Je t’avais prévenu ", répond Jocelyne. " Pourquoi tu ne veux pas venir habiter là-bas ? ". " Je ne veux plus en discuter. Nous n’avons qu’à nous séparer, reprend Jocelyne, je n’irai pas à Saint-Dizier ". André saisit son fusil de chasse, le pointe sur Jocelyne. " Non ! " crie-t-elle. La malheureuse se précipite vers la porte-fenêtre, André tire, elle s’écroule. Lui, se donne la mort d’une balle en pleine tête. Vendredi 7 septembre, une voisine aperçoit une large flaque de sang qui s’agrandit sous la porte du couple. L’alerte est donnée et les policiers découvrent les deux corps sans vie de Jocelyne et André.

André a compris trop tard qu’il aimait son épouse. Il n’a pas supporté la pensée de vivre sans elle !

 

 

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