Mardi soir 16 décembre 1958, place de la Gare à Troyes.
Il bruine. Sur le trottoir, Claude Prugniel attend le car d’Auxerre. L’horloge de la gare indique huit heures moins 2 ou 3 minutes.
Soudain, il esquisse un geste de la main : à une dizaine de mètres de lui, une jeune fille vient de passer en courant, une serviette sous le bras. Il a reconnu Huguette Vinot, une camarade d’école. Claude Prugniel est la dernière personne à l’avoir vue vivante.
Huguette Vinot court à son dernier rendez-vous : un rendez-vous avec la mort…
Ce même soir, à huit heures moins cinq, des élèves quittent le Conservatoire de musique, rue Diderot, d’autres arrivent pour le cours suivant qui commence à 20 h dans la classe 3. Ils entrent dans la cour, se dirigent vers la porte de la salle des concerts par laquelle ils ont l’habitude de passer (porte A). Mais cette porte est fermée. Un morceau de bristol y est fixé par 3 punaises. Au crayon bleu, une indication : classe 3, et une flèche. Les élèves sont perplexes. Ils font quelques pas dans la direction de la flèche, cherchent un moment leur chemin et poussent une porte qui donne effectivement dans la classe 3. Il manque 3 élèves : 2 garçons et une fille. Les 2 garçons ont prévenu qu’ils ne viendraient pas . Il ne manque donc que Huguette Vinot.
C’est la première fois qu’elle est en retard. La professeur madame Niverd, pense qu’Huguette n’a peut-être pas trouvé le nouveau chemin de la classe, et demande à un élève d’aller à sa recherche. Le jeune appelle " Huguette ! Huguette ! ". Pas de réponse. Et pourtant, elle est certainement dans l’enceinte du Conservatoire qui n’est qu’à 500 mètres de la gare. Il retourne dans la classe 3. La leçon se termine à 21 h 20. Huguette ne s’est toujours pas manifestée, or elle n’a jamais manqué un seul cours, car le chant est toute sa vie. Huguette travaille d’arrache-pied : dans la journée, elle est sténo-dactylo, elle ne sort jamais, ne fréquente pas les garçons, va rarement au cinéma. Ses camarades l’ont surnommée le " Rossignol chantant ". Mais ce soir-là, elle n’est pas venue au cours.
Le lendemain matin, les parents d’Huguette s’aperçoivent qu’elle n’est pas rentrée à la maison. M. Vinot, affolé, se précipite au commissariat de police. " Ma fille a disparu, dit-il. Elle est partie de chez nous hier soir à huit heures moins vingt pour aller au Conservatoire. Depuis, nous ne l’avons pas revue ".
Coups de téléphone… Enquête… Des hypothèses s’échafaudent : fugue, enlèvement, aussitôt repoussées. Huguette n’est pas de ces petites écervelées à s’amouracher du premier jeune venu. Le mystère est total. Dans la salle des concerts du Conservatoire, ravagée par un incendie en 1951 des ouvriers s’affairent. C’est pour cette raison, que la porte A a été condamnée.
Au bas de la scène, un ouvrier de la Ville, joue en attendant des directives, avec un morceau de gravats qu’il pousse du pied. Au bas de l’escalier qui descend de la scène, une trappe est ouverte qui communique avec le sous-sol. Il se rapproche, glisse un regard et pousse une exclamation : " Il y a un ivrogne qui dort en bas ! ", dit-il. Il se penche. La forme remue faiblement. Il va prévenir le concierge, qui descend, remonte aussitôt, et appelle la police : " Nous avons découvert une femme au sous-sol du Conservatoire, dit-il. Elle est certainement blessée, mais elle remue ".
Les policiers accourent accompagnés de M. Vinot. " C’est Huguette ". Le père, bouleversé reconnaît son enfant gisant dans la poussière. Les pompiers, alertés, emmènent la blessée à l’hôpital. A 13 h, Huguette meurt sans avoir repris connaissance.
Le médecin refuse le permis d’inhumer. Le juge d’instruction, convoque un médecin-légiste à fin d’autopsie. Et c’est le coup de théâtre : en examinant les blessures d’Huguette, il fait des découvertes telles que l’accident ne peut les justifier : fractures du crâne, trace de strangulation, tentative de viol : il y a crime !
La brigade mobile de Reims " descend " à Troyes. L’accident est plausible : une espèce d’entorse à la cheville gauche (la jeune fille a trébuché), une double fracture du crâne (la tête a pu heurter le bord de la trappe, et le ciment du sous-sol), des traces de strangulation (par le foulard serré et noué qu’elle portait autour du cou), une déchirure d’un tissu intime, une coupure sur le bout de la langue (due à un écartèlement lors de la chute).
Voilà pour l’accident.
Mais voici pour le crime.
La gravité des fractures de la boîte crânienne ne peut s’expliquer par une chute, le bord de la trappe est en bois mou, moisi.
Huguette ne porte pas, de foulard noué, le cou est dégagé. Personne de connu d’autre part n’a vu Huguette après que Claude Prugniel l’eut aperçue courant place de la Gare.
On ne peut donc savoir avec certitude non seulement à quelle heure elle est arrivée au Conservatoire mais encore, et surtout, quel chemin elle a emprunté pour venir échouer sur cette scène déserte où, elle a trouvé la mort.
Quoiqu’il en soit, les officiers de police de la brigade mobile de Reims, sous la direction du commissaire divisionnaire et du commissaire principal, s’attachent à résoudre, sans idée préconçue, l’énigme de cette mort dont le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est entourée de tant de circonstances troublantes, qu’on ne peut écarter, une bonne fois, dans l’intérêt même de la justice et de la vérité, l’hypothèse douloureuse d’un crime…
Qui n’a jamais été élucidé ! !
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