Le 30 janvier 1976, à midi : enlèvement devant l’école Saint-Pierre, de Philippe Bertrand, 8 ans. Personne ne l’a vu disparaître. A 12h30, le ravisseur téléphone aux parents pour demander une rançon de 1 million de francs : "Mais je n’ai pas d’argent", "Votre beau-père a de quoi, demandez-lui ", "Ne faites pas de mal au petit","Je ne suis pas un tortionnaire".
La police a dit : "S’il rappelle, retenez-le au bout du fil". L’appel est localisé : cabine à l’entrée de Bréviandes. Mais une voiture de la gendarmerie passe à ce moment sirènes hurlantes : les policiers ne trouvent que le combiné qui se balance. Le ravisseur semble jeune, blond. Les parents de Philippe lancent un appel sur les ondes." La France a peur", clame le présentateur du journal de 20 h, Roger Gicquel.
Le lendemain, le Garde des Sceaux, Jean Lecanuet, recommande une "la peine de mort".
Le grand-père, les parents et Dominique Roy, un prêtre ami s’installent auprès du téléphone.
Le 10 février, le curé de la paroisse reçoit un message avec un gant de l’enfant, qui fixe un itinéraire pour déposer la rançon. Le papa trouve au premier rendez-vous, une chaussure de l’enfant avec un message lui demandant d’aller route de Brienne, où il y a l’autre chaussure et le caban du petit. Il doit se rendre à La Mangeoire, restaurant routier, et y déposer la sacoche sur le parking.
Les policiers arrivent, le patron dit avoir vu un blond avec des lunettes deux fois dans la journée. Avec le fichier des cartes grises, on trouve l’adresse : un appartement qu’il partage avec son frère, rue de la République. Le patron et le barman le reconnaissent. Les policiers apprennent qu’il connaît les Bertrand, est blond, porte des lunettes, n’a pas d’alibi pour le jour du rapt, et a déjà eu des affaires d’argent et de vol de voiture.
La juge d’instruction de Troyes le met en garde à vue, mais il est relâché pour absences de preuves. Patrick Henry fanfaronne alors devant la presse, multiplie les interviews, dîne avec des journalistes, demande la peine de mort pour les ravisseurs.
Mais, pour le journaliste de Paris Match, c’est sûrement le coupable. Le 17 février, les policiers se rendent à la Brasserie des Charmilles où il loue un meublé, et trouvent sous le lit le corps sans vie du petit Philippe.
Des millions de français réclament la peine de mort.
Le 20 février, jour des obsèques, les commerçants de Troyes baissent leur rideau.
Le 21, Patrick passe aux aveux. Tous les avocats de Troyes refusent d’être commis d’office. Maître Boquillon, bâtonnier de Chaumont, accepte avec Maître Badinter, d’assurer la défense.
Ce drame et son suspens, les tout premiers à être médiatisés au jour le jour, choquent la France entière, et particulièrement, émeut les Aubois, ravivant la plaie collective générée en septembre 1971 : la tragédie de Clairvaux.
Le procès de Patrick Henry est le plus célèbre de l’histoire judiciaire française. Les éditorialistes, les hommes politiques réclament la peine de mort.
Le procès s’ouvre en janvier 1977. Bocquillon se charge de défendre au mieux Patrick, Badinter fait le procès de la peine de mort (se voyant défendre à nouveau Bontemps), disant aux jurés : "Vous demeurerez seul avec votre décision…On abolira la peine de mort, et vous resterez seul avec votre verdict, pour toujours, et vos enfants sauront que vous aurez un jour condamné à mort un jeune homme, et vous verrez leur regard".
Dans le brouhaha qui suit, à la stupeur générale, on perçoit les mots : " Réclusion criminelle à perpétuité ".
Henry échappe à la guillotine : il fallait 8 voix sur 12 pour prononcer la mort, 7 seulement ont voté contre. L’assistance, debout hurle ! Le Président rappelle le public au silence et ajoute : "Patrick Henry, la Cour a fait preuve à votre égard d’une grande mansuétude. Puissiez-vous ne pas la décevoir… ". Henry répond :" Je vous remercie, vous n’aurez pas à le regretter".
Dans la rue, la foule des Troyens conspuent le verdict, les jurés, l’avocat et le condamné. Badinter, avec soulagement, sait qu’il ne retournera pas à la Santé visiter Patrick Henry dans la cellule des condamnés à mort. En octobre 1981, alors qu’il plaide pour l’abolition de la peine de mort devant les députés, le Garde des Sceaux, s’attachant à démontrer que la peine de mort n’a rien de dissuasif, relate une anecdote que lui a confiée Patrick Henry pendant le procès : il était de ceux qui, en juin 1972, alors que s’ouvre le procès de Claude Buffet et Roger Bontems, étaient massé derrière les grilles du palais de justice pour hurler " A mort !".
Le 9 octobre, la loi abolit la peine de mort. Alors qu’il est en prison, Patrick Henry est condamné en 1989, pour trafic de drogue. Il rédige plusieurs demandes de libération conditionnelle. Ce n’est qu’en avril 2001, que les magistrats de la juridiction de Basse-Normandie prennent cette décision, après la réponse favorable des commissions composées de magistrats, médecins, éducateurs, représentants de l’administration pénitentiaire.
L’avis définitif appartient au Garde des Sceaux, et ni Jacques Toubon ou Elisabeth Guigou n’ont donné leur accord. Un imprimeur de Condé-sur-Noireau se propose comme employeur de Patrick Henry. Le procureur général accepte :"sous la condition de se soumettre à titre probatoire au régime du placement à l’extérieur pendant 8 mois (le condamné qui travaille dehors, doit réintégrer l’établissement pénitentiaire pour la nuit), et pendant 7 ans, il sera soumis à des mesures de contrôle et surveillance.
La décision de l’imprimeur lui vaut de nombreuses insultes et menaces téléphoniques, beaucoup en provenance de l’agglomération troyenne. Patrick Henry sort de prison le 14 mai 2001, en liberté conditionnelle, à l’âge de 47 ans, après 25 ans de prison. Détenu, il passe son BEPC en 1979, son bac C en 1984, une licence de maths, un DUT d’informatique le tout par correspondance. Il a mis de côté plus de 16.000€ d’économies et perçoit un salaire mensuel de 1.100 €. Malgré tout, il monnaye chèrement son image auprès des médias.
En juin 2002, il dérobe 80 € dans un magasin de bricolage, a une amende pour excès de vitesse. Il se rend en Espagne, sans l’autorisation du juge, et est interpellé le 7 octobre, en possession de 10 k de hachish (achetés à Tanger), d’une valeur de 30.000 €, avec sur lui 8.500 € et 440 dirhams marocains.
Dominique Perben, Garde des Sceaux, demande son extradition.
Apprenant cette affaire, Calmann-Lévy suspend la publication du livre de Patrick Henry "Vous n’aurez pas à le regretter " cri du cœur lancé aux jurés qui lui avaient épargné la guillotine, et pour lequel, il a touché 85.000 €. Les policiers retrouvent des images pédophiles dans son ordinateur (possibilité de 2 ans de prison et 30.000 € d’amende). L’examen du disque dur met à jour des sites d’achat d’armes et de falsification de documents.
Le 16 avril 2003 il est extradé et transféré à la maison d’arrêt de Caen. Sa liberté conditionnelle est révoquée le 20 mai. Il est condamné à 4 ans de prison et 20.000 € d’amende pour transport de drogue, et transféré au centre du Val-de-Reuil dans l’Eure.
En novembre 2011, Patrick Henry fait une grève de la faim, contre son maintien en détention.
En décembre 2015, une nouvelle demande de libération conditionnelle est formulée par son avocate. Délibéré le 7 janvier 2016. Ce jour-là Patrick Henry obtient la libération conditionnelle, mais le parquet fait appel, ce qui est suspensif de la mise en liberté. La Cour d'appel de Paris statuera sois 2 mois. Le 30 mars 2016, la demande de libération conditionnelle est rejetée.
Le 12 novembre 2017, Patrick Henry , 64 ans, le plus ancien détenu de France, voit sa peine " suspendue ", en raison de son état de santé : " un cancer fulgurant ".
Il décède le 3 décembre 2017.
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